Angleterre / Italie : un match de 30 ans. Dans les années 70, les dernières grosses anglaises symbolisaient la « résistance » à « l’envahisseur nippon » et les italiennes de forte cylindrée imposaient de nouveaux standards en termes de performances et de sportivité. Rouler en Norton ou en Laverda, c’était se placer au-dessus de la mêlée. Aujourd’hui, il y a encore des motos cultes… La Ducati Monster et la Triumph Speed Triple en font partie : pas seulement par l’héritage que leur confère l’histoire, mais aussi par leur succès qui ne se dément pas.
En images
La mise en route de machines aussi célèbres suscite toujours un peu d’émotion. Commençons par la Norton… Contrôle de la position de point mort (pas de témoin ni de coupe-circuit de sécurité), contact sous la cuisse gauche, devant le cache latéral, ouverture des deux robinets, appel de l’essence au carbu jusqu’à faire déborder la cuve de l’unique Amal concentric (d’origine, les Commando étaient équipées de deux carburateurs), il ne reste plus qu’à kicker vigoureusement et… brôôôoum ! Le bicylindre de 828 cm3 donne de la voix. Et quelle voix : puissant et grave, le son qui sort des échappements à contre-cônes est une promesse de plaisir. Contre toute attente, le bicylindre est exempt de bruits mécaniques. Une levée du sélecteur pour enclencher le premier rapport à commande à droite et c’est parti.
Pas besoin de faire cirer l’embrayage au maniement très doux. Les trois rapports suivants s’enchaînent vers le bas à 3 000 tr/min, le moteur « longue course » semble gorgé de couple, les vibrations sont bien filtrées par le système Isolastic qui isole l’ensemble moteur-châssis de tout le haut du cadre. Seules les mains les ressentent au bout du guidon. Dès les premiers mètres, la Commando se montre très maniable, mais la position de conduite est assez étrange : la selle est haute et large, le long réservoir de ce modèle Interstate oblige à se pencher légèrement pour appréhender le guidon peu cintré et les repose-pieds mériteraient d’être placés plus en arrière. On a un peu l’impression d’être perché sur la moto. Les pneus étroits n’opposent aucune résistance à la prise d’angle et le comportement incroyablement docile de la mécanique s’avère surprenant pour une machine que l’on se plaît à imaginer aussi obsolète qu’elle en a l’air.
Il y a bien un peu d’inertie, tant côté moteur que côté partie-cycle, mais dans cette phase de découverte, ce n’est pas vraiment gênant. De toute façon, la plus grande vigilance est de mise, non seulement pour s’accoutumer aux commandes « inversées » (pédale de frein à gauche et sélecteur à droite), mais surtout en raison de l’indigence du freinage, aussi bien pour le simple disque Av que pour le tambour Ar. Ça ralentit… un peu, mais ça ne freine pas. Nous voilà prévenus !
La prise en main de la Laverda est tout à fait différente : contact au tableau de bord, ouverture des deux robinets d’essence, un peu de starter sur le levier placé sur la cocotte gauche du guidon, il ne reste plus qu’à presser sur le bouton de démarrage : brabadabraaa… Quel barouf ! Non seulement les échappements n’ont de silencieux que le nom, mais en plus, le moteur tout en alu résonne du claquement de la chaîne de distribution, de celle de la transmission primaire et de la troisième qui entraîne le démarreur. Le cliquetis des basculeurs actionnés par l’arbre à came en tête s’ajoute à cette cacophonie mécanique.
En selle ! La Laverda a beau être posée sur ses deux roues, on a encore l’impression qu’elle est restée perchée sur sa béquille centrale tellement c’est raide. Ouch, l’embrayage n’est pas non plus un truc de mauviette et la commande de boîte nécessite de réfléchir à ce que l’on fait. En effet, le sélecteur est au pied droit, mais cette fois, la première est en bas, les quatre autres en haut et les faux points morts sont garantis à chaque étage. La poignée de gaz n’est pas un modèle de douceur, mais ce n’est pas étonnant puisqu’elle commande deux carburateurs Dell’Orto PHF réputés pour avoir des ressorts de boisseau costauds. Contrairement à la Norton, la Laverda est conforme à ce qu’elle donne l’impression d’être : une promesse de sensations mécaniques qu’il faut aller chercher à « la poigne » en oubliant toute notion de confort. Long réservoir aux contours anguleux, cintre plat très en avant, repose-pieds haut perchés, suspensions raides, commandes fermes, inertie de la partie-cycle… Mais par rapport à sa rivale britannique, son bicylindre « super-carré » ne demande qu’à s’envoler dans les tours, au prix de vibrations impressionnantes.
