D’ouest en est, le petit lac d’Orta, le célèbre lac Majeur, le lac de Côme en forme d’Y retourné, puis le lac d’Iseo et son ambiance plus familiale nous accueilleront avant une halte méritée dans les vieux quartiers de Bergame. Tout au long de cette balade, les façades ocre des maisons, le rouge des toits et les taches multicolores des jardins composent une palette envoûtante, qui participe à la sensation d’être vraiment ailleurs et de vivre un véritable voyage.

Avanti la moto !

Le lac situé le plus à l’ouest de cette série, il lago d’Orta, contraste avec ses voisins. Moins prisé et plus isolé que les autres, son cadre verdoyant hérissé de sapins évoque immanquablement la Suisse.
L’itinéraire débute par Orta San Giulio, pas moins huppé pour autant, sur la rive est. Ce petit village aux ruelles pavées et étroites n’accepte que les visiteurs piétons. Un parking permet de laisser sa monture avant de partir déambuler parmi les vieilles pierres. Un marché hebdomadaire se tient sur la place principale, face à l’embarcadère d’où partent les bateaux pour la petite île de San Giulio. Les candidats à l’excursion sont guidés par des « marins d’opérette » débonnaires et reconnaissables à leur casquette blanche.
Sur la presqu’île, une route (très !) pentue conduit à un monastère franciscain. Celui-ci abrite une église du XVIIe siècle et son exposition permanente. Du parc, on profite d’une jolie vue sur San Giulio.

Cuirs de piste

Pour rejoindre le lac Majeur, distant d’une vingtaine de kilomètres, on emprunte une belle route de montagne, via le mont Mottarone (1 491 m), qui abrite une petite station de ski. À la belle saison, cette voie superbe est le terrain de jeu des motards du cru, que vous croiserez sans doute en cuir de piste... En redescendant vers Stresa, le goudron serpente au milieu d’un parc national (péage pour traverser).
La fraîcheur due à la végétation et à l’altitude soulagent de l’atmosphère plus lourde des lacs. Mais les panneaux routiers « Risque de neige » laissent imaginer le froid qui règne en hiver. À Stresa, la ville touristique du lac Majeur, le front de mer est encadré par l’embarcadère pour les îles Borromées (avec un grand parking) et un espace vert animé de fontaines. Jetez un coup d’œil au Grand Hôtel, particulièrement luxueux, qui date de 1861 et servait de pied à terre à Hemingway.
Dans les ruelles piétonnes, entre deux boutiques à babioles pour touristes, des terrasses invitent à déguster une glace en regardant passer les belles Italiennes.

En moto sur le lac

Parmi les quatre îles Borromées, trois sont accessibles aux touristes et desservies par les bateaux en bois verni qui font la navette. D’une surface très réduite, les îles se caractérisent par leurs constructions qui finissent les pieds dans l’eau, comme à Venise. Sur l’isola Bella, le palais de la famille Borromeo se visite, ainsi que ses jardins.
En longeant le lac vers le nord, nous arrivons à Verbania, l’ancienne perle du coin que Stresa a détrônée. La bourgeoisie locale y a fait édifier des villas entourées de beaux jardins (dont certains sont ouverts au public). Dans la même communauté urbaine, c’est d’Intra que partent les petits ferries traversant le lac. Embarquez votre moto et profitez des vingt minutes de traversée pour admirer l’étendue d’eau sertie dans un paysage de montagnes. Ceux qui ont le mal de mer ne courent aucun risque : pour preuve, les motos béquillées sur la latérale ne sont même pas attachées !
Le bateau fend une eau à peine plissée par le vent. Sur l’autre rive, le débarquement a lieu à Lavena et nous a fait passer de Piémont en Lombardie. C’est le côté le moins fréquenté du lac Majeur, que nous longeons jusqu’à Maccagno. En obliquant vers Indemini, le cordon de bitume s’élance en lacets serrés vers les hauteurs. Quelques épingles seront négociées sur le premier rapport.
En plus d’être sympa, cette route est peu empruntée, car taillée à l’échelle d’une moto ! Ne soyez pas surpris si vous êtes arrêté au poste frontière italo-suisse. Les douaniers semblent retirés du monde et sans doute s’ennuient-ils un peu...

Coupez les moteurs

De l’autre côté, les vaches bien grasses paissant sur les pentes bien vertes semblent sortir d’une pub pour du chocolat. Coupez le moteur pour avoir droit à une symphonie en cloches majeures. C’est par une voie rapide que nous repartons vers Lugano et ses banques. Le canton du Tessin a également pour langue l’italien. Il présente un curieux et intéressant mélange de rigueur suisse et de nonchalance italienne... De là, nous longeons le lac du même nom, que nous avons souvent l’occasion d’admirer d’en haut. En route pour repasser en Italie et rejoindre le lac de Côme ! Attendez-vous à faire la queue à ce poste frontière, très fréquenté.

