Pour mieux comprendre leurs motivations, stratégies et objectifs, nous avons rencontré Mohamed Rais (en photo principale de l’article), le président et artificier de cette nouvelle FTMC. Président, aussi, d’un des principaux clubs du pays (Bardo Bikers), il n’hésite pas à mettre en avant les racines de sa colère, mais aussi la contribution que les motards tunisiens peuvent apporter à une société en mutation.
Motomag.com : Mohamed, quels sont las raisons de la création d’une Fédération Tunisienne des Motards en Colère ?
Mohamed Rais : On n’en peut plus des taxes injustes et des excès administratifs qui nous submergent à tous les niveaux et qui font que la pratique moto dans notre pays devient un luxe réservé à une soi-disant « élite ». Or, considérer la moto comme un produit de luxe mène forcement à des conduites déviantes… Le motard tunisien passionné a du mal à payer une vignette qui s’affiche à trois fois le SMIC, et une assurance hors de portée. Vous savez, ici il y a un nombre incalculable de gens qui sont obligés de rouler sans assurance. Mais il y a aussi l’état des routes, le peu de considération qu’a le pouvoir pour les dangers de la route, le mépris parfois des autres usagers envers les motards… Tous ça, et bien d’autres choses encore, nous ont conduits à créer une FTMC pour faire entendre notre voix, sans intermédiaires.
Motomag.com : On comprend bien vos difficultés, mais comment a germé l’idée de créer une Fédération de Motards en Colère ?
Mohamed Rais : La première raison, c’est un peu votre « faute » à Motomag… Lors d’une visite dans vos locaux, et dans les locaux de la FFMC, de Lassaad Chaouch (vice-président du Bardo Bikers de Tunis), votre directeur lui avait fait un petit cadeaux : « FFMC, Chronique d’une Utopie en Marche » ! Ce petit bouquin a fait le tour dans notre club et ailleurs. Nous avons appris beaucoup de choses sur votre façon d’exister, depuis les luttes dans la rue jusqu’aux stratégies mises en places pour faire entendre votre voix. Ce livre a été l’élément déclencheur d’une prise de conscience, même si nos problèmes sont parfois différents.
La deuxième raison, plus personnelle celle-ci, vient du temps (2006) où je siégeais à la FTM (Fédération Tunisienne de Motocyclisme). Les motards subissaient les sauts d’humeur des assureurs qui refusaient d’assurer les motos et surtout les mobylettes dont les usagers sont des gens démunis, qui s’en servent pour travailler et nourrir leurs enfants. Sans assurance, ceux-ci se font confisquer leur mob par la police. C’est intolérable !
Ayant signalé cet abus en séance plénière du bureau fédéral, leur soumettant une lettre de contestation à signer et adresser aux autorités concernées, l’ancien président de la FTM s’est mis à rire et m’a dit ceci : on n’en a rien à foutre des mobs et de leurs propriétaires, nous sommes la fédé des grosses cylindrées.
Ce fut la rupture avec cette instance, mais aussi avec un système. Je partage avec bien d’autres motards tunisiens certaines valeurs dont la défense des démunis, et la volonté farouche de changer la perception des Tunisiens sur les motards, en mettant en avant la solidarité de ceux-ci dans une société où l’altruisme n’a pas encore trouvé sa place.
Motomag.com : Quels sont les objectifs immédiats de la FTMC ?
Mohamed Rais : Nous aurons à mener des luttes sur plusieurs fronts, mais en premier il y a :
1) La suppression de la vignette actuellement à 300 euros alors que le SMIC dépasse à peine les 100 euros.
2) La baisse des assurances trop chères. Les assureurs continuent a ne pas assurer les motos, poussant les motards à devenir des hors-la-loi.
3) Contribuer à la réalisation d’une infrastructure routière pas adaptée à l’usage des motos.
4) Sensibiliser les automobilistes et les autres usagers de la route aux problèmes des motards.
5) Réformer le permis de conduire moto. Actuellement, il est souvent délivré par des fonctionnaires qui ne disposent même pas du permis moto.
6) Imposer un système anti-refoulement sur les réservoirs des bus et des poids lourds qui crachent du gasoil aux ronds-points et qui sont à l’origine de plusieurs accidents mortels.
7) La liste n’est pas exhaustive, bien sûr…
Motomag.com : Envisagez-vous un rapprochement avec les motards français et plus particulièrement avec la FFMC ?
Mohamed Rais : Nous serons une jeune fédération, avec nos problèmes, nos spécificités (que nous allons assumer !) et les moyens qui seront les nôtres, mais je suis conscient que la réussite de notre entreprise passe par le partage et la solidarité avec les motards d’autres pays. L’apport de la FFMC, en matière de conseils, d’aide et de soutien sera fondamental.