Pourtant, comme nous le verrons, cette RE5 ne manque pas d’atouts au niveau de la conduite. Ses principales qualités se situent au niveau de la régularité de fonctionnement moteur, de sa puissance (pour la cylindrée) et dans l’absence presque totale de vibrations.
Un travail de deux ans
Selon Yves, « le plus important lorsqu’on trouve une RE5 à restaurer est de s’assurer que le rotor n’est pas gommé, car on ne trouve pratiquement plus de pièces internes (joints toriques, segments, ressorts…). Si c’est gommé, il n’y a plus d’explosion, car l’aspiration du mélange ne se fait plus. Celle que j’ai trouvée d’occasion ne l’était pas, mais elle était non tournante et pas en très bon état au niveau de la partie-cycle et de la carrosserie. J’ai tout désossé et refait à l’origine, sauf les rayons qui sont en inox. Un travail de deux ans, difficile, parfois rempli de doutes et qui m’a coûté, au final, plus de 3.000 € en peintures, sablages, chromages et autres traitements. J’ai fait moi-même tous les polissages, les montages et les réglages. Le grand spécialiste en France, qui m’a par ailleurs fourni des pièces et une assistance technique, c’est Maillard, en Ardèche. Si je fais donc abstraction du temps passé, elle me coûte en tout 7.000 €. »
Renseignements pris, une RE5 A dans cet état vaut actuellement entre 12.000 et 15.000 € en Europe et un peu moins aux USA, car c’est ici qu’elle a été le plus vendue. Celle d’Yves est un modèle de 1974, série A. La série B, produite à très peu d’exemplaires, possédait une instrumentation et des feux plus conventionnels dérivés de la GT 750. De cette dernière, la RE5 reprend une grande part de la partie-cycle. Avec un poids en ordre de marche de 250 kg, une longueur de 2 210 mm et un centre de gravité assez haut placé, inutile de vous dire qu’elle est difficile à manier à l’arrêt. Le béquillage sur la centrale est par ailleurs une vraie galère : outre le poids, il n’y a même pas de poignée (sauf sur modèles USA) ! « C’est pour ça, nous dit Yves, que presque toutes ont le châssis de la selle fendu, car on tire tout le temps dessus. »
Une sonorité unique
La mise en route, même au kick, est facile. Lorsqu’on tourne la clef de contact au premier cran, la protection du tableau de bord cylindrique s’ouvre (c’est assez drôle !). Il y a ensuite une check-list sous la forme d’une pléthore de voyants, dont celui qui valide les deux pompes à huile – une pour la lubrification du vilebrequin, l’autre pour envoyer de l’huile (2T) dans le carburateur qui servira aussi à nettoyer les 3 segments racleurs. Il y a même une petite fenêtre digitale qui indique la vitesse enclenchée… La position de conduite est typique de ces années-là : buste droit, bras tendus et jambes pliées à 90 °. Contrairement aux manœuvres à l’arrêt, la maniabilité de la RE5 est assez bonne à basse vitesse, et l’on se sent de suite en confiance. La seule réaction un peu bizarre est le côté survireur de la moto. Dans les ronds-points par exemple, ou dans un virage serré, l’avant a tendance à « tomber ». Ceci est certainement dû à la géométrie de la machine, mais surtout à un centre de gravité haut placé. Il faut s’y faire, tout comme il faut composer avec des suspensions peu performantes, surtout à l’avant, qui a du mal à encaisser les aspérités en début de course.
Le freinage est d’époque, avec disques pleins à l’avant et un tambour arrière qui est un simple ralentisseur. L’ensemble est assez performant, car Yves a tout refait à neuf, y compris les pistons d’étriers. Mais ce qui étonne le plus, on y arrive, c’est le moteur ! Le bruit est un mélange de flat BMW et d’un moteur deux-temps de grosse cylindrée. À 1500 tr/min, régime de ralenti, c’est déjà percutant ; à l’accélération, c’est carrément l’apothéose ! C’est vraiment grâce à cette sonorité que l’on a l’impression de ne pas avoir à faire à un moteur pas comme les autres. À part un trou à l’accélération, les montées en régime sont extraordinairement linéaires et absentes de vibrations. Pour Yves, « c’est la particularité la plus marquante de ce moteur. Il est presque électrique et accélère de la même façon et avec autant de force, à 2.000 comme à 5.000 tr/min. Contrairement à un moteur classique, si vous débrayez à 3.000 tours avec une vitesse enclenchée, le régime ne s’emballe pas du tout… En ce qui concerne le trou à l’accélération, c’est dû à une mauvaise synchronisation du carburateur double corps (ou à double étage ici). Il faut pour cela utiliser un rapporteur d’angle spécifique que l’on ne trouve plus. Je suis actuellement en train d’étudier comment en construire un. » La boîte 5 séparée, la même que celle de la GT 750, à part un point mort difficile à trouver à chaud, est très douce, tout comme l’embrayage et la transmission finale. Déjà dans les années 70, Suzuki était à la pointe dans ce domaine !
Une moto pour rouler, mais…
La restauration de cette RE5, à la fois très agréable et surprenante à conduire, est pour Yves une façon de rouler différent : « Je n’ai pas redonné vie à cette moto pour en faire une pièce de musée, mais pour rouler avec pendant le WE ou mon temps libre. C’est une moto extraordinaire, que j’ai restaurée avec minutie et qui se révèle fiable. Pas une seule fois, le ventilateur ne s’est allumé, et concernant la consommation, elle est inférieure à celle d’une H2. Mais surtout, c’est une moto qui donne beaucoup de plaisir à conduire et ça, c’est le plus important ! » Reste à savoir comment pallier l’absence de pièces de rechange ou comment faire si le rotor rend l’âme… Mais là aussi, Yves a des réponses : « Quand on veut, on trouve ! Les bougies, très particulières j’en trouve par exemple aux USA. Maillard, qui avait acheté tout le stock de pièces à l’ancien importateur possède encore pas mal de choses et de plus, je suis sur le point d’acheter une autre RE5 d’occase… »
Remerciements à Yves Knocker pour le prêt de sa RE5.