Essai

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Les magazines regorgent de pages « aventure » ou de chouettes types, bronzage tanné et barbe de trois jours, posent devant des paysages féériques, à côté de leur monture. Ça, c’est sûr que pour le motard lamdba, qui se tape surtout de l’interfile en mode boulot-dodo, ça fait rêver !

Toutefois, n’oublions pas que le rêve se mérite : d’abord, parce que les « gros » trails qui tiennent le haut de la savane sont des machines complexes, puissantes et chères, tournant à la lisière des 20 000 €, voire plus pour certaines. Ensuite, parce qu’aller la poser au bord d’un canyon ou au fond d’un désert, cela demande des compétences physiques et techniques, un joli coup de guidon, et la capacité à se sortir d’une situation délicate, comme un bourbier ou un pierrier. Bref, est-ce que pour rendre l’aventure plus accessible, une petite descente en cylindrée ne serait pas à conseiller ?

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En redescendant sur terre, il faut reconnaître que l’offre est moins pléthorique que dans les hautes sphères : si l’on met de côté les constructeurs « exotiques » comme Voge et sa 300 Rallye ou celles qui sont sorties du catalogue (Kawasaki Versys-X 300, Honda CRF 250 Rally), il nous reste la Honda CRF 300 L, dont la selle taillée façon biscote risque d’être un peu spartiate au long cours. Nous avons aussi la Royal Enfield Himalayan 410, sympa et polyvalente, mais un peu sous-motorisée et pas franchement suspendue avec génie aux yeux de certains. Vous voulez du plus cossu ? Alors la Honda CB 500 Xse pose là, même si l’on peut pré-supposer qu’en réalité, elle sera plus à l’aise sur la route que dans les chemins.

Dans cet aéropage, la KTM 390 Adventure a tout de la synthèse idéale : suffisamment puissante avec ses 44 chevaux qui la rendent naturellement compatible avec les besoins des permis A2, se situant sous la barre des 160 kilos, ce qui ne lui permet pas de rentrer dans la catégorie des grosses dindes qui frôlent les 200 kilos (comme l’Himalayan et la CB 500 X – ne parlons pas de la Benelli TRK 502, qui frôle les 240 kilos !), doté d’une électronique simple, elle peut en tenter beaucoup.

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Pour savoir ce qu’elle vaut, nous l’avons emmené sur un périple de plus de 2700 kilomètres, entre Afrique du Sud, Lesotho et Eswatini (le nouveau nom de l’ancien royaume du Swaziland). Un récit typé « voyage » se trouve dans le hors-série « spécial trails » de Moto Magazine, en kiosques depuis début août 2022… Sachez aussi qu’il nous faut remercier avec la ferveur qu’il se doit, et elle est bien haute, notre confrère et ami Julien Muntzer, en charge des photos (et vidéos, surveillez notre chaîne Youtube) de ce reportage. Son propre récit du voyage, qui fait de lui le Sylvain Tesson de la presse moto, est disponible sur son propre site A2 Riders.


Essai KTM 390 Adventure 2022 : présentation

Pas de doutes, l’air de famille est là : toutefois, les proportions relativement contenues de la 390 Adventure (1430 mm d’empattement, 158 kilos à sec) font que l’on sent rapidement à l’aise à ses côtés, même si la hauteur de selle, de 855 mm, fera à la fois figure de sélection naturelle auprès des membres du fan club de Michel Drucker et la fortune des vendeurs de talonnettes. Voici une moto bien proportionnée, relativement étroite (le réservoir de 14,5 litres a le mérite de rester assez compact).