Quant aux freins, s’ils nécessitent là encore des efforts musculaires, ils assurent leur mission, même en conduite musclée. Il faut dire que les trois disques en fonte pincés par les étriers Brembo à doubles pistons opposés sont ce qui se faisait de mieux à l’époque. Et n’incriminons pas trop la dureté du levier : les durites et le maître-cylindre ne sont quand même plus de première jeunesse. Dès que l’on s’est habitué aux commandes aux pieds inversées, la SF dévoile les aptitudes qui ont contribué à forger sa légende : c’est un rail et son moteur « envoie grave », disponible et alerte de 4 000 à 7 000 tr/min. La boîte est bien étagée, le bicylindre de 65 ch répond présent sans temps mort et la rigidité du châssis assure une tenue de cap inconnue sur les grosses japonaises de la même époque. Mais le poids et l’inertie de la partie-cycle sont bien là, nécessitant une conduite « en force ».
Handicapée par son manque de freins et malgré une tenue de route excellente, la Commando ne peut pas tenir la cadence, car son twin de 60 ch perd de sa superbe en « régulant » au-delà de 4 500 tr/min : en dépit du montage souple, on sent que les vibrations pourraient mettre à mal ce bloc dont la conception remonte à 1948. Si « l’attaque » va bien à l’italienne, c’est en « enroulant » que s’apprécie l’anglaise. Cette dernière étant la plus lente, c’est elle qui ouvre le bal lors des premiers kilomètres, suivie par la Laverda qui piaffe d’impatience pour dévoiler son potentiel. Quant à la Ducati Monster S2R et à la Triumph Speed Triple, elles attendent leur heure.
Modernité oblige, leur prise en main est des plus faciles et l’on ne s’y attardera pas. Mais là encore, les différences sont flagrantes : la Speed Triple fait « grosse moto » et le pilote s’incruste littéralement dans la selle très creusée, les genoux casés dans les évidements du réservoir. Le guidon cintré n’est pas placé trop bas, les jambes sont repliées vers l’arrière, on fait corps avec la machine pour un contrôle qu’on pressent optimal. Le gros « trois-pattes » à injection feule à la moindre sollicitation de la poignée de gaz et le double disque avant à montage radial est surpuissant. À ses commandes, tout semble facile. Maniabilité, douceur, et en même temps, la Speed est une athlète surpuissante, capable d’accélérations qui n’en font pas une machine à mettre en toutes les mains. À partir de 2 500 tr/min, elle vous allonge les bras… Au-dessus de 5 000, elle vous colle au fond du slip, avec une poussée exponentielle jusqu’à 8 000 tr/min dans le rugissement sifflant de son trois-cylindres. Waouuuh ! Et le châssis suit le mouvement, collé au sol par des suspensions d’autant plus efficaces qu’elles ne paraissent jamais trop fermes.
