Nostalgie : Yamaha 1200 V-Max (1985 - 2003), premier dragster des villes !
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Nostalgie : Yamaha 1200 V-Max (1985 - 2003), premier dragster des villes !
Peu de machines modernes de série peuvent se targuer d’avoir fait couler autant d’encre que la V-Max. Moto phénomène dès sa présentation en 1984, elle a placé la barre si haut en termes d’image qu’elle n’a jamais été détrônée durant une carrière qui a duré près de 20 ans (de 1985 - 2003).
Quand la V-Max a été présentée à Las Vegas en octobre 1984, ça été un choc. Mi-custom, mi-dragster, dotée d’un énorme V4 débordant d’un habillage minimaliste de chromes, d’alu poli et de pièces laquées de noir, un dessin époustouflant de bestialité à peine contenue, un coup de crayon génial… On le doit à Ed Burke, styliste au cabinet GKDI, la filiale américaine du bureau de style japonais GK Design. Ce que les Japonais recherchaient, c’était une moto évoquant les « muscle-cars » américains, ces bagnoles à gros V8 survitaminés, surmontés de leurs pipes de carbu à l’air libre et de leurs tuyaux d’échappement chromés. Un truc pour en mettre plein la vue et accélérer aussi fort que possible dans le crissement et la fumée de la gomme brûlée. Conformément à son cahier des charges, elle est à la moto ce que la Chevrolet Corvette est à l’automobile.
En images
Donc, au milieu des années 80, cette déclinaison façon moto a désormais un nom : V-Max ! Dérivé de celui de la Yamaha XVZ 1200 Venture apparue un an plus tôt et développant 145 ch grâce à son 1200 cm3 suralimenté par le fameux système V-boost, le V4 offre des accélérations qui permettent d’atteindre les 200 km/h sur 400 m départ arrêté en 11 secondes ! Pas mal, pour une machine de série… Oui, la V-Max est vraiment dédiée au marché américain où ce type de performance est apprécié auprès de motards par ailleurs strictement enclins à respecter une vitesse limitée de 55 m/ph, soit 88 km/h. Et pourtant, sa formidable carrière de plus de vingt ans, c’est en France qu’elle va la faire.
La découverte du boss
Quand Jean-Claude Olivier (JCO), l’emblématique PDG de Yamaha Motor France la découvre, il la veut, malgré la réticence des dirigeants japonais et la future législation française qui limitera la puissance à 100 ch. Pire, il n’est pas même pas question de distribuer la V-Max en Europe où les motards sont soupçonnés de mettre du gaz sur grandes distances et par tous les temps, contrairement aux Américains qui ont le culte de la puissance mais qui roulent peu et de façon assez apaisée pour être encore dispensés de port du casque dans certains États. Chez nous, des journalistes moto assurent même qu’elle n’a aucune chance d’être importée. Têtu et n’écoutant que son flair, JCO en fait rentrer dix exemplaires au printemps 1985. Malin, il les confie à des amis fréquentant les milieux du show-biz, avec mission de se montrer dans tous les lieux à la mode, de Paris à Saint-Tropez.
Même s’il s’agit désormais de motos dégonflées à 100 ch et dépourvues du fameux V-boost, ces dix V-Max vont faire parler d’elles au-delà des espérances. Peu importe que sa tenue de route ne soit pas terrible, ni que son freinage peine à contenir les accélérations du monstre, ou que sa consommation et son petit réservoir ne lui permettent de parcourir plus de 150 km…
Inaperçue ? Impossible pour la V-Max
Plus frime, y’a pas et elle s’affirme comme une alternative aux Harley-Davidson en ne laissant aucune chance aux customs traditionnels qui n’ont rien d’autre à proposer que de singer, avec plus ou moins de bon goût, le mythe américain façon Milwaukee. Avec le recul qui permet toutes les analyses, on peut même dire qu’elle aurait pu être une voie de développement naturel entre custom et roadster, si elle n’avait pas été aussi géniale au point d’enterrer par avance toute tentative de ressemblance. J’exagère ? Pourtant, que sont devenus les Honda VFC 1100 et autres Kawasaki Eliminator ? Disparues sans descendance… Et plus récemment, la Honda 1500 F6C et la Yamaha MT-01 ont-elles entraîné le même enthousiasme et l’étonnement qui a prévalu au lancement et à la carrière de la V-Max ? Pas davantage.
