Première partie : de la France à l’Ouzbékistan

En 2014, Jean-Paul et Roger décident de partir à deux, chacun avec sa moto, en direction de la mythique Route de la soie : un faisceau de chemins empruntés par les commerçants qui véhiculaient la précieuse fibre au début de notre ère, couvrant une longueur d’environ 7.000 km entre Chine et Proche-Orient.

Ces Routes de la soie sont classées dans la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Jean-Paul et Roger se contenteront d’en rallier la partie la plus occidentale, traversant l’Europe, la Turquie et l’Iran jusqu’à l’Ouzbékistan.

Les motos sont de robustes montures ayant déjà roulé leur bosse :
- Jean-Paul, qui part de Saint-Brieuc dans les Côtes-d’Armor, voyage sur une Honda Transalp de 1993.
- Roger, lui, quitte la région parisienne sur une BMW R 80 GS équipée d’un réservoir de 30 litres et d’un pare-brise Hugon.

Leur budget est plutôt modeste : 3.000 euros, hors achat des motos bien sûr. Les machines se révèleront de vrais mulets, même si la mécanique sera éprouvée...

Mais laissons la main à Jean-Paul, qui raconte ce passionnant voyage vers l’Orient...

Le grand départ
1er octobre 2014, je pars de Saint-Brieuc sur la Honda Transalp. Je rejoins Roger, en provenance de la région parisienne, à l’auberge de jeunesse de Strasbourg. Le 2 octobre, nous démarrons de bonne heure pour un voyage qui doit nous mener jusqu’à la vallée de Fergana en Ouzbékistan. La traversée de l’Europe se fait par l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Serbie et la Bulgarie avec des haltes en auberges de jeunesse ou établissements similaires.

Le vrai voyage
Le vrai voyage commence au passage de la frontière Turque et ses kilomètres de camions qui attendent le passage en douane.

Nous traversons sans encombre. L’aventure débute à Istanbul, où l’auberge de jeunesse affiche complet ! Pour rester dans notre budget, il faudra négocier une chambre dans un petit hôtel avec un lit et un matelas à même le sol. Pour fermer la porte nous sommes obligés de soulever le matelas...

Un événement tragique modifie nos plans : la prise d’un otage français en Algérie, le guide Hervé Gourdel, qui se termine par son exécution. Roger décide de ne pas faire de blog pour ne pas signaler nos points de passage sur internet, et nous ne camperons pas comme nous l’avions prévu.

Nous sommes obligés de revoir nos haltes car nous avions prévu deux tiers des nuits sous la tente et le reste en hôtel. Le budget n’étant pas extensible, il faut trouver des établissements bon marché. Roger qui parle anglais, est le négociateur et le fait avec brio.

Étape suivante, nous arrivons à Amasya en Turquie. Bonne surprise, c’est une ville touristique très animée. Les maisons anciennes bordant la rivière sont illuminées de couleurs changeantes. Nous trouvons un hôtel très correct à prix motard.

Problèmes avec la police turque
Le lendemain nous filons bon train mais notre enthousiasme est refroidi par un policier qui nous fait signe de nous arrêter pour un excès de vitesse. Eux aussi ont des jumelles et tellement bien planquées que nous nous demandons si ce n’est pas une arnaque.

Mais non, d’autres véhicules subissent le même sort. Le PV en poche, nous devrons l’acquitter à la frontière entre Turquie et Iran. Nous la franchirons deux jours plus tard, après Dogubayazit, sans nouvelles du PV… au retour peut-être ?

Côté douane iranienne, à Bazargan, c’est du sérieux : les vérifications sont plus longues, émaillées de discussions courtoises sur les relations franco-iraniennes. Nous finissons par présenter le carnet de passage en douane et les douaniers nous lancent un sympathique « welcome to Iran » !

Assurance à l’iranienne
Nous faisons du change, dollars contre rials, et payons une assurance pour les motos. Nous pouvons y retourner, nous sommes assurés pendant un an ! Apparemment, c’est le tarif, il paraît que pour les voitures c’est différent…

Premiers tours de roue dans ce pays et bonne surprise, les gens sont accueillants. Premier repas, aussi, dans un petit restaurant, composé de brochettes, riz, tomates et oignon. Un dessert que nous n’avions pas commandé arrive. C’est un cadeau du glacier d’à côté ! Les Iraniens sont généreux avec l’étranger. Une autre fois, Roger entre dans une pâtisserie pour acheter un gâteau et il en ressort avec deux sans en avoir payé un seul.

Les motos ont du succès : à chaque arrêt, nous provoquons un attroupement et les questions fusent : d’où tu viens, où tu vas, comment tu t’appelles ? Tout cela avec des propositions d’aide, d’échange de numéro de téléphone en cas de besoin.

Ville sainte
Nous traversons les monts Elbrouz pour longer la mer Caspienne, puis arrivons à Mashad, deuxième cité d’Iran et ville sainte. Nous avons la chance de trouver un hôtel à proximité du site de pèlerinage.

Il y a foule, mais nous n’avons pas l’autorisation de pénétrer dans les lieux religieux.
Deux jours plus tard, nous nous présentons à la frontière turkmène à Sarakhs avec une lettre d’invitation qui va nous permettre d’obtenir un visa.

Bureaucratie au Turkménistan
Premier poste de contrôle, des militaires nous demandent : « passeport - visa ». Nous leur montrons la lettre et nos passeports mais rien à faire, ils veulent voir le visa. Après avoir insisté et leur avoir fait lire le courrier officiel, ils téléphonent enfin à un gradé qui autorise notre passage.

Nous voilà au poste, nous allons y attendre de longues heures et faire des allers et retours à la banque. Après des heures de patience et des problèmes informatiques, nos visas arrivent mais il faut les payer pour les avoir sur les passeports.

En direction de la banque, un militaire nous arrête : « passeport-visa ». Nous lui expliquons que nous allons les régler mais sa réponse est sans équivoque : « pas de visa, vous ne passez pas ! »

Nous insistons mais rien à faire. Cette situation kafkaïenne sans issue s’impose à nous : on veut passer pour payer le visa mais pour passer, il faut un visa... Heureusement, l’intervention d’un supérieur nous sauve de ce blocage sans fin.

Nous effectuerons plusieurs passages à la banque pour payer : visa, taxe sur la moto, assurance, taxe sur l’essence, désinfection de la moto... On comprend mieux pourquoi ils ont prévu une banque à même la douane.

On s’en sort en fin d’après-midi, la nuit tombe et nous devons aller jusqu’à Mary pour trouver un hôtel. Nous empruntons des routes en mauvais état, non délimitées. On passe de la route praticable à la piste défoncée avec une signalisation pratiquement inexistante et pour tout arranger, les automobilistes roulent en pleins phares. Par moment je ne sais plus si je suis sur la chaussée ou sur le bas-côté.

Première chute
Ce qui devait arriver arriva sur une déviation, je me retrouve face à une semi-remorque et pour l’éviter, je m’étale dans le sable, heureusement sans bobo.
Nous parvenons finalement à Mary et logeons à l’hôtel Yrsgal, luxueux trois étoiles !

Le lendemain, nous payons 15 dollars pour traverser une rivière sur un pont de bateau aux planches disjointes, plus cher que le pont de Normandie en voiture ! Je prends deux photos mais la police veille et me les fait enlever, sûrement secret défense...

Fin de la première partie du récit

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