L’aventure s’arrête là pour cause de levier ou sélecteur cassé dans la bousculade. N’importe quoi ! Prudent, j’ai préféré temporiser et les premiers sont déjà loin quand je franchis sans m’arrêter la barrière de départ pour entamer la célèbre ligne droite de 7 kilomètres.

Coup de mou

Et déjà, la loi du sable s’impose. Je pensais me caler sur un petit 120/130 peinard bien assis sur le garde-boue arrière, mais je bloque autour de 80 km/h. Impossible d’aller plus vite : la moto gigote dans tous les sens, j’ai l’impression que je vais me casser la figure tous les dix mètres ! Prenant mon courage à deux gants, je décolle les fesses de la selle, serre bien la moto entre les genoux comme à l’entraînement et ouvre les gaz en grand. Le mono 450 n’attendait que ça et me propulse instantanément En revanche, mon dos et mes cuisses font rapidement savoir qu’ils n’apprécient pas le traitement. Il serait dommage de se « cuire » dans la ligne droite sachant que c’est là où on est censé se reposer. Je redescends sagement à 80 km/h. Je n’ai même pas parcouru la moitié de la ligne droite que je vois du coin de l’œil les premiers passer en face  !
Demi-tour au bout, instant de vérité, on s’engage dans le « mou ». Près de 1000 motos sont déjà passées, les ornières sont profondes, c’est effectivement mou, la roue avant s’enfonce profondément, mais ça passe tant bien que mal. Puis arrive le premier siphon (une suite de virages très serrés) et son bouchon. Nous sommes quelques-uns à attendre, moteur coupé, que l’horizon s’éclaircisse tandis que Pichon passe comme une flèche et survole les « cadavres » répartis un peu partout. Sûr, nous ne sommes pas sur la même planète !
Cet obstacle franchi, je continue mon bonhomme de chemin sans heurt particulier, en dehors d’un petit enlisement dans une ornière très profonde remplie d’eau et d’un détour par le stand histoire de valider un premier passage au transpondeur : il m’en faut trois au moins pour être classé, donc pas d’impasse.

Plus vite, c’est mieux

De retour sur la ligne droite de la plage, je dresse un premier bilan dans ma tête pendant que la moto gigote toujours autant. Les virages, ça va à peu près. J’arrive même à y doubler plusieurs concurrents… qui me redoublent aussi sec dans les bouts droits et sur les bosses ! Je décide d’accélérer le rythme, pour voir. D’un coup, tout paraît plus facile ! L’avant déjauge comme un hors-bord, je subis moins le terrain et je peux enfin imprimer ma trajectoire dans le sable et non l’inverse. Je ne suis toujours pas tombé, j’arrive à doubler, bref je suis plutôt content de moi ! En revanche, ça « tape » dans les bras et les épaules commencent à chauffer.
L’euphorie est de courte durée… Juste avant mon deuxième arrêt au stand, un concurrent qui vient de me doubler s’arrête juste derrière une bosse sans prévenir. Impossible de l’éviter, je tape sa roue arrière et passe par-dessus la moto. Le temps de me remettre car je me suis fait une bonne « béquille » en tapant un guidon dans la chute (le sien ou le mien ?)... Cet épisode sera le tournant de ma course : à partir de là je ne ferai que souffrir du terrain, des dépassements et de la fatigue.

Précieux conseils

La piste est maintenant bien dégradée. Les bosses sont quasi verticales, et ma confiance entamée par la chute m’a rendu hésitant. Je ne porte plus le regard assez loin et arrive ce qui doit arriver : je me plante juste au pied d’une bosse et m’ensable jusqu’au moyeu. Dieu merci, les conseils de Marc me reviennent en mémoire : « Si tu t’ensables, tu n’insistes pas. Tu descends de la moto et n’essayes surtout pas de la soulever, tu vas t’épuiser. Tu la couches d’un côté, ça soulève la roue arrière et tu combles le sable dessous. Ensuite tu redresses, tu embrayes en souplesse en marchant à côté de la moto et tu essaies de repartir. Et tu recommences autant de fois que nécessaire ! »

Et ça marche. Mais le calvaire ne fait que commencer. Deux virages plus loin, nouvelle chute, pratiquement à l’arrêt, puis encore une autre dix mètres après. Je n’arrive plus à rien et je n’y comprends plus rien. Me revient alors un autre conseil : « Quand ça ne va plus, arrête tout. Enlève ton masque, oblige-toi à respirer, détends tes muscles, trois bonnes minutes, le temps que la pression redescende. » Bien vu.
Je repars et, miracle, tout se remet en place. J’arrive même à prendre du plaisir dans les virages. C’est marrant, il faut juste oser ! Prétendre que la suite sera un long fleuve tranquille est une autre histoire. Nous sommes à mi-course, la fatigue commence à peser sur tout le monde. Et pour les poireaux dont je fais partie, ça commence à devenir physiquement très difficile.