À l’image de sa vieille tante transalpine, la Ducati se distingue comparativement à la Triumph par une raideur typiquement italienne, toutes proportions gardées si l’on se réfère à la Laverda qui aurait sa place à Sèvres comme mètre étalon des motos « bouts de bois ». En deuxième position au palmarès de la cylindrée, la Monster 1000 S2R est pourtant celle qui donne le plus l’impression d’être sur une petite moto. Légère, fine et compacte, elle s’avère moins facile à appréhender que la Triumph, en raison d’un rayon de braquage important et d’une hauteur de selle rédhibitoire pour les moins d’1,70 m. Le guidon plat et large, avec ses poignées qui tombent vers le bas, impose de se pencher en avant. Les commandes sont fermes, pas autant que celles de la Laverda, mais beaucoup plus que sur les deux anglaises. Et malgré son alimentation par injection électronique, le twin à deux soupapes par cylindre et double allumage a gardé son petit coté rugueux si sympathique, totalement à l’opposé de la douceur du trois-cylindres de la Triumph. De nos quatre bécanes, c’est aussi la Ducat’ qui semble la plus sportive, tant par sa position de conduite que par la sécheresse de son comportement dynamique. Tirant un peu long, elle préfère prendre des tours pour vous envoyer d’un virage à l’autre, courbes qu’elle avale en toute sérénité, en donnant l’impression que ça irait encore mieux en se déhanchant, genou intérieur au raz du bitume. Son freinage, ferme et moins puissant que celui de la Speed Triple, s’avère parfait à doser. Si la Triumph se « conduit » à coup d’accélérations fulgurantes et de freinages tardifs, la Monster se « pilote » davantage, en dosant, en jouant sur son frein moteur et ses relances « dans les tours ». De toute façon, elle n’est pas taillée pour la balade sur un filet de gaz, chose qu’accepte très bien sa rivale d’outre-Manche.
C’est clair, ces quatre roadsters méritent amplement leur statut de motos mythiques. Pour nos deux anciennes, la cause est entendue depuis longtemps. Jadis rivales et concurrentes, elles sont aussi typées l’une que l’autre. Trente-cinq plus tard, les essayer permet de comprendre l’aura qu’elles dégageaient autrefois, non seulement par leurs qualités routières exceptionnelles à leur époque, mais aussi par l’histoire dont elles sont aujourd’hui dépositaires. Dans un contexte tout autant passionnel, la Ducati et la Triumph n’ont pas quitté les plus hautes marches du podium au championnat de la passion, malgré une concurrence plus acérée que jamais.
Reste la question du choix… Si vous vous sentez l’âme d’un gentleman driver et que vous privilégiez les longues balades sur le réseau secondaire, la Norton est pour vous, le plus difficile étant d’en trouver une dont l’état mécanique ne vienne transformer le rêve en cauchemar. Et quel moteur ! Il est rond, plein, coupleux, vivant… Un régal. Aujourd’hui encore, une Commando peut abattre 400 bornes en une demi-journée comme qui rigole. Son seul défaut pour un usage sans arrière-pensée dans la circulation actuelle, c’est les freins. Mais les spécialistes sont là pour proposer de l’adaptable plus efficace. Sachez aussi que durant trois jours de roulage intensif sur les petites routes de la Drôme, elle n’a pas failli, démarrant du premier coup, à froid comme à chaud, sans perdre son huile ni ses boulons… et tant pis pour la légende.
Pour certains d’entre nous, la Laverda représentait un fantasme enfin accessible. Pourtant, après des centaines de kilomètres, on était content de se la refiler, histoire d’aller se reposer sur une des trois autres bécanes. Malgré ses aptitudes routières et sa fiabilité avérée qui en font une machine plus facile à utiliser au quotidien qu’une vieille anglaise, sa raideur congénitale la rend fatigante à la longue. Ceux qui diront le contraire sont de vrais passionnés qui évoluent dans une sphère où le rationnel n’a plus cours. Elle vibre, elle est bruyante, elle est brutale… Elle paraît beaucoup moins civilisée que la Norton qui lui oppose une dignité et un flegme typiquement britanniques. Dans les manifestations consacrées aux motos anciennes, les Commando sont nombreuses dans les rallyes touristiques. Les Laverda, elles, écument les circuits de vitesse, quand la notion de confort ou de facilité de conduite cède le pas face aux performances.
Quant à nos deux roadsters actuels, ils n’ont que leur part de marché à partager.
La Speed a un comportement très « japonais », au bon sens du terme : douce, facile, c’est une moto de consommateur friand de sensations fortes. Accélérations époustouflantes, freinage d’outre-tombe, gueule de Manga, elle en donne pour son tarif affiché à près de 11 000 €. Mille euros moins chère, la Monster 1000 S2R, qui découle d’une lignée déjà plus ancienne, semble davantage réservée aux amateurs de motos classiques. Moins violente mais plus exclusive dans ses ébats, sa conduite exige plus de finesse, plus de pilotage pour en tirer le meilleur parti. Et elle paraît moins disposée à encaisser les mauvais traitements ou un entretien négligé…
Mais vous qui lisez ces lignes, vous n’êtes pas du genre à massacrer vos machines, n’est-ce pas ?
