D’une moto l’autre
Journée type : les « road-testers » s’accaparent la machine à analyser. C’est leur boulot. Une fois l’engin testé-décortiqué, ils passent au suivant et ainsi de suite. Pour moi, cela se résume à : « Greg ! Passe moi les clefs de celle-là. Prends celle-ci ». Je passe d’une moto à l’autre comme on le ferait d’une relation sans lendemain à une autre.
Routine
Aujourd’hui on m’a refilé une Triumph T100 black. Les essayeurs voulaient réserver une place à une « alternative » dans leur comparo de néo-retros « musclées ». J’hérite donc d’une anglaise cette fois. Mécaniquement, je fixe le sac photo avec deux tendeurs sans me poser plus de questions que ça. Nous voila partis bon train pour une séance de deux-roues en terre hostile, à savoir la réjouissante région parisienne.
Séductrice
Très vite, la T100 se la joue docile avec sa faible hauteur de selle, sa position naturelle, son moteur rempli de couple dès 2500 tr/min, sa boite de vitesse - secondée par un embrayage assisté - est remarquable de douceur et de précision.
Je me faufile, passe de voies en voies avec souplesse, bercé par la sonorité enchanteresse des silencieux Vance & Hines. Les heures passent, les virages s’enchaînent. Je conduis avec plaisir. Mes camarades sont loin devant. Peu m’importe. Je veux profiter du moteur, du paysage et du son des échappements que les collines me renvoient en écho.
Nous sommes sur la même longueur d’onde. La T100 et moi parlons le même langage. Bref une harmonie cosmique se met en place.
Au boulot
Ah, oui, il y a des photos à faire pour le mag’… Je dois rejoindre les collègues. Ma conduite se fait plus brutale, le rythme s’accélère. La Triumph se rebiffe et n’accepte pas ce changement brutal dans notre relation. Le freinage est limite, les suspensions s’emballent et la moto se désunit rapidement. Le vertical twin ne fait que râler, refusant de me donner quoi que ce soit en retour. Je viens de gâcher une belle relation par la grossièreté de mon approche. Le gentleman en moi reprend le dessus et je rejoins le reste de la troupe. Je béquille la T100, fais deux pas en arrière pour bien regarder celle qui me fait tant d’effet. Ses lignes résolument classiques, sa finition impeccable me font rêver d’une vie commune.
Place au pragmatisme
La fièvre retombe, mon regard se fait plus pragmatique. La T100 est une T120 avec un moteur de 900 cm3. Elle est vendue 1 400 € de plus que la petite Street Twin et 1 900 € de moins que la grosse T120 (1200 cm3), soit 10 600 € hors frais de mise en route (400 € minimum). Les titulaires du permis A2 devront quant à eux rajouter 150 € pour le kit de bridage. Ma T100 d’essai est de surcroît équipée de quelques accessoires (il y a 150 références au catalogue) qui magnifient son look et provoquent une envolée de la facture à plus de 12 000 €. Je consommerai donc la T100 nature.
Les petites anglaises
Soudain on m’interpelle : « Greg ! Passe moi les clef de la Triumph et prends la Honda ! ». Pour la première fois j’ai répondu par la négative à la « hiérarchie ». Non ! « Continuez à vous arsouiller avec vos japonaises, je crois que je vais conclure avec cette jolie Anglaise. »