Foire d’empoigne

Les écarts de vitesse avec les meilleurs se sont creusés. À l’approche d’un virage, j’entends un énervé se glisser derrière moi. Surprise, jusque là, ils m’ont plutôt évité. Mais un autre concurrent se plante juste devant moi, m’obligeant à m’arrêter, coincé dans la même ornière. En voulant passer sur le côté, il attrape ma jambe d’appui avec sa roue et m’immobilise, pied droit bloqué sous sa roue avant et genou collé contre son cadre. Le concurrent de devant, quant à lui, s’acharne à mettre du gaz au lieu de simplement couper le temps que je me libère. Mais il va me péter la jambe, le con !
J’ai compris : ici, on est prêt à vous casser une guibole pour gagner quelques places. Quelque chose m’échappe… Serais-je trop tendre pour le milieu du cross ? Peut-être, mais ça ne me donne pas envie d’approfondir le sujet.

Un cercle vicieux

Mon troisième arrêt au stand tombe à pic. Les épaules tirent, j’ai toujours mal à la cuisse suite à ma première gamelle, mais ça reste supportable. C’est comparable, en fait, à ce qu’on peut connaître en course d’endurance, sauf qu’ici, pas question de se détendre quelques secondes dans les lignes droites : le sable exige une concentration de tous les instants et chaque seconde d’inattention est sanctionnée par une chute, qui vous pompe de l’énergie, génère à son tour de la fatigue, un cercle vicieux qu’il faut arriver à rompre. Si je n’ai plus qu’un seul objectif en tête, boucler mes quatre tours, je n’ai plus le «  jus » pour tirer le troisième rapport.
Je suis malmené par le terrain et, comme beaucoup de poireaux, je zigzague comme un malheureux… À tel point que la piste n’est pas suffisamment large pour qu’on puisse se doubler sans risquer de se rentrer dedans ! Le public est omniprésent, bien plus proche que sur circuit. Il encourage sans juger, comprenant que chacun, à son niveau, va au bout de soi. Quant aux commissaires, ils n’hésitent pas à se mettre au milieu de la piste pour protéger un pilote. Bravo !

Soulagement et bilan

Après une dernière chute, je passe enfin sous le portique salvateur. La preuve que l’effort (physique) est gérable sous réserve de s’astreindre à une préparation minimale. La preuve aussi qu’avec avec les bons pneus, une moto moderne d’origine peut suffire, au moins pour participer. Enfin, si le pilotage dans le sable requiert une technique particulière, sous réserve d’un peu d’entraînement, on peut arriver à s’en sortir. L’énorme soulagement que je ressens est mêlé de fierté, mais aussi d’un peu de tristesse. Dans toute épreuve, l’arrivée marque aussi la fin d’une aventure. Et en retrouvant mon père qui a assuré mon assistance (s’est caillé sec et n’a rien vu de la course) et Patrick mon coéquipier (qui a bouclé un tour de plus !) je sais que, pistard de vocation, je ne remangerai pas de ce sable de sitôt.
Certes, l’épreuve est belle et exigeante, le public magnifique, mais l’ambiance « combat de gladiateurs » entretenue par quelques excités n’est pas ma tasse de thé. Entre l’hystérie au moment du départ (pourquoi pas un départ par paquets de 50 comme pour les quads ?) et l’absence de maîtrise de soi de certains concurrents, je me demande si ce premier essai ne sera pas aussi le dernier. Et si l’an prochain, je ne resterai pas chez moi. J’irai plutôt rouler à Loon Plage avec Simon, Marc et les autres. Dans une ambiance plus cool et pour des plaisirs identiques.

Merci à Yamaha Motor France pour le prêt de la 450 WR-F

Publicité

Commentaire (0)

Infos en plus