Avec la participation de Philippe Morand et d’Aldo Fusco. Un grand merci à Denis Alberto et lionel Chauffaud pour le prêt respectif de la Norton et de la Laverda, ainsi qu’à Christian Houpeline et Jean-louis Olive.
La Norton Commando de cet essai est une 850 MK2 de 1975. Depuis 1982, elle appartient à Denis, charpentier à Marseille. « Je l’ai achetée dans cet état, c’est celui d’origine. À 21 000 km, l’arbre à cames était complètement bouffé à cause d’un problème de mauvais traitement thermique. Pour simplifier les réglages et réduire la consommation pourtant peu élevée, j’ai supprimé un des deux carburateurs, ce qui la rend un peu moins performante mais beaucoup plus souple. Depuis, je n’ai connu aucun souci avec cette moto que j’ai utilisé quotidiennement pendant 5 ans. Elle a actuellement 105 000 km et je ne la sors plus que pour quelques balades le week-end, faute de temps. Elle est toujours équipée de son allumage à rupteurs et elle n’a jamais été restaurée. »
L’avis de Lionel
Propriétaire de la Laverda
Lionel a 42 ans, il vit dans le Nord tout près de la Belgique et roule sur sa SF3 depuis 1983, date à laquelle il a acheté cette machine à son frère. Une affaire de famille cette moto ? Plus que ça : un culte ! Ce membre fondateur de la Mutuelle des motards (il n’avait pas encore le permis !) voue une véritable dévotion à Massimo Laverda, et à tout ce qui tourne autour de l’histoire de la firme de Breganze. Sa SF le lui rend bien, puisqu’elle ne lui a guère causé de soucis, hormis quelques bougies claquées. Mais attention, il ne faudrait pas qu’elle devienne jalouse, parce que Lionel rêve de lui être infidèle avec
une Ducati Pantah !
Norton Commando’s story
Produite jusqu’en 1977, la Norton Commando fut présentée dix ans plus tôt au salon d’Earls Court. Son moteur à deux cylindres verticaux accouplé à une boîte séparée est dérivé de l’Atlas (750 cm3) dont l’origine remonte au Model 7 (500 cm3) de 1948. La Commando crée la surprise en adoptant un châssis dans lequel le groupe moto-propulseur-bras oscillant est isolé du haut du cadre par un montage sur silentbloc. Baptisé « Isolastic », ce système isole le conducteur des vibrations inhérentes au bicylindre calé à 360° (les deux pistons montent et descendent en même temps). Avec son dosseret de selle, ses lignes « tendues » et ses couleurs vives, la Commando fait « moderne » et se voit élue « moto de l’année » en 1968. En 1969, elle prend le nom de Fastback tandis qu’une version Roadster apparaît, à petit réservoir (11l) et selle normale, sans soufflets de fourche. Une version « S » voit également le jour, avec des silencieux relevés à contre-cônes. De 1970 à 1972, la Roadster reçoit un frein à disque à l’avant et une version est proposée avec le moteur « Combat », gonflé au point de s’avérer très fragile. Aux côtés de la Fastback, la marque décline aussi une version Street-Scrambler aux échappements jumelés sur un côté et un modèle custom, la Hi-Rider. Fin 1972, la Fastback disparaît et l’Interstate est proposée avec un réservoir de 24 l et le moteur Combat. En 1973, les Commando Roadster et Interstate voient leur cylindrée passer à 828 cm3 après réalésage, ce qui entraîne de nombreuses modifications de la mécanique. En France, elles sont homologuées avec de gros silencieux (Black-cap) et un volumineux filtre à air. La 750 n’a plus qu’un an à vivre, doublée d’une 850 cm3 en série limitée (300 ex.), la John Player Special aux couleurs du sponsor des Norton en courses de production 750. Il y eut également des « production Racer » issues de la série et préparées pour la course, les fameuses « Yellow-peril ». En 1975, la Commando n’existe plus qu’en 850 cm3, Hi-Rider (pour les USA), Roadster ou Interstate. Elles reçoivent des commandes aux pieds aux standards japonais, un frein à disque à l’arrière et un démarreur électrique peu efficace. Heureusement, le kick a été conservé. Les dernières Commando seront vendues en 1978.
