« Fumer du cannabis, c’est illégal. Sur la route, ça peut être fatal ». La Sécurité routière n’a pas beaucoup de moyens mais elle a l’art du slogan. Après le « Sur circuit 100 % passion, sur la route 100 % raison » présenté le 2 novembre, voici donc, la même semaine, une campagne de sensibilisation aux risques de conduite sous l’emprise d’un produit stupéfiant.

Du 4 au 22 novembre, spots radio, film d’animation et dépliant BD seront massivement diffusés. Cette campagne précède la généralisation d’un test salivaire de dépistage qualifié de « plus fiable ».

Nouveau test de dépistage
Expérimenté dans onze départements, il sera disponible « d’ici à la fin d’année, au plus tard début 2017 », a affirmé le délégué interministériel à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe. Il permet de détecter cannabis, cocaïne et dérivés (crack), amphétamines (ecstasy) et opiacés (morphine, héroïne).

Les risques encourus par les conducteurs prenant un produit stupéfiant sont de plusieurs ordres :
- une altération des réflexes du conducteur, donc un risque d’accident grave pour celui-ci comme pour les autres usagers de la route.

« Le cannabis altère principalement les aspects les plus automatisés de la conduite : la distance latérale par rapport au trottoir et la distance longitudinale avec le véhicule qui précède », explique Jean-Pascal Assailly, psychologue et chercheur à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar). Un joint aurait des effets équivalents à une alcoolémie entre 0,3 et 0,7 g/l. « Son effet sédatif augmente aussi le temps de prise de décision en situation d’urgence ».

- si la prise de drogue est détectée lors d’un contrôle routier, elle ouvre à une peine sévère qui peut impacter la vie du conducteur.

C’est ce qu’explique la Sécurité routière dans sa campagne, misant sur la « peur du gendarme ». Un discours répressif destiné à convaincre les jeunes que conduire après avoir fumé un joint, c’est pas bien…

« Les choses vont changer »
La campagne est axée sur le cannabis, de loin la drogue la plus consommée. « Le message est clair : les choses vont changer parce qu’on pourra contrôler plus facilement », a déclaré Emmanuel Barbe, qui s’attend à « une explosion » des cas positifs.

Selon la Sécurité routière, tout est fiable : le test salivaire est confirmé à 99 % par les essais en laboratoire. « La salive est le seul fluide qui permet de détecter une consommation récente, susceptible d’interférer avec la conduite », affirme Jean-Pascal Assailly.

Le problème reste néanmoins que le délai entre la prise de drogue et sa détection ne peut être établi. Il est donc délicat d’établir avec précision l’impact sur l’attention du conducteur.

Ce type de contrôle équivaut à instaurer un « taux zéro » pour la drogue, qui n’a jamais été appliqué pour l’alcool. En effet, dès la première prise, aussi faible soit-elle, le conducteur est exposé.

Des contrôles simplifiés
Au lieu de devoir emmener un conducteur positif pour une prise de sang de confirmation, dès qu’elles auront ces tests salivaires, les forces de l’ordre prendront les sanctions en cas de résultat positif, directement sur le lieu du contrôle.

Un deuxième prélèvement de salive sera ensuite envoyé en laboratoire pour analyses. « Dans 99 % des cas, le premier test est confirmé en laboratoire », selon Emmanuel Barbe.

Pour justifier cette sévérité, la Sécurité routière dégaine des chiffres imparables :
- en 2015, 58 247 délits pour usage de stupéfiants ont été constatés sur 118 476 dépistages réalisés.
- La même année, 23 % des tués sur les routes l’ont été dans un accident impliquant un conducteur ayant consommé au moins un produit stupéfiant. La moitié des conducteurs positifs aux stupéfiants dépassent aussi l’alcoolémie autorisée, combinaison qui multiplie par 23 le risque d’accident.
- Ce problème touche particulièrement les jeunes. Chez les 18-24 ans, 23 % des conducteurs contrôlés dans des accidents mortels étaient positifs à au moins un stupéfiant (13 % en moyenne sur l’ensemble de la population). Dans 94 % des cas, il s’agit d’hommes.

Relevons une limite à ces statistiques : les traces de stupéfiant relevées dans le sang des accidentés ne permet pas de dater la prise du produit.

On comprend que le gouvernement sensibilise par la communication aux dangers liés à des habitudes de consommation de drogue et d’alcool qui se généralisent notamment chez les jeunes. Le problème dépasse d’ailleurs largement la conduite, il relève d’une question de société.

Néanmoins, cette politique d’une grande sévérité a ses limites : si le nombre de contrôles positifs explosait, comme le prédit le délégué Sécurité routière, il risquerait d’avoir des conséquences sociales importantes sur une population sensible, celles des jeunes qui se verraient interdits de conduire. Sans pour autant régler le problème de fond, qui est de déterminer pourquoi ces personnes se droguent.

La Sécurité routière règle à sa manière répressive le dossier des stupéfiants. On constatera qu’elle ne traite pas avec autant de célérité celui de la conduite sous l’emprise de médicaments altérant les réflexes, ni celui de l’accès à la conduite des personnes très âgées aux capacités physiques amoindries. Et ne veut pas voir remis sur le tapis le taux zéro pour l’alcool…

Vidéo : la campagne de communication de la Sécurité routière sur l’usage de drogue

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