Indispensables encore, des dépanneurs sont réquisitionnés, assis sur leur caisse à outils, une paire de roues dans chaque main.
Enfin, et non des moindres, la maréchaussée et ses gendarmes solitaires de l’escadron motocycliste de la Garde républicaine ouvrent, surveillent et ferment le ban.
De la routière au trail
Le cortège s’est d’abord élancé de la porte Maillot, puis en 1950 de Saint-Denis. À partir de 1966, les coureurs sont montés au « front » en partant de Chantilly avant de se ruer de Compiègne depuis 1977.
La première centaine de kilomètres est avalée sans mal sur le bitume des DDE de l’Oise, de la Somme et de l’Aisne. La presse en profite même pour filer à l’anglaise et s’autoriser un arrêt buffet : café, cigarette, détente et plein pour les motos à Saint-Quentin avant d’entrer dans la bagarre à Trois-Villes au point kilométrique 99,8, premier d’une bonne vingtaine de secteurs pavés.
Restent alors 160 km jusqu’au vélodrome roubaisien dont 49,1 sans asphalte.
En 2002, l’Union cycliste internationale jette un pavé dans la mare, comme dirait Moto Magazine. Pour des raisons de sécurité du coureur, elle impose des trails pour tous les motards ; en vertu du « danger que peut représenter une moto qui a ou qui provoque un accident dans la course sur les pavés, secs ou mouillés », dixit l’UCI.
L’Union cycliste dicte sa loi
« Les voitures de la course doivent être équipées de bas de caisse renforcés, sinon elles auraient une chance sur deux de finir à la casse », affirme Christophe Marchadier, du service presse d’Amaury Sport Organisation (ASO). Et les motos ?
Un accident dans le Paris-Roubaix ? « C’est le public, une crevaison, une ornière mal négociée, le pavé glissant ou l’huile qui fuit d’un carter de voiture, percé par un choc sur les pavés », invoque ASO.
L’UCI dicte sa loi du nombre pour toute la planète : 8 motos pour sa poire, 12 pour les photographes, 6 pour le son radio et les images télé, et 20 pour la garde républicaine.
Aussi affable qu’un Vopo, le grand ordonnateur suisse distribue les accréditations au compte-gouttes, les fameuses plaques de couleur repérables même dans le brouillard. « Vert », autorisation totale en course. « Vert-bleu », certaines portions. « Bleu », certains points.
« Celui qui triche et se fait surprendre par le directeur sportif, prévient Jean-François Pescheux, se fait arracher sa plaque ! On est tous très nerveux ce jour-là. »
Pilote et passager : un rapport parfois tendu
La cohabitation entre pilote et passager n’est pas toujours radieuse. Les scènes de ménage sont courantes ! Georges Stylianos rappelle les premières courses de ses passagers : « “Jojo, on va se casser la gueule !” Je leur répondais : “Ta gueule ! Bosse !" »
Le choix de la machine est dicté par le binôme : « Il faut une moto légère pour le pilote et confortable pour le photographe », évoque un motard. Il a cette image de l’épreuve : « Paris-Roubaix, c’est comme deux tapis roulant l’un à côté de l’autre. Sur le premier, il y a la course, sur l’autre c’est toi, ta moto et ton photographe ! »
Le temps sec n’est pas forcément le bienvenu : « Pour éviter d’avaler toute la poussière, explique Marc Meilleur, pilote de presse, j’enfile du coton dans les narines. » S’il pleut, ça dépend du moment auquel il a plu. Car Marc distingue les pavés « glissants » des pavés « gras ». Explication : « S’il a beaucoup plu la semaine précédente, le pavé est lessivé et glisse peu. Mais s’il a plu la veille ou juste avant la course, c’est du verglas. »
Pour les motards du Paris-Roubaix, il n’y a pas de secret‑ : « Si tu tombes pas, ça tient du miracle », dit Jojo.
Une année, les paysans avaient colmaté les brèches entre les pavés disjoints avec des morceaux de pneus. Une autre fois, les champs de betteraves avaient « dégueulé » sur les pavés.
Jojo avait mis une heure et demie pour faire 2 km. Les coureurs ont préféré continuer à pied, leur vélo sur l’épaule. « Paris-Roubaix, conclut Jojo, tu peux en faire 40, c’est jamais la même chose. »
Nota : Nos remerciements à tous les motards rencontrés et à ASO pour le prêt des photos