L’histoire
Ce roman dont la couverture avait, on se doute pourquoi, attiré notre attention, s’ouvre sur une balade à Vespa, véhicule inattendu dans le cadre choisi par l’auteur : Santa Monica, Californie… Où l’on pensait qu’ils roulaient tous Harley.
Mais Tim, le conducteur, est un scénariste raté. Ce qui sous-entend que le scoot’ italien est, là-bas, un utilitaire pour looser… L’homme, en proie à ses addictions, découvre ensuite un script sulfureux, qui pourrait expliquer le décès violent de sa sœur, celle-ci ayant avant d’y passer rencontré le succès dans l’usine à rêves qu’est Hollywood.
Résolu à en savoir plus sur ce texte, à découvrir le meurtrier de sa frangine afin de se donner un peu plus d’épaisseur et par la même occasion une raison de vivre, il plonge dans l’envers du décor : des producteurs baignant dans un luxe qui masque leurs vices et sévices, des acteurs de porno reconvertis en kidnappeurs, bref la misère humaine que n’efface ni la réussite, ni la gloire.
Rencontrant une réalisatrice justicière et tête brûlée, comme le confirme le fait qu’elle circule à moto dans une mégalopole dévolue à l’automobile, Tim délaisse son deux-roues italien pour une Triumph Bonneville bien anglaise, tandis que la belle Chick enfourche sa Thruxton. Tous deux font l’amour, puis partent régler leurs comptes, empruntant à fond de caisse une highway qui pourrait les mener droit vers le précipice.
Notre critique
On apprécie l’organisation implacable de ce polar. Il démarre en souplesse, presque trop lentement, pour mener le lecteur vers une issue d’une noirceur absolue. Les morceaux du puzzle s’imbriquent sans accroc. Le récit est constellé de scènes chaudes, dans tous les sens du terme, et les personnages sont suffisamment barges pour nous faire croire que LA n’a de cité des anges que le nom.
Les scènes de ride à dos de motos européennes sont peu nombreuses mais suffisamment crédibles pour qu’on imagine l’auteur prendre du plaisir à les intégrer à son récit. On aimerait d’ailleurs savoir s’il est lui-même motocycliste.
Le mythe hollywoodien est écorné à point nommé, et c’est sans issue. La prestation littéraire est efficace même en français, la traduction étant assurée par Antoine Chainas, l’un des piliers de la nouvelle vague du polar tricolore.
En refermant l’ouvrage on regrette à peine un propos qui véhicule certains clichés, et une issue finalement attendue. Ce n’est pas aussi vibrant qu’un Ellroy, mais on fait là référence à l’excellence.
L’édition américaine de ce roman noir est encore plus évocatrice du rapport à la moto : la couverture présente une vue arrière de Triumph. Quant au titre original, « Colony of Whores » (que l’on pourrait traduire par « Colonie de putes »), il a bien plus d’allure que ce « Sauvagerie » un peu trop vague.
Polar : « Sauvagerie », par Matthew Stokoe, à la Série Noire Gallimard ; 384 pages, 155 x 225 cm ; 23,50 euros.
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