Les 4 cylindres éligibles au permis A2 ne sont pas légion sur le marché. Complexes à brider et critiqués pour leur puissance castrées, ils sont souvent jugés sans intérêt pour débuter la moto. Pourtant, j’ai apprécié les Kawasaki Z900 et Suzuki GSX-S 950 dans leurs versions A2. Certes, ce sont des motos lourdes et limitées à hauts-régimes, mais de mon propre avis, leur couple et leur grande souplesse moteur contrebalancent ces "défauts" pour débuter. Preuve en est avec la GSX-S 950 : son couple à bas régime et son cadre affûté en font l’une des motos A2 les plus plaisantes à mon sens.
Avec la Honda CB650R - l’un des rares 4 cylindres A2 de sa catégorie - on passe chez les mid-size. Son moteur étant plus petit, je suis curieux de saisir les différences avec les Suzuki et Kawasaki précitées. Et puis, ce n’est pas un secret, la Honda CB500F est - pour le moment - ma moto A2 favorite. Voyons si son alter-égo 4 pattes peut la détrôner...
Honda CB650R A2 : le néo-rétro du futur
Depuis les années 2010, certains constructeurs cherchent à réinventer leur identité sous quelques bannières. Chez Yamaha, c’est le "Dark Side of Japan" tandis que chez Honda c’est le "Neo Sports Café". Souvent moquée, je saisis peu ou prou l’appellation de la firme ailée : fusionner leur héritage historique avec une vision esthétique du deux-roues du futur.
En cela, la Honda CB650R est une réussite. Esthétique de prime abord, avec son réservoir et sa selle bien dessinée, ses ailettes et son phare rond à leds. Mais aussi historique, en témoigne ses faux-airs de CB500 des 90/2000 et son superbe collecteur façon CB400 Four. Bridée à 47,5 ch dans sa version A2, cette CB650R semble être son héritière avant-gardiste ! J’adhère à ce parti pris audacieux, comme souvent chez Honda.
En selle, la moto met à l’aise illico. Facile de prise en main avec ses leviers souples et sa position de conduite naturelle, je retrouve le sel d’une CB500F et de mon acolyte hivernal, le Honda Monkey 125. Les finitions sont exemplaires, presque luxueuses tant les plastiques et métaux respirent la qualité. Coté commandes, la CB650R va à l’essentiel, sans trop d’électronique et de commodos farfelus. J’apprécie cette simplicité d’utilisation, assumée par une volonté de proposer une moto "traditionnelle", valorisante et rien d’autre.
Mes genoux, peu repliés et calés sur la finesse du réservoir, déploient mes pieds sur des commandes ergonomiques : dès les premiers tours de roues, la boite de vitesse caractérisant les motos Honda brille par sa douceur et sa précision, tandis que le levier de frein arrière profite d’un appui suffisant pour ajuster sa vitesse d’une pression succincte.
Aussi, les grands rétroviseurs et la position guidon en mains facilitent la prise d’informations. Seul le compteur, déjà mis en défaut sur la CB500F par forte luminosité, manque de visibilité lorsque les reflets s’agitent.
Honda CB650R A2 : l’ode à la facilité
Qui dit roadster mid-size, dit poids contenu. C’est d’autant plus impactant avec la CB650R qui, malgré ses 202 kg tous pleins faits, semble en faire 10 de moins. C’est simple, j’ai l’impression de me retrouver sur une moto à peine plus légère qu’une CB500F. En ville, le centre de gravité est si bas qu’il facilite toutes les manœuvres. La hauteur de selle de 810 mm aidant, mes pieds sont à plat pour me mouvoir au besoin. À peine plus large qu’un bicylindre, le 4 pattes, ajusté à la finesse et au poids équilibré de la moto, me permet de zoner dans l’interfiles du périphérique parisien en toute confiance.
Le moteur, parlons-en ! 4 cylindres oblige, sa souplesse est invraisemblable. Sur n’importe quel rapport, reprendre à basse vitesse n’augure ni vibrations, ni inconfort, si bien qu’il s’avère plus permissif que le bicylindre - déjà très souple - de la CB500F. En 4ème ou en 5ème, le moulin reprend les tours à bas régime et offre de quoi se concentrer sur la circulation environnante.
Un avantage certain en cycle urbain lorsqu’il s’agrémente d’une partie cycle d’exception : la maniabilité instinctive de la CB650R surpasse la plupart des motos A2 que j’ai pu tester jusqu’à présent. Agile, stable et légère au ressenti, je communie avec elle dans le labyrinthe de la petite couronne parisienne.
Le freinage, dosable et vigoureux, stabilise la moto en un clin d’œil et active les warning automatiquement (et intelligemment !) en cas de ralentissement brusque. Quant aux commandes, toujours aussi limpides, elles rejoignent le caractère "instinctuel" de la moto. Ce premier aperçu d’ensemble me fait dire que la CB650R a tout d’une moto de référence pour débuter.
En revanche, certains détails brouillent le tableau. L’assise spartiate et les suspensions fermes altèrent le confort lors des trajets prolongés. Rien d’intolérable, mais il dissone avec l’aisance de pilotage de la moto.
Enfin, le couple, linéaire jusqu’à mi-régime, se révèle très (trop ?) doux dans cette version bridée à 47,5 ch. Mon expérience progressive à moto me rendrait-elle pointilleux ? En agglomération, il y a bien sûr de quoi faire sous la poignée, mais je regrette le répondant des Z900 et GSX-S 950 et leurs gros 4-cylindres. Sur le "petit" 650 cm3 Honda, le couple maximum semble plus perché dans les tours. Constat validé après lecture de la fiche technique, que je m’empresse d’aller vérifier sur le réseau secondaire...