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Évidemment, le design est en plein dans le style Kiska, à savoir typique de KTM, c’est-à-dire beaucoup orange et un peu pointu. La question de savoir si c’est beau ou pas ne se pose pas, au vu des chiffres de vente de la marque autrichienne qui sont en croissance permanente d’une année sur l’autre, c’est donc que ça plait. Si vous voulez mon avis – vous auriez tort, c’est très personnel -, en fait, le style de la 390 Adventure ne me touche pas vraiment. Mais au fil des jours passés à son guidon, j’ai commencé à la voir sous un autre œil, avec l’affection de celui qui commence à nouer une relation avec elle et qui lui reconnait moult qualités. Poursuivons la check-list : tableau de bord TFT couleur, porte-bagage, protège-mains, commodos complets : la KTM 390 Adventure a tout d’une grande.


Essai KTM 390 Adventure 2022 : technique

La KTM 390 Adventure partage la « petite » plateforme des « grosses » KTM : entendons par là que le moteur 390, qui cube en vrai 372 cm3 et développe 44 ch – 43 selon certaines fiches techniques – et 37 Nm de couple se retrouve aussi sur les 390 Duke et 390 RC – mais aussi sur les cousines Husqvarna 401 Svartpilen et Vitpilen. Cadre treillis, suspensions de qualité (fourche WP Apex de 43 mm de diamètre et 177 mm de débattement à l’avant, amortisseur WP avec 170 mm de débattement à l’arrière), freins Bybre (étrier radial à l’avant et disque de 320 mm), ABS Bosch 9.1MP déconnectable et avec fonction « virage », contrôle de traction, deux cartographies moteur, on se répète, mais la 390 Adventure, a là aussi, tout d’une grande.

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Elle a d’ailleurs évolué un peu pour 2022, avec de nouvelles jantes, toujours à bâtons, mais avec 5 branches au lieu de 6, et une dotation électronique un peu plus complète.
La bulle n’est pas réglable, les poignées chauffantes ne font pas partie du package. Que demander de plus ? Une selle confort ? Elle était montée sur la moto de Julien, on en parle dans la conclusion.


Essai KTM 390 Adventure 2022 : sur route

Comme expliqué dans l’introduction, nous avons parcouru un peu plus de 2700 kilomètres pour cet essai de la 390 Adventure. L’essai commence donc dans la banlieue de Johannesburg et la 390 Adventure se distingue rapidement par sa facilité de prise en mains. Le petit monocylindre n’émet pas une sonorité trop présente : ça tourne rond, sans les raclements intempestifs que l’on observe parfois sur ce type d’architecture moteur.

Entre les commandes douces, la boîte bien étagée, le moteur qui répond déjà présent, en suivant le trafic, dès les 3 / 4000 tr/min, la 390 Adventure aide à se faire à cette immersion dans la conduite (à droite) de cette grande métropole, avec ses autoroutes urbaines gigantesques et ses règles particulières (attention aux taxis collectifs !). Bref, l’on se sent rapidement bien à bord, et en sécurité.

Nous aurons parcouru tous types de routes sur cet essai : de la voie rapide en mode « pressé » (notamment le dernier jour, quand il faut la rendre avant la fermeture et que l’on doit faire 450 kilomètres en 5 heures, mais aussi de la départementale et de la route de montagne, bien sinueuse, avec des cols à plus de 3200 mètres d’altitude.

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Les autoroutes urbaines laissent place à de grandes lignes droites, parsemées de zones industrielles gigantesques (l’on comprend pourquoi l’Afrique du Sud est le cœur économique de l’Afrique) et de townships. Dans ces conditions, la 390 Adventure continue d’étaler sa facilité : sur les grands axes, le monocylindre ronronne à 7000 tr/min (à 3000 tr/min de la zone rouge, donc) à 130 km/h, à un petit 6000 à 110 (les nationales comme les autoroutes sont limitées à 120 km/h) et à ces régimes, il ne vibre pas et ne donne en rien l’impression de s’essouffler. Certes, une CB 500 X serait tout aussi à l’aise, mais pour un monocylindre de cette cylindrée, l’allonge comme les aptitudes routières sont tout aussi uniques qu’exceptionnelles !

