Triumph s’attaque frontalement à BMW : cylindrée, transmission, gabarit, spectre d’utilisation, etc. C’est donc avec ces références que nous découvrons ce nouveau gros « Tigre ». « Gros » n’est pas exagéré : longue, large, haute, la Tiger n’a pas choisi la taille mannequin (260 kg). Pas trop pour les moins de 1,75 m, aux prises avec une hauteur de selle (réglable) mini de 840 mm. La manœuvrer à l’arrêt est déjà un défi…
Peu audacieuse
Passons rapidement sur le style disons… banal. Boucle arrière en tubes mécano-soudés, bec de canard sur l’avant, monobras, c’est du déjà-vu qui ne suscite pas l’enthousiasme. Dommage. Mais un gros rail, c’est fait pour bouffer de la route. Alors, allons-y ! Selle, guidon et bulle réglés, nous nous élançons sur les petites routes. Quelques minutes suffisent pour constater l’équilibre très neutre de la moto. Oubliés les 260 kg annoncés et le gabarit intimidant.
Les premiers ronds-points sont digérés dans une douceur rendue possible par un moteur souple au possible, capable de marauder à 2.000 tours en 6e sans le moindre hoquet, par une commande des gaz « ride by wire » impeccable et une transmission à l’unisson. Cette dernière mérite tous les éloges tant elle sait se faire oublier aux bas régimes. Un coup de botte, un petit « clic », et vous voilà sur le rapport supérieur sans le moindre à-coup de la complexe transmission à double renvoi d’angle. La nouvelle référence de la transmission par arbre est anglaise, qu’on se le dise !
Comportement à la hauteur
ABS connecté, antipatinage activé (deux modes dispos), régulateur de vitesse sur « Off » : on hausse le rythme dans les grandes courbes avalées aux gaz et l’Explorer se tient avec une prestance toute british. Stable sur ses appuis, le grand fauve fait sa trace avec assurance. Au point d’arriver à la limite des pneumatiques (Metzeler Tourance EXP) bien avant celle des suspensions Kayaba, aux réglages d’usine proche du sans-faute.
Sans-faute ? Pas tout à fait : sur les gros freinages, la fourche plonge beaucoup, verrouillant la direction et interdisant tout changement d’attitude. Mais c’est le lot de beaucoup de gros trails lourds et haut perchés (non équipés du Telelever…), l’Explorer présentant par ailleurs des prestations dynamiques largement au niveau de celui des concurrentes.
Moteur plein, mais « plat »
Il est donc possible de profiter sans retenue du gros 3-cylindres. Souple, rond, plein et puissant, le bloc répond quels que soient la vitesse et le rapport sélectionnés. Il pousse, pousse et pousse encore, pratiquement du ralenti à la zone rouge grâce à une courbe de couple bien grasse de 2.500 à 7.500 tours, où plus de 10 m.kg sont disponibles et avec un « pic » de 12,5 m.kg vers les 6.500 tr/min.
Du lourd… mais du lissé, aussi : ici, on ne parle plus de courbe de puissance, mais plutôt de « droite » tant celle-ci est sans vie. Un choix assumé par les ingénieurs mais qui nous semble peu compatible avec « l’esprit » Triumph, et encore moins avec celui du 3-cylindres.
Verdict. Les conditions de l’essai ne nous ont pas permis de juger avec sérieux la protection et le confort général sur longue distance. Mais difficile de faire le difficile… Entre un équipement de série très complet, un tarif bien placé de 14 890 € et un ensemble de qualités bien réelles pour affronter les kilomètres, la Triumph 1200 Tiger Explorer rentrera facilement dans le « top 3 » des trails routiers. Mais… Ce « Tigre » a sacrifié sur l’autel du dieu marketing un peu de son ADN familial, qui faisait pourtant sa singularité et son caractère. Et c’est bien dommage.