De conception similaire, ces deux roadsters tentent toutefois de séduire avec des armes différentes. Quand Suzuki avance un accastillage soigné, dont un magnifique bras oscillant, Yamaha sert une partie-cycle quasi irréprochable. Reste ensuite le tarif pour les départager.
« Nous sommes deux sœurs jumelles, nées sous le signe des Gémeaux... » Cette ritournelle tirée des Demoiselles de Rochefort pourrait être chantée par nos deux protagonistes. Si leur habillage diffère sensiblement, leur quatre-cylindres en ligne, issus de sportives , et leurs cadres alu visent une même clientèle tentée par une machine sexy au moteur vif, sans tourner le dos pour autant à la notion de polyvalence. Dans cette catégorie, c’est Suzuki qui a dégainé le premier en 1993 avec son célèbre Bandit 600, qui s’est mué lentement en sage routière de 650 cm3, laissant la GSR prendre la relève. La jeunette assure bien sa mission et peut s’enorgueillir d’un équipement complet qui fiche une claque à la concurrence.
En images
Outre son moteur de GSX-R, elle arbore un bras oscillant tout alu, un habillage design et un tableau de bord ultracomplet. Un long menu déroulant qui pousse doucement la Yamaha FZ6 vers la sortie. Pourtant, la marque aux diapasons a toujours été leader sur ce terrain. Sa première 600 Fazer (1998) a fait un tabac en réussissant à réunir performances et facilité d’usage. Sa remplaçante FZ6 (sans carénage), plus exclusive et équipée du moteur de la R6, a donc la lourde tâche de relever le défi des roadsters sportifs depuis 2004. Son « ancienneté » ne démérite pas.
Prise en mains : idéales au quotidien
C’est pour cela qu’on les aime ! D’une prise en mains immédiate, nos deux machines sont vraiment idéales pour le quotidien. Dès les premiers tours de roues, on a l’impression de les conduire depuis toujours. Les raisons : une selle à hauteur raisonnable, un triangle repose-pieds/assise/guidon plutôt confortable, qui bascule le buste juste ce qu’il faut sur l’avant pour la touche de sportivité et, enfin, un poids avec le plein à peine au-dessus des 200 kg. Parfait pour un conducteur ayant déjà fait ses armes sur une « moto du permis ». De plus, un U passe sous la selle. Pas si courant.
Moteur : le velouté de la GSR
Au regard du tableau des reprises, la nouvelle Suzuki est tenue en respect par le performant 4-cylindres de la FZ6. Sur la route, cela se traduit par des relances bien plus musclées à la remise des gaz, sur un rapport de boîte identique bien sûr. Mais ce succès a un revers. Le conducteur de la Yamaha doit en effet composer avec des vibrations moteur et un comportement rugueux lors des montées de régime. À l’inverse, le conducteur de la Suzuki profite d’une mécanique au velouté exemplaire. Les montées en régime sont plus agréables, le filtrage des vibrations est efficace (à peine persistent-elles dans le guidon au-dessus de 70 km/h) et la sonorité se montre plaisante, bien moins métallique que sur la FZ6. Pour enfoncer le clou, la boîte de la GSR est plus rapide et plus silencieuse que celle de sa rivale parfois trop ferme. Ainsi, la GSR se fait presque pardonner son manque de « niaque » et une injection mal gérée sur le filet de gaz par son bon caractère. Issus de sportives, ces moteurs tournent vite (7 000 tr/min à 130 km/h), mais savent économiser le carburant avec une conso qui tombe sous les 5,5 l/100 en balade. Un bon point pour qui roule beaucoup.
Comportement : la FZ6 assure
Si la GSR recueille la majorité des suffrages à allure normale grâce à un train avant vif et facile qui rend la rend joueuse, elle déçoit quand l’allure augmente. Là, la FZ6 prend les commandes des opérations avec des suspensions certes dénuées de réglages en hydraulique, mais diablement efficaces. Quand il faut garder une marge de chaque côté de la route avec une Suzuki au train avant légèrement flou, la Yamaha trace sa trajectoire avec assurance. C’est d’autant plus élogieux que cette dernière est chaussée de pneumatiques routiers (Bridgestone BT 020) alors que la Suz propose des performants et sportifs BT 014. Mais le quotidien n’est pas ponctué de spéciales de rallyes. La GSR séduit, elle, avec cette partie-cycle moderne (superbe bras oscillant) et facile à emmener, notamment en ville. De plus, elle peut se prévaloir d’un équipement vraiment plus valorisant. Pour exemple : son système de freinage avant à étriers 4 pistons opposés, contre des doubles pistons juxtaposés sur la Yamaha.