Tenir une vitesse autoroutière n’a rien de la torture, doubler des camions non plus même, s’il faut de la vivacité, l’on hésitera pas à cravacher le moteur entre 7 et 10000 tr/min, profitant d’ailleurs d’un excellent shifter pour passer les rapports à la volée. De fait, comme le confort se révèle, là aussi, étonnamment correct au vu de la compacité de l’engin (la selle permet de se taper au moins deux heures de route sans ressentir de gène, les jambes ne sont pas trop pliées, les bras trouvent une position naturelle et si la bulle ne protège pas trop, son dessin et sa position assez verticale dévient l’air sans créer de turbulences néfastes). Bref, on se sent bien.

Le châssis, bien calibré, posé sur des pneus étroits (130 mm à l’arrière) garantit ce qui fait la magie des petites cylindrées : une agilité impressionnante, qui de plus ne se mue jamais en instabilité. La 390 Adventure plonge en virage sans effort, corrige sa trajectoire, au besoin (et c’est utile, parfois, entre les chèvres sur la route, les nids-de-poule gigantesques, les taxis qu’il faut éviter au dernier moment…) et tout cela sans le moindre effort ni la moindre fatigue.

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Sortie des grands axes, la 390 Adventure continuera de nous surprendre sur les petites routes montagneuses du Lesotho et du Swaziland (enfin, maintenant, on dit Eswatini). Entre le moteur qui permet de tenir un petit 65 km/h en sixième (sur un filet de gaz et sur du plat), les épingles qui s’enroulent en troisième sans avoir l’embiellage qui cogne, la moto fait ce qu’on lui demande, c’est-à-dire surtout de se faire oublier, pour que le pilote s’imprègne à plein des ambiances et des paysages.

En ces moments bucoliques, la 390 Adventure est parfaitement à sa place : en mode balade, j’ai récolté une consommation minimale de 3,1 l/100. Ailleurs, notez 3,6 en moyenne sur l’ensemble du trip, un petit 3,9 en roulant déjà vite sur route et 4,5 le dernier jour, quand il a fallu rentrer vite sur les grands axes et tenir entre 120 et un bon 140 partout où c’était possible. Bref, elle est vaillante, elle est confortable, elle est facile, elle est sobre et elle a de l’autonomie. Ne serait-ce pas là la définition de la vraie voyageuse ?


Essai KTM 390 Adventure 2022 : sur piste

On tient le bon bout, mais pour tout valider, il faut passer par la case « tout-terrain » : ça tombe bien, on en a fait, et pas qu’un peu. De l’épique, même ! Pour illustrer nos propos, n’hésitez pas à jeter un œil, sur les moteurs de recherche, aux forêts de sapin et d’eucalyptus Eswatini, entre le poste frontière de Bulembu et la ville sud-africaine de Barberton.

Mais le morceau de bravoure fut sans conteste le col du Sani Pass, au Lesotho, qui marque la frontière du sud-est entre les deux pays, et qui consiste en une tranche de montagne à s’avaler direct, avec des pentes moyennes à 20 % en bas, et de 30 à 40 % en haut. Oh, on ne vous l’a pas précisé : ce serait moins drôle sans quelques gués, de la glace dans les épingles qui restent à l’ombre et assez de caillasse pour construire un lotissement de pyramides égyptiennes. Avant cela, nous avions avalé quelques dizaines de kilomètres de piste roulante en Afrique du Sud, de endroits où ça passe facile à 100 km/h, tout en restant vigilant face au traitre banc de sable ou à la saignée planquée derrière un petit effet de relief.

Là encore, la 390 Adventure tire plus qu’honorablement son épingle du jeu. D’abord, parce que les suspensions sont remarquablement accordées : on peut la trouver ferme au premier abord, mais c’est parce que les éléments WP Apex sont rigoureux, ne talonnent jamais, sont progressifs en compression et savent mettre les formes en détente, et que l’on ne se bat jamais avec une moité de la moto qui fonctionne à l’envers de l’autre. Ici, une cassure, de la caillasse, une succession de bosses rapides, tout cela sera absorbé en parfaite cohérence et c’est déjà un luxe, au guidon, de savoir que l’on est bien entouré.

