Les radars mobiles nouvelle génération (RMNG), ce sont ces Peugeot, Citroën, Renault et Dacia qui parcourent les routes française avec, à leur bord, un radar infrarouge (qui ne flashe pas) et deux policiers ou gendarmes. Jusqu’alors, la présence de ces deux représentants de l’ordre dans l’habitacle était le seul indice sur lequel l’usager pouvait s’appuyer pour savoir s’il avait été pris en excès de vitesse, ces radars ayant la particularité de ne pas « flasher ». Mais ça c’était avant…
À partir d’août prochain, la donne changera puisque la conduite de ces véhicules sera confiée à des sociétés privées. Le Premier ministre, Manuel Valls, l’avait annoncé le 2 octobre 2015, à l’issue d’un Comité interministériel de sécurité routière de sinistre mémoire. C’était la décision n°2 (sur 22) :
Rentabilité augmentée
Une mesure qui inquiète, comme le prouve une enquête Harris Interactive commandée par 40 millions d’automobilistes et citée par nos confrères du quotidien Le Parisien. 86 % des Français pensent que les sociétés qui se chargeront de la conduite des véhicules seront enclines, par souci de rentabilité, à réaliser des contrôles dans les zones où elles ont le plus de chance de relever des infractions.
Une émotion des usagers de la route suffisamment forte pour inciter le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, à préciser, le 7 avril, que la privatisation concerne « juste l’action de bouger la voiture » et non le fait de dresser le procès verbal. L’analyse du cliché incombera donc toujours à un officier de police judiciaire du centre de traitement automatisé des infractions, basé à Rennes (35). Toujours pour rassurer l’automobiliste et le motard, M. Barbe précise que les sociétés ne seront pas rémunérées selon le nombre de procès-verbaux dressés.
Augmentation des contrôles
Il n’en demeure pas mois que pour l’usager, cette modification de modus operandi se traduira par une présence accrue de ces autos « flashantes » sur nos routes. Alors qu’elles ne circulent aujourd’hui en moyenne qu’1 heure et 13 minutes par jour, il est question de multiplier par 3 leur temps de présence sur le bitume hexagonal. Un moyen sans doute de justifier l’investissement que représentent ces outils de répression dernier cri. Chaque voiture coûte 70 000 € à l’achat et 18 000 € d’entretien annuel.
Sortez la calculette
Toujours d’après Le Parisien, en 2015, ces 319 voitures ont permis de verbaliser 1,5 million de contrevenants, soit 4 702 infractions relevées chaque année par automobile. En partant sur la base moyenne d’une amende de classe 4 à 135 €, chaque voiture réalise donc un chiffre d’affaire annuel de 634 770 €.
En multipliant par 3 son temps de présence sur nos routes, le chiffre d’affaire d’une seule auto se rapprochera des 2 millions d’euros. Bien des PME rêveraient d’une telle progression ! « À tout endroit à tout moment, les automobilistes doivent savoir qu’ils pourront se faire flasher », rajoute Emmanuel Barbe.
Privatisation rampante
Si cette privatisation des conducteurs des voitures-radars fait le buzz sur les sites d’info grâce à la bonne communication de 40 Millions d’Automobilistes, elle ne représente que la partie émergée de l’iceberg : de l’installation des machines à leur entretien en passant par les conduits et aiguillages des informations numériques, le dispositif de contrôle automatisé des infractions routières est déjà largement confié au privé. Ne reste de public qu’un fonctionnaire assermenté qui, au bout du tuyau à Rennes, vérifie les photos pour décider ou non de punir le contrevenant. Gageons que même lui, un jour ou l’autre, troquera sa tenue bleue réglementaire contre un costume-cravate anonyme…
Ubérisation policière
Car, en mettant sur pied cette stratégie du conducteur à la Uber, annoncée en octobre 2015 lors du Conseil interministériel de sécurité routière, l’État souhaite également dégager les forces de police et de gendarmerie de ces tâches subalternes et les rabattre sur la prévention des risques terroristes ou sur des contrôles d’alcoolémie au volant ou de conduite dangereuse.
N’en déplaise à la Sécurité routière et à la Ligue contre la violence routière, si le « rêve » de mettre un policier derrière chaque conducteur n’est pas encore réalité, l’État prend une sérieuse option sur le sujet. Les forces de police ne sont pas assez nombreuses pour observer tout le monde ? Qu’à cela ne tienne, demandons aux citoyens, en passant par l’écran d’une société privée, de se surveiller mutuellement. Entre ubérisation de la police et vision orwellienne de la société, notre cœur balance.
Ah, oui, une note positive pour finir. En 2018, ces 319 radars seront 440.