Verdict
Conçus pour convenir aux balades dominicales comme aux trajets quotidiens, ces deux roadsters assurent brillamment leurs fonctions : à l’aise en ville par leur petit gabarit et efficaces sur route grâce à une conception sérieuse. Pour autant, ce n’est pas bonnet blanc et blanc bonnet. La GSR est plus moderne et son équipement pléthorique relègue sur ce point la FZ6 en deuxième division. En revanche, son moteur est moins coupleux et sa partie-cycle « tout alu » est bien mal servie par des suspensions souples. La FZ6 reprend l’ascendant en conduite sportive avec un meilleur coffre et un comportement routier plus rassurant. Côté tarif, la Suzuki se monnaie 7 199 euros contre 6 690 euros pour la Yamaha. Une différence de 500 euros : le prix du bras alu ? Un regret dans cette catégorie : l’adoption de l’ABS n’est toujours pas au programme.
Commandes Sur nos deux montures, les leviers de freins se règlent en écartement sur 5 positions, et les commandes d’embrayage se font par câble. Seul Suzuki propose un caoutchouc à la base du câble pour le protéger des salissures.
Antivols Des antivols en U, mais de petites tailles (recommandés NF-FFMC, bien sûr) tiennent sous la selle de nos roadsters. Pour sécuriser la moto, les constructeurs ont aussi pensé aux clés codées. Rassurant. Rétroviseur Sur la FZ6 comme sur la GSR, la vision est juste suffisante. Yamaha soigne son look avec des rétros chromés qui ne vibrent qu’à haut régime. Chez Suz, c’est un peu la misère. Ils sont 100 % plastiques et vibrent fort dès 70 km/h.
Bagages Sur ce chapitre, nous saluerons Suzuki qui a prévu 4 petites sangles sous la selle . Fixer un sac sur celle-ci est aisé. Sur la Yamaha, il faudra accrocher ses tendeurs aux poignées passager et aux repose-pieds, au risque d’abîmer la peinture.
Entretien courant
Niveau d’huile Deux méthodes s’affrontent. Suzuki propose un hublot ; la vérification est rapide si l’on se sent à l’aise pour tenir seul la moto droite pendant que l’on se baisse pour vérifier le niveau. La tige graduée dans le carter de la Yamaha est sur ce point plus pratique, mais on se brûle les doigts quand le moteur est chaud. Tension de chaîne Le meilleur côtoie le pire. Le bras oscillant de la Yamaha est en simple tube rectangulaire en acier, avec deux écrous en son extrémité pour tirer la chaîne vers l’arrière. Basique et peu esthétique. Sur la Suzuki, le système de tension est intégré au bras (axe de roue poussé). De plus, il offre une graduation précise.
Batterie et fusibles Bonne nouvelle, les ingénieurs de Suzuki ont fait de gros efforts en matière de finition. Tous les fusibles et la batterie se trouvent sous la selle, et de façon bien ordonnée. Sur la Yamaha, on retrouve la même configuration, mais l’accès à la batterie est un petit peu plus compliqué.
Duo
Une bonne nouvelle n’arrive jamais seule. La selle de la GSR dorlote davantage son passager (bien qu’elle soit moins rembourrée), et les repose-pieds, plus bas (- 8 cm) et garnis de caoutchouc, enterrent les simples bouts de métal de la Yamaha. La Suzuki emporte haut la main la palme du duo. Le passager y est assis assez droit et légèrement plus haut que le pilote. Côté suspensions, il faudra en revanche bien ajuster la précharge sur le ressort arrière. Souple d’origine, il accentue l’affaissement de la moto à l’accélération et rend le train avant flou.