Chauffeurs banalisés
L’idée de privatiser les contrôles de vitesse ne date pas d’hier comme le rappelle la FFMC dans un billet d’humeur : « cet énième abandon des missions régaliennes (de l’Etat) (…) était déjà annoncé en octobre 2015 par Manuel Valls. (…) C’était même la deuxième mesure d’un plan dit de sécurité routière en contenant 26 : (…) « augmenter dans les meilleurs délais l’utilisation de radars embarqués dans des véhicules banalisés, en confiant leur mise en œuvre à des prestataires agréés, sous étroit contrôle de l’Etat ».
450 voitures pièges
Depuis l’annonce de ce « vœu pieux » les choses ont été bon train et la privatisation de la conduite des voitures-radar est en passe de devenir une réalité. La phase de test menée depuis février 2017 en Normandie serait donc concluante. Les 6 véhicules qui sillonnent la région d’Evreux depuis cet hiver auraient permis de valider le principe de la conduite de la flotte de voitures-radar par des entreprises privées. Soit, au niveau national, un parc de 383 véhicules, bientôt porté à 450.
Rentabiliser
La conduite de ces voitures-radar par des privés aurait pour objectif de libérer du temps aux forces de l’ordre afin qu’elles puissent se consacrer à d’autres missions dont la lutte contre la délinquance, la protection de la population, la recherche de conducteurs en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants. Accessoirement cela permettra également de rentabiliser au plus vite l’investissement massif exigé pour la constitution de cette flotte de voitures pièges dont chaque unité coûte la bagatelle de 70 000 € (soit un budget global de 31,5 M€ pour 450 véhicules). Les autorités entendent les faire circuler 8 heures par jour contre à peine plus d’une heure aujourd’hui. La DSR (Délégation à la Sécurité Routière) avance même un argument social pour justifier le recours à ces sociétés privées. Cela permettrait à terme de créer un millier d’emplois de chauffeurs.
Ayez confiance
Les autorités tentent toutefois de rassurer les usagers (automobilistes, motards et scootéristes) qui craignent que cette privatisation ne se transforme en un vaste racket national. On jure donc ses grands dieux en haut lieu que les sociétés privées sélectionnées pour la conduite de ces voitures ne seront pas dans une dynamique de profit maximal. Le conducteur – désormais seul dans l’habitacle – suivra un itinéraire établi par un GPS et n’aura aucun moyen de savoir quel véhicule est contrôlé. Quatre caméras disposées dans la voiture serviront à identifier les panneaux de signalisation et les entrées en agglomération afin de déterminer quelle est la vitesse maximale autorisée. Plus d’intervention humaine, donc plus d’erreur possible croit-on.
Contrôle permanent
Le déploiement massif de ces voitures-radar indique à quel point la DSR semble avoir changé son fusil d’épaule en matière de contrôle de la vitesse. Alors que les radars fixes sont annoncés par des panneaux et sont - théoriquement - installés dans des zones à risques, les voitures-radar ne font évidemment l’objet d’aucune signalisation et instaurent un contrôle permanent sur la totalité de leur parcours. Voilà qui ne va pas aider les usagers à comprendre la dimension pédagogique de la sanction. Qui a parlé de sécurité rentière ?
Le phénomène va s’étendre
Quoi qu’il en soit, l’opération menée en Normandie est sans doute des plus prometteuses si l’on en croit la façon dont le ministre de l’intérieur Gérard Collomb a enfoncé le clou dans une interview accordée au Progrès début septembre : « Pour affecter gendarmes et policiers à leurs missions prioritaires d’enquête, de sécurité, confier les aspects matériels du contrôle de vitesse à des sociétés extérieures est une solution pertinente. [...] La verbalisation restera de la compétence des policiers. Bien entendu, ces sociétés seront rémunérées au forfait et pas en fonction du nombre de PV. » La recherche de profit ne sera donc pas à l’ordre du jour pour ces sociétés privées. Une première qui nous rassure !
Avec une seule personne à leur bord et un radar inséré dans la plaque d’immatriculation, les voitures-radar seront quasi indétectables dans la circulation.