À lire : Motoscopie n° 3, Norton 750 et 850 Commando, de Christian Guislain, Éditions de la FFMC.
Ducati Monster’s story
D’abord baptisé Mostro (Monstre, en italien), le roadster qui va populariser Ducati est présenté en 1992 au salon de Cologne. Son design est l’œuvre du styliste Miquel Angel Galuzzi. C’est un coup de maître, car techniquement, « Il Mostro » n’est pas une nouveauté en soi. Le 900 cm3 provient de la 900 SS et le cadre en treillis est issu de la sportive 851, elle-même dérivée de la série des Pantah apparue en 1977. Déclinés en 500, 600 et 650, les Pantah se caractérisent par leurs bicylindres dont la distribution desmodromique est entraînée par courroies crantées. Rebaptisé Monster, le M900 entre en production en 1993, cette fois avec un châssis spécifique. L’année suivante, une version est proposée en 600 cm3, puis en 750 cm3 en 1996. Le succès est au rendez-vous et plusieurs versions proposent divers niveaux de finition. En 1998, en plus des désormais traditionnels coloris rouge et jaune, les Monster 600, 750 et 900 se parent de noir mat en version « Dark ». Comme toutes les Ducati, les Monster se singularisent par une mécanique aussi vivante que performante et une partie-cycle qui frise la perfection, tant sur le plan de la légèreté et du freinage que de la tenue de route. Tout à la fois « motos de puristes », « motos jouet » et « motos frime », abordables financièrement en 600 cm3, les Monster ratissent large, en ville, en montagne et chez les filles qui apprécient le gabarit contenu. Même s’il n’est qu’une sportive déshabillée, le Monster offre, grâce à son guidon plat et large, une maniabilité inconnue chez ses frangines de la gamme sport. Et c’est tout ! Pour le duo, la bagagerie et la protection, niente… Y’a des scoutères, pour ça ! En 1999, comme la sportive 900 SS, l’injection fait son apparition sur la 900, puis sur la 750 en 2001. Un an plus tard, c’est au tour de la 600 qui devient M620 ie. Toujours en 2001, la M900 hérite du moteur 4 soupapes à double allumage et refroidissement liquide et du monobras de la 916, pour évoluer à nouveau en 2003 en 996 cm3, le moteur étant celui de la 996 SBK. L’échappement est rehaussé, une petite tête de fourche est proposée et la ligne est toujours aussi bestiale. Issu du bloc de 800 cm3, la S2R conserve un moteur à 2 soupapes refroidi par air et gagne un double allumage avec la S2R de 1000 cm3 apparue en 2006 (comme la Multistrada), tandis que la S4RS est dotée du moteur « Testastretta » de la 999. Au final, le Monster a permis à Ducati de sortir de la confidentialité. Si, auparavant, les motos de la marque bolognaise ne séduisaient que les amateurs avertis, ce roadster a conquis un large public. Mythique et populaire à la fois !
