Les radars automatiques, ça eût payé, comme dirait l’autre. En tout cas, leurs recettes… n’ont pas fait recette l’an passé aux yeux de l’État même si, dans l’absolu, les sommes perçues restent bien sûr énormes !
En 2019, ils ont rapporté 759,7 millions d’euros, selon le rapport sur le Budget de l’État 2019 récemment publié par la Cour des comptes. Soit une diminution de 12,1 % par rapport à 2018, année elle-même en nette baisse par rapport à 2017 où le milliard (!) d’euros avait été dépassé (tableau ci-dessous).
Le compte d’affectation spéciale (CAS) Contrôle de la circulation et du stationnement routier, a pour objectif « de rendre lisible l’usage qui était fait des recettes des amendes issues de la verbalisation par radar ».
80 km/h et Gilets jaunes
La Cour pointe une explication principale à cette baisse importante : « La dégradation des radars en 2018 et 2019, liée à la réforme de la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central et au mouvement des Gilets jaunes […] ». Pour autant, précise-t-elle, « la diminution de ces recettes a débuté dès le début [sic !] 2018 et nécessite une analyse de plus long terme ».
Du coup, le taux de disponibilité des radars n’a jamais été à la hauteur des prévisions de l’État. Comme pour les années précédentes, il aurait dû être en moyenne de 93 %. En fait, il a oscillé entre 67,82 % (point le plus bas en mars 2019) et 82,27 % en décembre 2019 « taux majoré qui ne reflète que partiellement la réalité, puisqu’il est calculé sur la base du nombre de radars sur site et n’inclut pas les radars endommagés et retirés du bord de la route », précise la Cour des comptes.
Taux mensuel de disponibilité des radars en 2019, en %. Source : DSR.
Compte tenu de « la faible disponibilité des radars », 12,55 millions d’avis de contravention ont été émis en 2019. Soit un chiffre inférieur de moitié à l’estimation budgétaire…
Comme il se doit, les pouvoirs publics, accrochés à leur tout-répressif, espéraient des recettes beaucoup plus importantes. La Loi de finances initiales (LFI) 2019 prévoyait d’ailleurs que « les amendes forfaitaires issues de la verbalisation par radar atteindraient 1,036 milliards d’euros ». Soit quasi 12 % de plus que ce qu’envisageait la LFI 2018 et à des années-lumière des 759,7 millions d’euros effectivement récoltés.
Pas assez de radars…
L’estimation était fondée sur six hypothèses rapportées par la Cour des comptes. Outre le nombre d’avis de contravention et le taux de disponibilité espérés, l’une des hypothèses reposait sur le nombre de radars automatiques effectivement en service.
Radar autonome sur la route menant au circuit Paul Ricard. (Photo P. Orluc)
Alors que 4700 devaient fonctionner à fin décembre 2019, ils n’étaient en fait que 4094… Une « insuffisante prise en compte des retards dans l’installation des radars pour des motifs techniques (radars tourelles), juridiques ou politiques (externalisation de la conduite des voitures équipées de radars) » déjà soulignée en 2018 par la Cour des comptes. Qui indique encore : « Le nombre de radars installés est connu de la Délégation à la sécurité routière (DSR) et pouvait sans doute être mieux anticipé ». En clair, pour la Cour des comptes, la DSR aurait pu mieux faire…
Manque de réalisme
« L’ampleur sans précédent de la dégradation volontaire des radars en 2019 était difficile à anticiper », estime certes la Cour. Mais elle indique également que plusieurs éléments auraient pu être mieux anticipés. Par exemple le taux de disponibilité, initialement prévu à 93 %, on l’a vu, « apparaît avoir été surestimé ». Pour la Cour, « indépendamment des conséquences de la dégradation des radars, une prévision des recettes pour 2019 […] supérieure de plus de 11 % aux recettes de 2018 » ne paraît « pas réaliste » non plus.
Bref, la DSR doit revoir sa copie selon la Cour des comptes. Déjà, 2019, elle jugeait « utile [que la DSR] effectue une étude pour comprendre ce phénomène, susceptible d’être lié à un plus grand respect des limitations de vitesse lorsque le parc de radars fonctionne normalement, et en tirer les conséquences budgétaires ». Aujourd’hui la Cour estime que « les effets du vandalisme sans précédent subi par les radars en 2018 et surtout en 2019 ne doivent pas faire écran à ce type de réflexion de moyen terme ».
Et le fond, dans tout ça ?
Quant au fond - pourquoi s’enferrer toujours plus dans cette politique du tout-bâton qui a visiblement, et depuis longtemps, atteint ses limites ? -, il n’est évidemment pas abordé par la Cour des comptes. Cette dernière doit en effet s’assurer du bon emploi de l’argent public et n’a pas vocation à juger, sur le fond, de la pertinence des mesures prises par la DSR pour améliorer les chiffres de l’accidentalité routière.
On aimerait pourtant que sur ce point crucial d’une politique basée essentiellement sur la répression, la DSR revoie aussi sa copie.