Ciel bleu, douceur printanière, montagne de Lure vêtue de blanc en arrière-fond, balancer sa machine – en douceur car le bitume est bien bosselé – tient du sublime. Mais ceux qui viendront en juillet profiteront des lavandes d’un bleu éclatant et auront droit à la vue panoramique et aux fragrances.
En poursuivant sa route vers les Alpes-de-Haute-Provence et le village perché de Banon, on se prend alors à rêver de photos en surimpression où se mêleraient la lavande et la neige…
Les courbes bien revêtues qui se dessinent vers Saint-Étienne auront peut-être raison de votre esprit bucolique et les possesseurs de sportives pourront dégourdir l’aiguille du compte-tours, ce qui n’est pas une excuse pour rater le Rocher d’Ongles et ses vielles maisons couvertes d’ocre. Le décor mérite une pause. S’il est ensuite un lieu qui puisse être qualifié de désert, c’est bien le site des Rochers des Mourres entre Fontienne et Forcalquier. On y arrive après 300 mètres d’un chemin caillouteux – accessible à toute moto.
Un dédale de cheminées de fées érodées par le vent et dominant la vallée de la Durance ; un panorama à couper le souffle ; un endroit propice à la méditation mais aussi une terre qui rappelle qu’ici, il y a un siècle, il fallait être berger, ou alors migrer… La descente se fait par l’agréable bourg de Forcalquier avec ses fontaines, ses rues escarpées et ses remparts. Un bel endroit pour « se faire une terrasse » et remplir les réservoirs avant d’aborder le prochain désert.

Des pignes et des cades
La traversée de la vallée de la Durance à Oraison a quelque chose de surréaliste après une journée et 150 km de routes jaunes et blanches : un rond-point (avec son gendarme), une grande surface (avec ses pubs) une voie ferrée et une autoroute, qui nous ramène, le temps de l’enjamber, au (triste ?) monde moderne. Heureusement, quelques kilomètres plus loin, une succession de lacets sur la D15 permet de grimper sur le plateau de Valensole et de surplomber à nouveau la civilisation.
Le temps d’une halte photo, un groupe de motards allemands nous passe. Un balai bien sympathique qui nous laisse aussi songeurs : on n’a pas encore eu à lâcher le guidon pour saluer des congénères français !
Valensole porte bien son nom avec son cadran solaire sur une façade contiguë à la fontaine et au lavoir, puis les motos plongent vers le barrage d’Esparron qui s’impose à la sortie des basses gorges du Verdon.
Une réserve d’eau – une manière de noyer le désert – où il fait bon piquer une tête en été. Passé Quinson, on rentre alors dans le département du Var et ses déserts verts, une zone cabossée et caillouteuse où ne poussent quasiment que des pins et des cades – des arbustes de la famille des genévriers ; et où l’eau se fait de plus en plus rare. Il n’a pas si longtemps par ici, c’était « Manon des sources ».

En montant à Fox-Amphoux construit sur un promontoire peu après Montmeyan, un paysage aussi vert qu’aride et inhabité s’étend à perte de vue – quand il n’a pas été grillé par le dernier incendie – et, en été, la seule trace de vie semble être la cigale, qui n’en continue pas moins de chanter !
Le village abandonné dans les années 60 reprend vie grâce aux gens à l’accent pointu et aux « estrangers ». Pour témoin le micocoulier 4 fois centenaire qui s’élève devant l’église, planté par Sully, l’intendant général des Finances d’Henri IV. Après s’être rafraîchi à la cascade de Sillans il convient de monter à Tourtour, un des plus typiques villages provençaux. N’hésitez pas à traîner dans ses ruelles et à visiter son moulin à huile.

Pour atteindre le dernier désert, celui du massif des Maures couvert de chênes rabougris et d’un inextricable maquis, il faut à nouveau couper l’ombilic des grandes transhumances, à savoir la N7 et l’autoroute A8, à Vidauban. Hors saison, la D558 qui monte vers la Garde-Freinet offre les derniers plaisirs de pilotage et les ultimes espaces vierges alors que le périple touche à sa fin.
En montant au fort qui domine les toits du village, on aperçoit en effet la mer et le golfe de Saint-Tropez. Certains seront alors inexorablement attirés vers les plages de sable, les palmiers et le village des people. Sea, sex and sun.
Mais d’autres, allergiques à la foule, scruteront plutôt le ciel vers le nord-ouest où l’on devine le Ventoux drapé dans les brumes, comme un appel vers de nouveaux déserts.

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