En 1886, Charles Terrot revient en France et s’installe à Dijon pour y créer une filiale de métiers à tisser : c’est un échec. En 1890, son gendre Wilhelm Duttlinger décide alors de fabriquer des vélos et sauve ainsi la firme. Du vélo, on en vient ensuite naturellement aux motos. En 1902, c’est la 1re moto. En 1903, la société Terrot et Cie est crée. Par la qualité de ses fabrications et ses succès en compétition, Terrot se hisse en 1914 au rang de 4e constructeur français.

Le succès de Terrot ferait-il des jaloux ? En octobre1914, alors que la guerre vient de commencer, la marque est mise sous séquestre par l’État sous le prétexte qu’une partie de son capital serait allemand. C’est en fait un gros mensonge ; de plus Wilhelm Duttlinger a adopté la nationalité française et deux de ses fils sont morts au combat sous l’uniforme français.

La renaissance

En 1920, la firme injustement placée sous séquestre est vendue aux enchères au seul profit de l’État ; un consortium de banquiers et d’industriels lyonnais l’acquiert. Les Établissements Terrot voient le jour. En industriels avisés, Alfred Vurpillot et son fils Jean continueront la même politique, misant sur la qualité et la compétition. En 1921, Magnat-Debon, le constructeur grenoblois en difficulté, fusionne avec Terrot avant d’être définitivement absorbée en 1925.

Dès 1927 Terrot devient le premier constructeur français. En 1929 c’est la crise de Wall Street, celle-ci gagne l’Europe, la fabrication de vélos et de BMA (bicyclettes à moteur auxiliaires) simples et bon marché permettra de survivre. Terrot innovera en s’intéressant à une clientèle jeune et nombreuse : les célèbres landaus et poussettes d’enfants sont un succès.

La Seconde Guerre mondiale approche, les commandes militaires s’accélèrent. En juin 1939, Jean Vurpillot engage Edmond Padovani, ingénieur et pilote de talent, et lui confie la mise au point d’un 100 cm3 4-temps capable de prendre la relève des 2-temps. Une déclinaison en 350 cm3 de la célèbre 500 RSS est présentée : la 350 JSS. Après la débâcle de 1940, l’usine Terrot est occupée. Décembre 1941, c’est l’accident de montagne fatal à Jean Vurpillot. À 80 ans passés, Alfred Vurpillot revient aux commandes afin de passer le relais à Georges Grenier de la Tour.

Le temps des erreurs

En 1946, la direction de Terrot est confiée à Samuel Renaud, gendre d’Alfred Vurpillot. C’est la présentation de la 125 EP dont le moteur dérive du 100 cm3 culbuté. La prometteuse 350 JSS est abandonnée, on lui préfère la 350 HC4 à soupapes latérales, certes très fiable mais disposant d’une mécanique née en 1926. C’est hélas aussi l’époque où, curieusement, Padovani est tenu à l’écart des décisions. Y aurait-il eu une sombre histoire de jalousie ?

Ces années d’après guerre sont marquées par le succès des scooters Vespa et Lambretta. Samuel Renaud décide de les concurrencer, mais par le bas. La démarche est en contradiction avec à la politique suivie jusque-là par la marque : « Faire mieux pour le même prix ». Le scooter Terrot se contentera d’un modeste et antique 2-temps de 100 cm3 , disposera de seulement 2 vitesses et sera monoplace. De lourds investissements sont faits pour la fabrication des coques. Né en 1951, le VMS1 s’avère hélas vite une véritable bérézina mécanique. Poussif et mal refroidi, le moteur chauffe, les chaînes cassent. Embourbée avec un scooter à problèmes, la firme ignore le succès grandissant du Solex et de la Mobylette et réagit tard et mal : les Cyclorettes et Vélorettes déçoivent.

La 250 OSSD est une nouvelle aventure mécanique : malgré une partie-cycle de qualité , le moteur mal lubrifié n’est pas fiable. Autrefois premier constructeur français, Terrot devient en 1954 le quatrième, derrière Motobécane, Peugeot et Monet Goyon. .

L’ultime sursaut

En 1955, au vu de la trésorerie au plus bas et de la chute des ventes, le conseil d’administration décide de remplacer Samuel Renaud par Michel Dossier . Ce dernier appelle Edmond Padovani à la direction technique. La tâche est lourde, les finances manquent, mais l’ingénieur ne manque pas d’idées ni de talent : rajeunissement de la gamme, retour à la qualité.

Dés 1956 apparaît la 125 EDL. C’est une machine moderne dotée d’une selle biplace, les Fleuron et Ténor suivront, tout comme les Tournoi, version 175 des précédentes, la sportive 175 Rallye affiche 15 ch et vaut un 125 km/h bien réel tout comme les concurrentes italiennes. La 500 RGST est déclinée en une ultime version la RGSO à suspension arrière oscillante. Côté cyclomoteurs, on fait appel à Peugeot, la BIMA est déclinée en deux versions Terrot et Magnat-Debon avant que ne soit présenté l’original et innovant Skipper.

Mais en cette fin des années 1950, le marché de la moto se meurt doucement. En 1958, Terrot passe sous le contrôle d’ Indenor, filiale de Peugeot. Comme il faut faire de la place à Dijon pour fabriquer des moteurs Diesel Indenor, la fabrication des motos est transférée à l’usine stéphanoise Automoto.. En mai 1961, c’est la fusion absorption dans le groupe Peugeot. Fin 1961, c’est la fin des motos et cyclos Terrot. La marque survivra quelques années, les agents Terrot vendront des vélos et cyclomoteurs Peugeot portant le logo de la défunte marque dijonnaise.

Bien triste fin pour Terrot, qui fut entre les deux guerres le premier constructeur français. Ayant vite compris l’ intérêt du cyclomoteur, Motobécane et Peugeot ont survécu aux années noires de la moto et en ont profité pour se développer. Et pourtant, Terrot ne manquait pas d’hommes de talent pour le faire… encore eut-il fallu que les bons hommes fussent au bon endroit, au bon moment.

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