Ils étaient tous là, le 2 octobre au matin, à l’Hôtel Matignon à Paris à l’appel du Premier ministre : Bernard Cazeneuve, Christiane Taubira, Emmanuel Barbe… tous derrière le chef du gouvernement, Manuel Valls, pour assumer les rudes annonces du comité interministériel de la sécurité routière (CISR). À la suite des mauvaises statistiques d’accidents de la route cet été, ce CISR a été organisé dans l’urgence pour répondre à la marée médiatique qui accusait ce gouvernement de laxisme.
Le 2 octobre peu après 10 heures, Manuel Valls prend le micro, l’air sombre, et annonce 22 mesures, à ajouter aux 26 mesures de Bernard Cazeneuve lancées en janvier 2015, tout en assumant le fait que l’opinion publique va l’avoir mauvaise. Et c’est peu de le dire !
Commençons par ce qui concerne les deux-roues motorisés (2RM). Pour bien comprendre la démarche, il faut lire l’introduction qui évoque deux facteurs : les fonctionnaires n’ont relevé qu’une seule obligation de port d’une protection corporelle (le casque) depuis les années 70 pour les conducteurs de motos et scooters, mais aussi la fin du bridage à 100 chevaux des motos en France, au 1er janvier 2016. Une mesure présentée comme une obligation européenne…
Pour « mieux protéger » les motards (qui sont de grands enfants, c’est bien connu !), le CISR préconise trois mesures ne répondant pourtant pas du tout à cette étrange problématique !
Contrôle technique à la revente
Cela nous pendait au nez depuis longtemps, il est désormais explicitement annoncé. Le Contrôle technique arrive en France pour les deux-roues motorisés. Il sera obligatoire lors de la revente d’un véhicule sur le marché de l’occasion, et sera mis en application dans les 2 ans. Alors que l’Europe l’a retoqué en 2012 ! Souvenons-nous que le CT pour les autos avait débuté de la même manière…
La Fédération Française des Motards en Colère (FFMC), la seule association de défense des usagers présente le 2 octobre à Matignon, a déclaré sa ferme intention de ne pas laisser passer le CT pour les deux-roues. La fin de l’année s’annonce belliqueuse !
Un frein de taille pour les néo-motards
Il n’était déjà pas chose aisée d’accéder aux plaisirs de la moto, et ce CISR met une barrière de plus pour les néo-motards : le permis A2, qui limite la puissance des machines accessibles à 35 kW (soit 47,5 chevaux) pendant deux ans, était depuis janvier 2013 destiné aux jeunes motards de moins de 24 ans. Il est désormais valable pour les novices de tout âge !
Par exemple, le néo-motard de 50 ans devra, si la mesure annoncée est effectivement appliquée, conduire une machine limitée à 35 kW pendant deux ans, puis passer 7 heures de formation (payante) avant de s’offrir la machine de ses rêve d’une puissance supérieure.
Une mesure qui aura à coup sûr un impact non négligeable sur les ventes de 2RM, dans un contexte économique de crise qui n’épargne pas la moto.
Équipement obligatoire
Depuis l’obligation du port du casque par les conducteurs de 2RM, aucun autre équipement ne leur était imposé. Le CISR veut rendre obligatoire le port de gants homologués pour tous. Finalement, la mesure la plus indolore, sauf que : elle n’impactera en rien le nombre de décès à moto (une blessure à la main n’est pas mortelle) et elle augure d’une extension de cette obligation, dans les années à venir, à d’autres équipements, tels : le blouson homologué moto, les bottes… Jusqu’au port de l’airbag moto, à plus long terme.
Voici donc pour les deux-roues, mais la liste des mesures répressives énoncées par Manuel Valls n’est pas terminée.
Du leurre dans les épinards
La limite des 4.200 radars sur les routes de France va sauter. Pour lutter contre LE facteur phare de mortalité routière harangué par la Sécurité routière, l’excès de vitesse, 500 radars de plus vont être installés. Dans les 3 ans à venir, ils passeront au nombre de 4.700.
Des radars qui seront multifonction et pourront détecter vitesse, dépassement dangereux, respect des distances de sécurité et bien d’autres infractions encore, simultanément.
Un nouveau dispositif va fleurir en nombre sur les routes de France : le radar leurre. Concrètement il s’agit de faux radars automatiques qui seront équipés, ou non, d’un système de contrôle. L’usager de la route ne saura pas si la boîte au bord de la route est vide ou équipée.
Autre méthode, des panneaux d’indication de « contrôle radar automatique » seront installés sans forcément avoir de dispositif derrière.
Et le nombre annoncé de leurres prévus est stratosphérique : Emmanuel Barbe parle d’environ 10.000 « zones de contrôle ». Pour quel coût ?
Toujours dans la famille des radars, nos ministres ont évoqué la volonté d’augmenter le nombre de radars autonomes (donc déplaçables) à 250 d’ici la fin 2016.
Une expérimentation d’utilisation de drone va être lancée pour remplacer peu à peu les hélicoptères. Et le CISR veut étendre les PV à la volée, des infractions pouvant être constatées sans interception en bord de route.
Empilement de mesures
Nouvelles obligations, contrôle technique, radars à outrance… Les usagers de la route, et les motards en particulier, ne sont pas épargnés par nos ministres, et les conséquences seront nombreuses. Au raz-de-marée médiatique sur la sécurité routière cet été, le gouvernement n’en finit plus de sortir mesure sur mesure pour occuper le terrain, sans se soucier des conséquences sur le portefeuille des Français. Le niveau d’inacceptabilité sociale de ce CISR risque d’atteindre des sommets, comme ce fut d’ailleurs le cas, lors du précédent, en mai 2011…
Un seul objectif retient l’attention des politiques : moins de 2.000 morts avant 2020. Cela se fera sur le dos des usagers de la route, tant en termes de verbalisation, de contrôle technique, de nouvelles formations et d’installation de panneaux, dont l’utilité sécuritaire reste à prouver.
Promesse est fait en tous les cas d’un nouveau CISR, l’année prochaine, dont la teneur dépendra des résultats des douze prochains mois. Mais que pourront-ils rajouter ?
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