Laverda 750’s story
L’histoire des Laverda de grosse cylindrée débute en 1966, au salon d’Earls Court de Londres. Jusque-là, les motos issues de l’usine de Breganze fondée par Francesco Laverda en 1949 ne sont connues que pour les petites 75 et 100 cm3 qui ont démontré leur valeur dans des épreuves comme le Milan-Tarante ou le Tour d’Italie. En 1966, Laverda présente donc une 650 étonnante : bicylindre en alu à ACT aux cotes super-carrées, boîte à 5 rapports, démarreur électrique… À côté des BSA A65 et des BMW R 60/2, quel modernisme ! Il faut dire que Laverda s’est fortement inspiré du moteur de la Honda CB 77 et a fait appel aux meilleurs fournisseurs du moment (Bosch, Grimeca, Ceriani, Tomaselli…). Commercialisée en 1967, la 650 est rapidement remplacée par la 750 un an plus tard, les 100 cm3 supplémentaires ayant été obtenus par réalésage. En 1969, elle prend le nom de 750 GT, tandis qu’une version S est lancée, dotée de garde-boue plus fins, d’une selle à dosseret, d’un réservoir plus étroit, de carbus qui passent de 29 à 30 mm et d’un guidon abaissé. Elle coûte alors 8 950 francs, le même prix que la Norton Commando qui vient de sortir. En 1970, elle est équipée d’un frein Av ventilé produit chez Laverda et le modèle prend la dénomination de SF (S comme sport et F comme frein). Ce tambour est équipé de biellettes internes conçues pour offrir un antiblocage mécanique, le blocage des roues étant alors courant avec les doubles cames traditionnels. En 1971, la SF1 est équipée de la culasse dérivée de la SFC (C pour competizione) alimentée par des carbus Dell’Orto de Ø 36 mm qui compensent largement la monte de silencieux plus étouffés pour répondre aux premières normes antipollution. En 1972, les compteurs Smith sont remplacés par des Nippon Denso identiques à ceux de la Honda CB 750. Elle deviendra SF2 en 1973 en adoptant un disque Av (double en option) d’origine Brembo. En 1975 apparaît la SF3, avec 3 disques, des jantes à bâtons en alliage coulé et une selle à dosseret. La production s’arrête l’année suivante, les derniers exemplaires se vendent jusqu’en 1977. Parallèlement aux 750 S et SF séries 1, 2 et 3, le service course de l’usine a produit 549 SFC entre 1971 et 1976. Tête de fourche, bracelets, commandes reculées et selle monoplace, moteur plus puissant, carters en magnésium et allumage électronique sur les derniers modèles… Les différences sont si nombreuses que peu de pièces sont communes entre les SFC et les SF « ordinaires ».
À lire : Laverda de légende, 1949-1989, par Jean-Louis Olive, et Revue Moto Technique n° 7, Éditions E-T-A-I.
Triumph Speed Triple’s story
La première Speed Triple fut présentée au salon de Cologne en 1994. De son nom de code T 301, c’est une version déshabillée de la sportive Daytona dont elle reprend le trois-cylindres de 885 cm3. Depuis le rachat de Triumph, en 1983, par l’homme d’affaires John Bloor, les nouvelles générations sont issues des 750 Daytona et 900 Trophy produites à Hinckley dès 1990. Chez Triumph, le trois-cylindres installé transversalement dans le cadre n’est pas une nouveauté : en 1969, la Trident T 150 (750 cm3) était censée concurrencer la Honda CB 750 qu’elle surpassait d’ailleurs en vitesse de pointe (+ de 200 km/h). En vertu des accords existant avec BSA appartenant alors au même groupe, le trois-pattes britannique équipa également la BSA Rocket 3 et la X 75 Hurricane. En 1998, la Speed Triple rebaptisée T 509 reçoit l’injection et ce phare Av à double optique si caractéristique. Un an plus tard, la « Speed » passe à 955 cm3, toujours en reprenant la motorisation de la Daytona. La « patate » de son moteur et son image de « café-racer » sont en passe de la faire entrer dans le cercle des motos mythiques, d’autant plus qu’elle apparaît au cinéma dans Matrix (1999) avant de crever l’écran et les rideaux de flammes dans Mission impossible II (2000), pilotée par un certain Tom Cruise. Nouvelle refonte en 2004 : le moteur cube désormais 1050 cm3. Le monobras oscillant et la ligne d’échappement relevée s’ajoutent à la partie arrière tronquée pour une allure encore plus bestiale. Le succès est au rendez-vous. Mis à part la très utilitaire BMW K 75, les machines trois-cylindres, en alliant le caractère des twins et l’allonge des quat’pattes, ont presque toutes été des motos de légende, qu’elles soient rarissimes (Moto Guzzi Tri Cilindri, 1932), pistardes pilotées par les plus grands (MV Agusta 350-500 d’Agostini et Phil Read, 1967) ou de série (Kawasaki 500 H1 et 750 H2, Triumph T 150, BSA Rocket 3, Laverda 1000 Jota, Yamaha 850 XS et Suzuki 750 GT de 1969 au début des années 80). Triumph est actuellement le seul constructeur britannique à produire encore des motos dans son pays d’origine, et ce depuis 1902.