Honda CB650R A2 : manque de pêche, mais partie cycle d’exception
Stabilisé sur voies rapides, je comprends mieux le caractère de la CB650R. Comme en cycle urbain, c’est une moto qui se distingue par sa douceur de pilotage et le caractère apaisé de son moteur. Idéal pour cruiser, je profite d’une souplesse et d’une facilité de tout instant. Le couple est doux et réparti progressivement dans les tours. À l’instar de la Kawasaki Z900 A2 et son allonge, cet équilibre en fait un moteur simple à appréhender, sans frayeur ni surprise.
Une fois les 7000 tr/min franchis, le 4 cylindres gagne en vigueur et sonorités mélodieuses. J’intensifie mon allure jusqu’à 130 km/h et passe la 6ème. Les sensations lisses demeurent, mais la moto brille par sa stabilité, sa maniabilité et sa boite de vitesse toujours aussi précise. Plus tard, lors d’un léger ralentissement de trafic, je souhaite dépasser un véhicule sur ma voie. Le freinage, très efficace, m’aligne à 100 km/h. J’envisage un dépassement en 5ème, mais le moteur réagit peu. Mince ! Je tombe un rapport (4ème), je cravache les gaz, le moteur récupère le maximum de couple au dessus des 7000 tr/min et j’opère mon dépassement.
C’est là que je saisis les reproches faits aux 4 cylindres bridés à 47,5 ch. Selon l’allure, il est nécessaire de tomber un voire deux rapports pour tâter le couple perché dans les tours. Le problème est moins perceptible avec les gros moteurs coupleux des Z900 et GSX-950. C’est un pli à prendre, car j’ai été moins surpris ensuite en jouant avec les régimes moteur. Il faut juste garder en tête qu’à plus de 100 km/h, le 4ème rapport est à privilégier pour engager ses dépassements avec cette moto. Mention "très bien" à la boite de vitesse et au levier d’embrayage, qui, de part leurs commodités, tolèrent les rapports passés en "deux-deux". Le shifter en option doit également simplifier la donne !
Après de longues virées sur nationales et départementales, la CB650R semble calibrée pour enchaîner les virolos, pif-paf et autres épingles avec brio et ce, en toute sécurité. Sur ces parcours, la partie cycle excelle et m’émerveille plus que sur toute autre moto. Chaque courbe s’amorce et s’enchaîne d’une pression de frein, de genoux et d’un regard porté au loin. La moto m’accompagne avec assurance, stabilité, tenue de route et haute précision. Sur ce point, je retrouve les sensations éprouvées au guidon d’une CB500F, mais un cran au dessus en terme de rigueur et d’aisance cette fois-ci.
Le 650 cm3 bridé A2, parfois creux sur voies rapides, n’a pas besoin d’être cravaché ici. Les reprises en sortie de virage se font d’un claquement de gaz et témoignent d’une grande allonge. Le couple, agrémenté par le contrôle de traction, relance la moto sans accrocs en fond de poignée. Si les sensations restent lisses coté moteur, la CB650R livre un plaisir de pilotage "inné" dans ces conditions routières. Aprilia RS660 mise à part, je n’ai jamais osé autant pencher une moto qu’à son guidon, preuve que sa partie cycle, finement étudiée et sécurisante en pratique, est largement exploitable avec quelques mois de permis. Sur ce point, j’ose imaginer ce que peut donner sa déclinaison carénée, la "CBR" 650R...
Honda CB650R A2 : le verdict
Dans sa déclinaison A2, la CB650R fédère le meilleur de deux mondes : la souplesse d’un 4 cylindres et la commodité inhérente d’une CB500F. Légère au ressenti, admirablement bien finie et facile de prise en main, elle est la moto parfaite pour découvrir ce type de moteur.
En dépit d’un gros manque de gouache jusqu’à mi-régime, c’est une moto qui brille de polyvalence et qui excelle en cycle urbain et sur le réseau secondaire. En définitive, sa partie cycle conjuguée à la souplesse de son 4 cylindres en fait la moto la plus facile et maniable qui m’ait été donné de rouler (oui !). Seul son manque de sensations, en plus d’un confort limité, ne me feront pas oublier la pétillante CB500F.
Pour autant, la CB650R fera le bonheur du jeune permis qui souhaite débuter sur un 4 cylindres. Simple, rassurante, bien équipée, économique (5L aux 100 en mixte) et bien placée coté tarif (8 249 euros), elle saura convaincre celles et ceux qui souhaitent apprendre la moto au guidon d’une routière originale, sécurisante et paisible... en attendant de la passer à 95 ch en full, permis A en poche !
Honda CB650R A2 : l’avis de Philippe Guillaume
L’avis du vieux, c’est de se dire que lorsque l’on cherche une moto pour débuter, qui peut le plus peut le moins. Certes, Z 650 et MT-07 sont moins chères. Mais la CB 650 R a un truc en plus : elle est mieux construite, mieux finie, et si son quatre cylindres est un peu plus pointu, moins coupleux, le tout est compensé par une qualité de partie-cycle qui n’a pas d’égale sur ce segment. La CB 650 R a de vrais freins, de vraies suspensions : elle vous apprendra donc ce qu’est un vrai plaisir de conduite. Ne cherchez pas, dans le créneau, il n’y en a pas d’autres comme elle...