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Ensuite, entre le poids contenu, l’agilité, toujours, et le moteur qui tracte bien dès les plus bas régimes, certes sans violence, mais c’est très dosable et profitable à la motricité, pas mise à mal pour nos Continental TKC70 sur ce terrain sec ! De fait, la 390 Adventure est facile pour qui veut faire du chemin pas trop endurisant, même s’il faut pour cela penser, à chaque redémarrage, à désactiver l’ABS et le contrôle de traction (mettre la moto sur le mode « off-road » ne désactive pas automatiquement ces fonctions). Saluons également les commandes bien dosables, notamment le freinage, qui permet une finesse des ralentissements dans des environnements compliqués.

Certains portent deux critiques sur les capacités en tout-terrain de la 390 Adventure : la première porte sur la présence de roues à bâtons plutôt qu’à rayons, moins souples et plus enclines à casser. Lors de nos différents passages au Sani Pass, dans de la caillasse assez abominable, nous n’en sommes pas venus à boût, c’est déjà un indice. Autre problème : la moto étant compacte, les grands gabarits comme le mien ne se sentiront pas très à l’aise à devoir être longtemps debout sur les repose-pieds. Un réhausseur de guidon sera nécessaire, dans le cas d’une pratique en TT un peu plus régulière.

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Essai KTM 390 Adventure 2022 : conclusion

Faut-il 150 chevaux, l’électronique d’un porte-avions nucléaire et dépenser plus de 20 000 € dans une moto pour partir à l’aventure ? Notre road (et off-road) trip démontre le contraire. Certes, nous étions en solo sur nos machines, avec peu de bagages ; un équipage plus lourd, partant plus loin, aura peut-être d’autres besoins, même si nous ne pouvons que lui conseiller de penser à la légèreté et à la sobriété, qui sont deux éléments essentiels à la poursuite d’un voyage long et compliqué !

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La KTM 390 Adventure nous a fait faire 2700 km en 9 jours, nous sommes passés de 0 à 3400 mètres, de – 5 C° à + 28 C°, nous avons fait de l’autoroute et, dans la même configuration, l’une des pistes les plus difficiles du monde, nous avons fait du 113 km/h de moyenne pendant deux heures, entre chèvres, vaches, villages zoulous et nids d’autruches ; et avons aussi mis deux heures trente pour faire la petite quinzaine de kilomètres entre les frontières du Lesothio et de l’Afrique du Sud. Jamais, ô grand jamais, la 390 Adventure ne nous a laissé tomber ; c’est plutôt nous, par maladresse, qui l’avons, chacun une fois, mise par terre, mais ses protège-mains ont encaissé le choc.

A l’issue d’un tel test, la KTM 390 Adventure n’a fait que nous réjouir par ses compétences, alors qu’au depart, nous pensions devoir compenser l’éventuelle faiblesse que les contraintes de sa faible cylindrée allait nous imposer. Or, elle s’est montrée bien plus vaillante qu’attendue, même si ses compétences se font payer, aujourd’hui, au prix fort : une 390 Adventure est facturée 7399 €, quand une Honda CB 500 X, elle aussi renouvelée récemment, s’offre à 7299 €. Beau retournement de situation en peu d’années : un coup d’œil dans nos archives nous rappelle que, dans notre numéro 370 d’octobre 2020, notre excellent – et regretté – collègue Francois Barrois avait emmené ces deux protagonistes en Grèce, en Roumanie et en Bulgarie, et qu’à l’époque, l’autrichienne valait 6699 € et la japonaise 6889 €.
Le prix s’oublie, la qualité reste…

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