Au premier regard, on peut s’étonner de voir Yamaha dont l’histoire est jalonnée de produits souvent pionniers, investir un créneau déjà défriché par un autre constructeur. On peut cependant regarder la démarche autrement. À travers cette ouverture sur le trois roues urbain, il y a tout lieu de croire ici que la marque aux diapasons est plus en peine d’élargir son offre et de défricher de nouveaux territoires de diffusion que de se livrer à une guerre de position. Voilà pour l’intention.
Le deux-roues réinventé
La « manière », elle, - les solutions apportées en témoignent – est de la même eau. En explorant ce concept, Yamaha semble être parti d’une page blanche sans perdre de vue ce que l’on exige d’un engin de mobilité urbaine : facilité d’emploi, légèreté et faible encombrement. L’adoption d’une troisième roue, gage de stabilité, se fait ici sans renier ces principes de base. C’est en ce sens que Tricity et Triptik restent innovants. Et que c’est plutôt le 2-roues que le 3-roues que Yamaha réinvente.
Des cotes accueillantes
150 kilos (le poids d’un Majesty), un gabarit compact, une voie étroite (395 mm contre 465 mm pour le MP3)… Le Tricity est de fait plus proche d’un deux-roues que des trois-roues existants sur le marché et ne joue pas du tout dans la même catégorie. Le constat se voit confirmer dans les manœuvres à l’arrêt, poussette et/ou mise sur béquilles qui se font sans effort aucun. Idem à l’embarquement : le plancher plat facilite l’accès à une selle certes à 780 mm mais dont l’étroitesse ne pénalise pas les petites jambes. Une fois à bord, l’ergonomie s’avère sans reproche, les manœuvres tombent pile et le tablier (avec crochet intégré) est à bonne distance sous réserve qu’on n’ait pas de trop grandes jambes et les rétros (un poil trop reculés) assurent une très bonne rétrovision. De bon augure.
Un vélo ou presque…
Les premiers tours de roue ne changent pas la donne : l’engin obéit au doigt et à l’œil, ne vous embarque pas et avale les premiers slaloms sans ciller. L’inertie à l’inclinaison est quasi inexistante équivalente à un (deux) grandes roues, le guidage facile, les trajectoires précises. À en oublier qu’on n’est pas au guidon d’un simple deux roues. Cette sensation, on la doit au train avant et ses deux roues de 14 pouces qui avalent sans broncher les pièges petits et grands que nous proposent les chaussées d’Amsterdam, où a lieu cette prise en main.
… la sérénité en prime
Outre qu’elle offre des décors magnifiques, la cité néerlandaise est aussi un terrain d’essai sans pitié pour un deux-roues motorisé. Les chaussées ancestrales sont du genre mal pavées (et à vous serrer le cœur sous la pluie !), les ralentisseurs sont légion, comme les virages à 90° quand il s’agit de franchir les canaux en maillage serré. Autant de difficultés dont on s’affranchit sans arrière-pensée. Le train avant gomme littéralement le relief et si l’amortissement manque un peu de fermeté, il apporte en revanche un lot de confort appréciable.
Une vocation mondiale
Cela étant, Amsterdam n’est pas le royaume du vélo par hasard. Pas la moindre petite côte à se mettre sous les roues. Ça tombe bien, car il y a fort à penser que notre Tricity (en duo en particulier) se montrerait moins à son avantage sur un parcours de type montmartrois. En cause, l’adoption d’une motorisation sans esbroufe : un mono 4T deux soupapes développant 11 chevaux. Une puissance certes suffisante au regard de la vocation strictement urbaine du véhicule, mais qui ne manque pas de surprendre les enfants gâtés (et énervés du départ au feu) que nous sommes, habitués désormais à des architectures roudoudou quatre soupapes flirtant avec la limite réglementaire des 15 ch. Mais vérité à Paris, erreur au-delà. Et le board de Yamaha de rappeler que ses ambitions dépassent largement les frontières du périph parisien (et de l’Europe). Son trois roues est aussi (et au premier chef) conçu pour arpenter les rues et les campagnes de Bangkok et de Kuala Lumpur où les attentes sont bien différentes. Quoi qu’il en soit, toutes les évolutions – augmentation de cylindrée, ABS, équipements divers (bluetooth en autres)… - sont déjà dans les cartons. Ce sont, comme « ils » disent, les marchés qui décideront.
Sano va piano
Ceci posé, la motorisation en question n’a pas trop à rougir de ses prestations et couvre honnêtement les exigences d’un usage urbain. La transmission est exemplaire de douceur et l’on est même plutôt favorablement surpris de l’entrain de ce moteur dans ses relances dans la partie médiane du tachymètre. Au-delà, sur les voies dites rapides, il faut prendre un peu son mal en patience pour accrocher les 100 km/h compteur. En contrepartie, on nous promet une conso d’un peu plus de trois litres au 100 km. Toujours bon à prendre…
À l’essentiel
En résumé, on fait les courses, pas la course, ce qui devrait séduire nombre de néo pratiquants. Ils auront en outre à disposition un freinage combiné (levier droit pour l’AV, gauche pour l’ensemble) très rassurant, offrant le mordant et la puissance nécessaire pour parer à toutes les surprises. Sans compter bien sûr, la sécurité supplémentaire offerte par le train avant. Une volonté d’aller à l’essentiel que l’on retrouve dans le choix des équipements proposé, depuis le plancher plat jusqu’au coffre sous selle en passant par un tableau de bord qui se contente des infos utiles.
Verdict
La facilité d’un deux roues + la sécurité d’un trois et un freinage combiné, le tout à 3700 euros… Quand ça marche, on ne peut que tirer son chapeau. Et c’est le cas avec ce Tricity/Triptik, conçu pour le cummuting urbain et taillé au petit poil pour achever de mettre le pied à l’étrier ceux qui reculent encore devant les « dangers » potentiels du 2roues. Les autres découvriront à son guidon que plaisir et sérénité ne sont pas forcément antinomiques.