Pour le motard pur jus, la V-Max n’est pas non plus dénuée d’intérêt, ne serait-ce que par ses caractéristiques techniques. Il y a d’abord ce fameux quatre-cylindres en V à 70° et seize soupapes, d’une architecture pas si courante à l’époque et toujours peu usitée de nos jours.
Un dragster à Cardan
Il y a aussi la transmission par arbre, généralement adoptée par les motos à vocation touristique. Il y a encore cette implantation du réservoir d’essence sous la selle, l’emplacement situé au-dessus du moteur étant utilisé par l’admission, l’interrupteur de passage en réserve au guidon, le système de refroidissement liquide et les principaux éléments électriques, un choix seulement retenu jusque-là par Honda et sa Goldwing, moto peu conventionnelle s’il en est. Enfin, il y a cette roue Ar de 15 pouces chaussée d’un pneu de 150 mm, un record de largeur pour l’époque.
La moto des peoples
Autant prisée par les yuppies que par les caïds des cités, la V-Max est adoptée par des célébrités telles que Lagaf, Stéphane Peterhansel, Pierre Bachelet – qui sera un temps parrain du club V-max – ou encore le cascadeur Alain Bour qui en sera aussi le président d’honneur. JCO a gagné son pari et il a fait du gros drag-bike le même succès qu’avec la 125 DTMX et la 500 XT des années auparavant : en 1986, 570 V-Max sont immatriculées en France, 1 400 en 1990 et le pic est atteint un an plus tard avec 1 730 exemplaires vendus ! Jusqu’en 2000, il s’en vend encore 500 en moyenne par an.
Si pas mal de Yamaha 1200 V-Max ont été massacrées à grand coup de burn-out et autres exercices de tuning plus ou moins maîtrisés, ses amateurs sont aujourd’hui des motards attachés à son côté mythique et ils n’hésitent pas à rouler, quitte à s’adapter à ses particularités.
Gros couple
En usage apaisé, elle n’est pas aussi piégeuse que ce que prétend la légende. Une fois que l’on a savouré quelques accélérations en ligne droite, juste pour le plaisir, la V-Max se montre plutôt agréable pour cruiser. Même « dégonflée » à 100 ch, il y a toujours ce gros moteur plein de caractère et question confort, on peut trouver pire. Même la faible autonomie n’est pas si contraignante compte tenu de l’usage balade à laquelle les « V-maxistes » la destinent. Sa fiabilité est excellente si l’on prend soin de laisser le moteur atteindre sa bonne température de fonctionnement.
Faut la soigner
Le gros point faible réside surtout dans la batterie située sous la selle, juste au-dessus du raccordement de l’échappement de type 4 en 2, un endroit pas facile d’accès et très chaud : en été, l’électrolyte s’évapore bien vite et les vapeurs acides n’arrangent rien. Pour rester belle, elle réclame aussi un peu de soins : ses alus polis n’apprécient pas les nuits passées sous la pluie et la peinture noire du moteur ne supporte pas les lavages au nettoyeur à haute pression. À part ça, ceux qui l’aiment n’ont pas grand-chose à lui reprocher. Bien née, elle n’a d’ailleurs connu qu’une seule évolution majeure : en 1993, les tubes de fourche sont passés de 40 à 43 mm et elle a adopté le freinage Av à disques flottants et étriers à 4 pistons de la Yamaha 1000 FZR.