La dolce vita en deux roues

Le lac de Côme est sans doute le plus emblématique de cette Italie des lacs. Les montagnes aux sommets enneigés qui l’entourent dégringolent droit dans l’eau, comme pour se rafraîchir les pieds. Ce paysage nous accompagne de Menaggio jusqu’à Como.
À l’ombre des pins et des cyprès se dressent de somptueuses villas entourées de jardins fleuris et superbement entretenus. Les hôtels de luxe étalent leur plage de sable artificiel réservée à la clientèle, en plus de leur piscine flottante entourée de pontons en bois. On retrouve ces derniers dans les petits ports de plaisances disséminés ça et là.
Enfin, devant les villas, des Rivas tout en acajou, véritables Rolls aquatiques, restent amarrés à leur panne dans la journée, avant de glisser, le soir venu, jusqu’à leur garage couvert. Le triangle Como-Bellaggio-Lecco est très fréquenté, car à moins de prendre le ferry, c’est le seul accès à la très chic station balnéaire de Bellaggio.
La ville est aussi bien appréciée des touristes étrangers que des riches Milanais qui viennent y passer leur week-end. Moins tape-à-l’œil, Como est animée d’une vie plus authentique, avec un marché, des vieux quartiers piétonniers et des bars posés au bord de l’eau que fréquentent des Italiens « ordinaires ».

Usine Moto Guzzi

Enfin, à l’autre bout du triangle, Lecco se fait croquer la périphérie par une industrie croissante, que dessert un ballet incessant de camions. C’est d’ailleurs à une dizaine de kilomètres au nord, à Mandello del Lario, que se trouve le siège de Moto Guzzi. Tout motard qui se respecte se doit de marquer une pause à l’usine, qui dispose d’un musée dont nous vous conseillons fortement la visite. De Mandello, si vous êtes pressé de rouler vers le nord, vous pouvez emprunter la voie rapide, dont la majeure partie est composée de tunnels. Sinon, la route qui longe le lac permet de s’autoriser encore quelques haltes tout à fait sympathiques, comme par exemple à Varenna. En direction du sud cette fois, le lac d’Iseo fait bande à part. Beaucoup plus tranquille, voire familiale, l’ambiance « familles fortunées » n’a pas pris possession du coin. Sa rive sud abrite une école de voile, et quelques plages permettent de piquer une tête sans avoir à montrer patte blanche.
Enfin, une île d’une surface non négligeable, Monte Isola, est habitée. Comme son nom l’indique, elle offre un relief prononcé, au sommet duquel se dresse une église dominant le lac. Un bac permet de transporter les véhicules, mais ce service est uniquement réservé aux résidents.

La commedia et Laverda !

Après cette dernière escapade, cap sur Bergame et ses quartiers chargés d’histoire. La ville basse et sa circulation chaotique sont typiques de l’Italie. La ville haute (également accessible par un funiculaire) est entourée de remparts qui en interdisaient jadis l’accès à la nuit tombée (à 22 heures, les clochers, qui prévenaient de la fermeture de la cité, sonnent toujours). Ville de la marque Laverda, c’est ici qu’est né un personnage majeur de la Commedia dell’Arte du XVIe s. : Arlequin, partenaire et soupirant de Colombine. Ce théâtre né dans la rue et caractéristique du nord de l’Italie fonctionne selon un canevas qui laisse une large part d’improvisation à ses acteurs... un peu comme le propos de cette balade, finalement.

Moto Guzzi

C’est à Mandello del Lario, sur les bords du lac du Côme, que la mythique marque italienne a installé son usine. Dans la petite ville, des panneaux en indiquent le chemin aux visiteurs. Et à eux uniquement, car dans la région, tout le monde connaît Moto Guzzi ! De l’Airone à la Breva, en passant par la Calif, on en croise de toutes sortes circulant dans cette région des lacs. Carlo Guzzi et Giorgio Parodi, techniciens dans l’aéronautique, sont les pères du prototype élaboré en 1919.
Le premier modèle (la « tipo normale ») date de 1921 et est visible au musée de l’usine. De même que le reste de la production, qui se caractérise par des solutions techniques et une inventivité qui s’exprime dans les différentes architectures moteur retenues au fil du temps (mono, bi, trois- et quatre-cylindres, et jusqu’au huit-cylindres en V de compétition en 1955).
Le modèle le plus célèbre aujourd’hui est sans doute le V7, qui s’est vendu aux gendarmeries du monde entier, avant d’être décliné en V7 sport. L’ère moderne de Moto Guzzi a vu le rachat de la marque par Aprilia pour former un groupe unique, désormais propriété de Piaggio. Le capital sympathie est resté. De nombreux Italiens de tous âges nous ont salués sur nos motos, et plus particulièrement sur la V7 Classic, témoin d’un passé glorieux.

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