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KARUKERA, l’île aux Belles Eaux : un passé tumultueux

Ces plages de rêve furent un cauchemar pour les premiers colons qui se heurtèrent aux féroces indiens Caraïbes, sauvages et cannibales.

Avant d’être baptisée Guadeloupe par Christophe Colomb en raison d’une ressemblance avec la région de Notre-Dame-de-Guadeloupe dans la province espagnole de l’Estramadure, l’île, ou plutôt les deux îles, Grande Terre et Basse Terre séparées par un étroit bras de mer nommé la Rivière Salée, était occupée par la tribu amérindienne des Arawaks. Des traces de ce peuplement remontent à plus de dix siècles avant notre ère.

Ces indigènes avaient appelé le lieu Karukéra, l’Ile aux Belles Eaux. Ils y menaient une vie calme de pêche et de chasse. Malheureusement, cette sérénité ne dure pas. Ils sont envahis et mangés -au sens propre du terme- par les farouches indiens Caraïbes, authentiques cannibales qui, venus de Guyane vers le 3ème siècle imposent leur violence et leur barbarie pour les siècles suivants.

Cette maquette reconstituant un village des premières peuplades amérindiennes de l’île est exposée au musée Edgar Clerc sur la commune du Moule (Grande Terre). Actuellement en cours de rénovation, ce musée proposera bientôt un vaste échantillonnage de reliques de céramiques, de pierres gravées, de peintures et parures corporelles, ainsi que des éléments se rapportant à la culture et à la consommation du manioc. Un jardin expliquera également les différentes méthodes de culture utilisées par les pré colombiens.

Les troupes de Christophe Colomb débarquées en novembre 1493, puis les autres conquérants dont les Français du lieutenant Lienard de l’Olive et son compagnon Duplessis d’Ossonville, au 17° siècle, ont le triste privilège de voir nombre de leurs marins transformés en recettes culinaires par ces terribles indiens Caraïbes, avant de pouvoir se rendre maîtres de la place.

Peu à peu, la colonisation occidentale s’implante et vient le temps des grandes exploitations cultivant le coton, l’indigo, le café et le tabac. La culture de la canne à sucre et la distillation du rhum ne débutent que vers 1700 sous la houlette du Père Labat qui a déjà une solide compétence dans les recherches de vinification diverses.

L’endroit où Christophe Colomb a débarqué s’orne d’une colonne surmontée du buste du navigateur dans un parc bordant la mer, au village de Sainte Marie, sur Basse Terre. Le nom de Sainte Marie vient, bien sûr, du nom de la goélette Santa Maria qui avec la Nina et la Pinta étaient les trois vaisseaux du conquérant.

Parallèlement à cette activité économique qui génère un flux important de trafic maritime, la prospérité ambiante attire force gredins de tous poils et la flibuste entre dans sa période de légende. L’île de St Barths, à 200 km au nord ouest et nommée ainsi par l’incontournable Christophe Colomb en l’honneur de son frère Bartolomé, sert pendant plus d’un siècle de repaire aux pirates dont un des plus célèbres, Monbars inspira Hergé pour le personnage de Rackham le Rouge et Walt Disney pour son capitaine Crochet.

Cette époque tourmentée qui s’étend sur les 17ème et 18ème siècles bat des records d’abordage, de tueries et de naufrages. Encore actuellement la quantité d’épaves englouties fait rêver une multitude de plongeurs et de chasseurs de trésors.

Colonisation et esclavagisme

Place de la Victoire à Pointe à Pitre, le monument des « sang chaînes » constitué de cent chaînes suspendues à un portique rappelle les sanglantes répressions subies par les esclaves.

L’année 1635 marque le début de l’arrivée massive des colons européens, sous couvert de la vertueuse politique des Compagnies à Charte (Cie St Christophe, Cie des Isles d’Amérique, Cie des Indes Occidentales...) Les Hollandais, réfugiés là après leur expulsion du Brésil par les Portugais installèrent massivement les moulins à sucre, denrée extrêmement recherchée sur le Vieux Continent.

C’est l’une des époques la moins glorieuse de la civilisation occidentale. L’engouement des Européens pour ces denrées exotiques et nouvelles crée sur les îles un important besoin de main d’œuvre. Les colons, convaincus que le système esclavagiste garantit une meilleure rentabilité que le travail rémunéré ont franchit sans vergogne les codes moraux et ont organisé à grande échelle le trafic des esclaves arrachés de force à leur terre africaine.

Ce sont des dizaines de milliers d’individus qui ont déportés sur l’archipel et astreints au travail forcé dans des conditions de vie et d’hygiène déplorables. La mortalité est effrayante et les moindres tentatives de révolte sauvagement réprimées.

Cette situation dure jusqu’en février 1794 quand le gouvernement Montagnard français fait voter l’abolition de l’esclavage, mais hélas pour peu de temps puisque Napoléon 1er le rétablit en 1802.

Les anglais ayant interdit la traite des noirs en 1807, le Congrès de Vienne l’ayant prohibée en 1815, le trafic continua clandestinement. C’est ici que se situe l’épisode tragique de « La Vigilante », bateau négrier français. La marine anglaise, chargée de contrer ces pratiques sur les mers étant sur le point de l’intercepter dans le golfe de Guinée, l’équipage jeta des centaines d’esclaves par dessus bord pour supprimer les preuves...

Chantres de la Liberté

Victor Schoelcher, grand défenseur des esclaves a sa statue dans la cour de son musée, à Pointe à Pitre.

C’est à cette époque que Victor Schoelcher, homme politique français commença sa longue lutte victorieuse contre l’esclavagisme. Né à Paris en 1804 et fils de riches marchands de porcelaine de la place d’Italie il devient député de la Guadeloupe et de la Martinique puis sénateur. Il réussit en 1848 à mettre un terme définitif à ces pratiques monstrueuses. Héros national aux Antilles, il a sa statue et son musée à Pointe à Pitre au 24 rue Peynier.

Une autre figure connue de l’anti esclavagisme est le général Toussaint l’Ouverture. Ce militaire noir s’est illustré dans la lutte pour la liberté en Haïti alors colonie française. Son destin fut hélas plus tragique que celui de Victor Schoelcher puisque il est emprisonné par Napoléon qui, faisant preuve d’un sadisme certain l’enferme dans la région la plus froide de France, au château de Joux, à Pontarlier (25) où il meurt en 1803.

Michel Marcand, correspondant 83

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