Entre 1986 et 2003, fin de sa commercialisation chez nous, 12 936 V-Max ont été vendues par Yamaha Motor France et elle est encore au catalogue aux USA jusqu’à la fin de l’année. Quel sera l’avenir de sa descendance ? Des prototypes ont bien été vus dans des salons internationaux, mais dépasseront-ils le stade du concept-bike ? Éternel à jamais, le mythe Yamaha 1200 V-Max peut-il être renaître sous une autre forme ?
Pour le savoir, rendez-vous dans vingt ans !
Présidé par Patrice Bogaerts, le club V-max d’Ile-de-France compte actuellement 45 adhérents. Il a été fondé en 1991. C’est un des quatre clubs français qui ne sont pas regroupés en fédération. Depuis 1997, le club anime un site Internet qui reçoit 10 000 visites par mois. « En 2007, soixante-quinze machines ont changé de main via les petites annonces du site », précise Patrick. Le club V-Max entretient des relations avec les autres clubs et avec Jean-Claude Olivier, PDG de Yamaha Motor France qui les reçoit une fois par an pour leur accorder une aide dans le domaine promotionnel, notamment lors de salons et autres manifestations. Les clubs français sont également en relation avec leurs homologues belges et néerlandais. Un rassemblement majeur est organisé chaque année, alternativement à l’initiative du Team Rhône-Alpes V-Max et du
V-max club du Sud-Ouest, sans oublier la participation du V-max club les Volcans pour la région Centre. Regroupant des passionnés de toutes origines sociales, le club accueille toutes les V-Max, qu’elles soient restées strictement d’origine ou modifiées selon le désir, la fantaisie et les moyens de leurs propriétaires. www.vmaxleclub.free.fr
La technique V-boost
Le V-boost, comment ça marche ? C’est un système de suralimention mécanique commandé électriquement qui se déclenche de 6 000 à 8 000 tr/mn. De par son architecture à 4 cylindres en V encadrant les 4 carburateurs à simple corps, lorsqu’un cylindre est en phase « d’admission », celui qui lui est opposé est en phase de « détente », donc ses soupapes sont fermées. Un conduit reliant les deux carburateurs aux pipes d’admission est alors ouvert, via un papillon à commande électrique, pour récupérer, grâce à la dépression du cylindre en admission, le volume d’essence disponible dans le carburateur correspondant au cylindre en « détente ». Le V-boost n’existe que sur les V-Max de 145 ch d’origine. Il a été dit que ces modèles étaient également montés avec des arbres à cames plus « méchants », mais selon les explications techniques diffusées sur le site Internet du club, des mesures comparatives effectuées entre des moteurs « full power » et des moteurs destinés au marché français (102,2 ch) tendent à prouver qu’il n’en est rien. Les légendes sont tenaces…
L’avis de Michel
directeur commercial en télécommunications
« Je me suis offert cette V-Max neuve pour mes 50 ans, après une très longue période sans moto. Plus jeune, j’ai possédé une Honda CB 350. J’en ai depuis retrouvé une et j’ai aussi une Yamaha XT 550 et une Motobécane Z 56 C. La V-Max, elle m’a fait craquer dès sa sortie en France. Sa ligne, son moteur énorme… je l’ai trouvée magnifique. Donc, en 1998, je décide de me remettre à la bécane. J’ai d’abord essayé une Triumph T 595 et une Ducati 900 SS. Mais elles ne plaisaient pas à ma femme qui m’a dit : « C’est pas le Bol d’or, ici » ! Quand elle a vu la V-Max, elle a été d’accord. Ma V-Max a actuellement 45 000 km et tout est d’origine. Je l’utilise en balade ou pour aller voir des rassemblements d’anciennes où elle commence à acquérir un statut de moto classique à part entière, comme une Norton Commando ou une Honda CB 750. J’apprécie ses accélérations musclées et sa facilité à se laisser mener sur un filet de gaz. Je lui trouve une ligne tout à fait intemporelle et inclassable. Je n’ai jamais regretté mon achat. »