Une nouvelle fois, la petite chaîne, sœur cachée de TF1, met en boîte la population motarde. Et pas dans n’importe laquelle, une grande que l’on met sous la terre, car il faut se rendre à l’évidence, messieurs mesdames, la moto tue !
À l’instar de la précédente émission, c’est encore un coursier qui est pris comme fil conducteur de l’émission. Dès le matin, on le suit sur l’autoroute A4, observant que les motards tombent comme des mouches.
Il croise pas moins de trois accidents de deux-roues, et c’est souvent comme ça nous dit-il. Ensuite il commence son travail avec ses « courses expresses », un vrai parcours du combattant.
La tension est à l’extrême, on y croit, il va se passer quelque chose, un accident, un mort… Du vrai Stephen King ! On a le souffle court lorsque le deux-roues est montré en train de passer entre les files sur le périphérique ou en ville.
La voix off nous rappelle à plusieurs reprises, et à tort*, que c’est interdit.
Quand c’est trop embouteillé, il prend même les voies de bus, c’est normal, c’est pour l’appât du gain, le « travailler plus pour gagner plus ». On en oublierait presque les deux grosses Honda Goldwind qui suivent le scooter, avec le reporter et le cadreur de l’émission. Mais bon c’est un reportage « choc », il faut bien que les personnes qui auront vu le reportage se disent que les motards sont des personnes très dangereuses et irresponsables.
Portrait de délinquants
À côté de notre sympathique coursier, se glissent d’autres portraits tout aussi alléchants. Un scoot vient de percuter une jeune fille projetée à près de 18 mètres. La pauvre jeune fille n’est pas morte, mais cela nous permet d’être confronté à l’arme du crime : un scooter 50, roulant trop vite et certainement débridé. Une occasion de faire connaissance avec le bureau enquête et accident de la police national, qui travaille spécifiquement sur les accidents de deux-roues motorisés.
On pourra se rassurer à la fin de l’émission, on retrouve la jeune fille en vie et bien portante. Elle n’a, de son accident, aucune séquelle visible, une vraie miraculée d’une percussion avec un scooter débridé.
Cela fait une bonne transition pour suivre d’autres fonctionnaires de la police qui n’hésitent pas à sortir leur « Speedomètre », appareil servant à révéler la vitesse que peut atteindre le véhicule, pour effectuer le contrôle des scooters 50. Une technique qui est en court d’homologation et qui sert seulement à mettre la pression pour que le jeune avoue.
Qu’à cela ne tienne, on nous présente les fins limiers de la brigade. Ils arrivent à savoir du premier coup d’œil que le pot d’échappement du gamin n’est pas conforme. Eh oui, il fallait le savoir, mais la marque Leo Vince est marquée dessus.
Délire de fuite
Un passage chez MBK (fabricant de scoot) et chez un concessionnaire (pas très honnête comme profession nous fait entendre le reportage), pour nous faire comprendre comment il est facile et lucratif de débrider un scooter 50.
Mais nos reporters ne s’arrêtent devant rien pour nous présenter une autre facette des motards : ceux qui prennent la fuite lorsqu’ils ont un accrochage. Pendant près d’un quart d’heure, on nous montre la brigade des accidents en train de traquer le propriétaire d’un scooter ayant percuté une fois de plus un piéton. Décidément, la poisse.
Il s’avérera que ce n’est pas lui l’auteur mais, étant en situation irrégulière en France, il sera arrêté quand même. Un bon point pour la classification des commissariats au mérite.
Monsieur Loyal
Le mot de la fin est donné à l’ancien pilote Philippe Moneret qui emmène le présentateur, Bernard de La Villardière, faire un tour en moto. L’instant émotion !
Dommage qu’ils n’aient pas fait leur parcours au guidon de scooter bridé, histoire de voir comment monter la côte des gardes (bien connu des cyclistes du Tour de France) pour se rendre au centre de formation Moneret, à Sèvres (92).
La moto, c’est dangereux
Malheureusement, à aucun moment le débat est ouvert vers une pratique positive de la moto ou du scooter. Rien autour de la passion, du plaisir de rouler, de la moto comme pratique qui se féminise (au moins en scooter), ou sur la formation qui a un rôle à jouer sur les comportements…
Pendant 80 minutes, M6 nous apprend que la moto, c’est dangereux. Que l’on peut percuter des piétons, être fauché à un croisement, écrasé entre les files de voiture, ou finir encastré sous une glissière de sécurité.
Bien sûr qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il y a des comportements qu’il faut dénoncer, rappeler que la route c’est en soi dangereux. Mais à aucun moment le reportage n’ira extraire une quelconque réflexion.
Bref, ceux qui auront réussi à regarder l’émission jusqu’au bout, s’ils avaient attendu un reportage journalistique sans parti-pris, seront restés sur leur faim. Un reportage « trash », qui ne sert au final que les intérêts de la chaîne et qui ne peut que justifier un renforcement – craint par les uns, attendus par d’autres – de la répression à l’encontre de ces 2 millions d’individus immatures et dangereux.
(*) La pratique de la remontée de file, en tant que telle, n’est pas interdite : la notion est absente du Code de la route.
Que la petite chaîne se rassure, TF1 a diffusé, le mardi 3 mars à 22h30, le magazine « Enquêtes et révélations » dont le sujet était également les délinquants de la route :
« Ils sont jeunes et inconscients des dangers de la route : prendre le volant après avoir bu une vingtaine de verres en boîte de nuit ou après avoir fumé plusieurs "joints" de cannabis, rouler à tombeau ouvert à bord de scooters "survitaminés" et de grosses cylindrées… ». Encore une émission qu’on ne regrettera pas d’avoir ratée !
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