Le ministère de l’Intérieur a notifié à la Commission européenne, le 24 avril 2017, un projet de décret « portant interdiction de diffuser par l’intermédiaire des services électronique d’aide à la conduite ou à la navigation tout message de nature à signaler les opérations de police dans certains périmètres » (sic).

C’est le site www.nextinpact.com qui a révélé cette publication, diffusant même une photo du brouillon (fautes d’orthographe comprises) :

Sur le site de la Commission européenne, une publication confirme la notification de ce projet de décret.

En bas du projet de décret figurent les noms des ministres français de la Justice et de l’Intérieur.

Que dit ce projet de règlement ?
Le futur décret vise à modifier le code de la route en insérant dans l’article R 131-1 : « Il est interdit à tout exploitant d’un service électronique d’aide à la conduite ou à la navigation de diffuser au moyen de ce service tout message ou indication communiqué par les utilisateurs de ce service dans les périmètres et pendant des durées déterminés par les autorités publiques, lorsque des opérations de police (…) de sécurité routière (…) sont susceptibles d’y être réalisées et que cette diffusion est susceptible de nuire à l’efficacité de ces opérations (…) La durée de l’interdiction (…) ne peut excéder 24 heures.

(…) Les informations relatives à la durée de l’interdiction et aux périmètres dans lesquels la diffusion de ces messages ou indications est interdite sont communiquées aux exploitants de service électronique d’aide à la conduite ou à la navigation dans les conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de la sécurité routière. Il est interdit à ces exploitants de diffuser les informations qui leur seront communiquées (…) Le fait de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. »

Qui est visé ?
Le gouvernement justifie ce décret au titre de la discrétion de rigueur lors d’opérations de type antiterrorisme ou alerte enlèvement. Mais sur le site de la Commission européenne, il est précisé que le département d’origine du texte est la Délégation à la sécurité et à la circulation routières (DSCR) au ministère de l’Intérieur.

Les outils électroniques d’aide à la conduite ou navigateurs de type Coyote et Waze, dont la communauté indique les « zones de danger », sont dans le collimateur. Les réseaux sociaux hébergeant des pages spécifiques créées par des utilisateurs pour signaler des contrôles routiers dans un périmètre donné ne sont pas nommément cités. Mais on peut penser qu’ils sont également concernés.

Pourquoi une interdiction temporaire ?
L’interdiction limitée à 24h, dans un périmètre donné, correspond à des opérations de police ciblées et précises.

Mais aussi à un type de contrôle routier précis : le timing coïncide avec la volonté du gouvernement d’accroître l’activité des radars embarqués dans des véhicules banalisés. Les fameuses voitures-radars, bientôt conduites par du personnel privé.

L’efficacité de ce type de contrôle serait grandement contrariée si les usagers de la route venaient à signaler, via une quelconque communauté, la présence du véhicule dans un secteur défini, et à un horaire déterminé.

Sanction sévère
C’est ce que le présent projet de décret vise à réprimer. Et plutôt sévèrement : une amende de 5e classe, c’est une amende pénale (et non forfaitaire) de 1 500 €, prononcée par un juge. Elle peut entraîner la suspension du permis, l’immobilisation du véhicule et un retrait de points (jusqu’à 6 points)…

Quand le décret sera-t-il publié ?
Le site www.nextinpact.com nous éclaire sur ce point : le droit européen prévoit une procédure d’information dès lors qu’un État membre impose une nouvelle norme aux prestataires de services électroniques. À partir du dépôt devant la Commission du projet de décret par l’État français (24 avril 2017), un délai de trois mois est requis pour qu’un autre État membre ou la Commission elle-même émette des critiques ou remarques. Ce délai passé, et sans remarque formulée, le texte entrera en application. Même si l’actuel gouvernement français a changé.

Publicité