En mutation permanente, la marque autrichienne a fait sacrément évoluer ses modèles
ces dix dernières années. Prenons donc la Duke : équipée tout d’abord d’un monocylindre typé Supermotard imaginé pour arpenter les cols des Alpes en long, en large, mais surtout en travers, elle a mué en roadster en 2015, s’est déclinée en petite et moyenne cylindrée, puis a fini par adopter pour motorisation le twin parallèle en 2018. Aujourd’hui transfigurée, 2020 sonne le retour à la tradition « Ready to race » avec l’apparition d’une version « R » au cadre orange et munie d’équipements
« performance » pour en exhausser le goût !
Au programme de ce nouveau millésime : une sérieuse augmentation de cylindrée
(100 cm3), de nouvelles suspensions entièrement réglables, un système de freinage
revu et une cure d’amincissement de 3 kg. Pas mal pour un retour aux sources !
Esthétiquement, en revanche, la machine évolue peu. Hormis la couleur du cadre en
acier au chrome-molybdène et le thème du kit d’autocollants agrémenté d’un « R », la
890 reçoit tout juste un nouveau dosseret de selle passager. Même l’échappement
d’origine, ventru et placé en position haute, est identique à celui de la 790 ; et l’habituel
embout titane Akrapovič allégé reste en option. Chiche.
Cette réflexion faite au responsable presse KTM, nous voilà sortis de Lyon en
un clin d’oeil, tant le rayon de braquage réduit et la maniabilité de l’engin sont évidents ! Une urbaine née, mais qui ne demande qu’à s’exprimer ailleurs. Filons donc en direction des cols des Alpes.
Sur un fil
À son guidon, on constate que la position de conduite a évolué agréablement. Les
nouvelles platines repose-pieds surélevées basculent le pilote sur l’avant. La selle est
naturellement plus haute par le choix d’un angle de colonne de direction et d’une
fixation du bras oscillant différent. Notons que l’espace pour les jambes reste convenable, comme de coutume sur les autrichiennes.
Plus dynamique, cette position lui va comme un gant (racing) et cette « R » s’avère même moins fatigante à la longue que la 790… À moins que ce confort accru ne soit aussi le fait des nouvelles suspensions WP ! Pourvues d’éléments de la série Apex entièrement réglables, elles sont de qualité nettement supérieure. En action, la 890 R lisse la route et dispose enfin de la retenue hydraulique nécessaire. Sa devancière avait tendance à s’avachir sèchement sur chaque cahot, puis à rebondir à la sortie de l’obstacle. Lancée dans le col du Semnoz, sur les hauteurs d’Annecy, elle tranche enfin l’asphalte, tel un véritable « scalpel » pour reprendre la terminologie de la marque. La différence est si marquée, qu’elle relègue sa petite soeur au rang de couteau à beurre. Sans aucun doute l’amélioration la plus flagrante sur le modèle.
Pour quelques cm3 de plus
Répondant avec précision à la moindre impulsion sur le guidon, la 890 R encaisse
aussi avec plus d’aisance la charge accrue du moteur à chaque sollicitation de l’accélérateur.
Le bicylindre n’a pas vu seulement sa cylindrée croître (par augmentation de la course et de l’alésage), il reçoit aussi un nouveau vilebrequin aux masses mobiles alourdies de 20 %. Sur le papier, c’est 16 chevaux et 1,3 m.kg de gagnés, à des régimes équivalents (9 000 et 8 000 tr/min, respectivement).
Dans la pratique, une 890 R se détache rapidement de la 790 sur chaque rapport !
Plus précise à la réponse des gaz, elle révèle tout le potentiel de ce moteur au caractère encore plus enjoué. Vibrant peu, mais grognant fort, il fait preuve d’une souplesse correcte en reprenant sous les 3 500 tr/min, mais surtout d’un couple étonnant à ces régimes. De quoi propulser très rapidement la machine aux vitesses légales, eu égard à son poids plume. À 5 500 tr/min sur le 6e rapport, la Duke R croise sagement à 130 km/h. Un léger appui sur le sélecteur à la course plus courte et le shifter (optionnel sur ce modèle !) passe la 5e avec précision.
Rotation de la poignée « ride by wire », et la montée en régime s’e-ectue sans jamais
faiblir jusqu’à la zone rouge (9 500 tr/min) : bel exemple de régularité autrichienne !
Après le sport, le réconfort !
Efficace avant tout, ce moteur, toujours homologué Euro 4, se montre aussi économe, avec une moyenne mesurée à 5,5 litres aux cent… Sans jamais chercher à le ménager, bien au contraire ! Car cette Duke est une véritable invitation à la balade
sportive. Les premiers virages à son guidon surprennent même les plus aguerris par sa légèreté, et il faut réapprendre à ajuster sa trajectoire, tant elle s’avère rapide à l’inclinaison.
Sur sol sec, le grip des nouveaux pneus spécifique au modèle - des Michelin
Power Cup Evo 2CT - amplifie cette sensation de sécurité. Un rapide échange via
les réseaux sociaux avec un ami et confrère anglais en essai sur le même modèle, sous la pluie en Angleterre (Simon Lee de Performance Sport Bike), me force à tempérer ce propos : par temps froid et humide, ces pneus quasi slicks peuvent réserver de très mauvaises surprises !
Heureusement, la pléthorique électronique veille sur cette moto à laquelle je m’attache déjà fortement…
Réponse de la poignée des gaz, glisse de la roue arrière à l’accélération, frein moteur,
cabrage de la roue avant, ABS sur l’angle… elle a tout d’une grande et devrait ainsi ravir les amateurs de sorties sur piste. Malheureusement, l’indispensable mode « Track » qui permet d’ajuster plus de paramètres tout en roulant est, là encore, en option (342 €).
En matière de freinage, notre reine des Alpes enfonce aussi le clou : elle reprend
l’ensemble Brembo étriers 4 pistons Stylema et maître-cylindre radial dont l’action est réglable en intensité de sa grande soeur la 1290 R. Le diamètre des disques est de 320 mm (300 mm pour la 790). On pourrait penser que cet équipement est trop radical pour une machine aussi légère, que nenni ! Outre sa puissance phénoménale soulevant la roue arrière d’une seule pression, son plus gros avantage reste sa précision et son feeling parfait à la moindre sollicitation du doigt droit… Une ultime amélioration face au modèle 790, relégué au rang de « simple » routière à ses côtés.
Verdict
Attention bombinette ! Telles les Peugeot 205 ou Golf GTI des années 1980, la Duke 890 R inflige une grosse claque au modèle « de base ». Coup de pied aux fesses à l’accélération, balayette à la mise sur l’angle, uppercut au freinage, les amateurs de Duke risquent fort d’aimer ça ! La facture plutôt salée avec 2 000 € d’augmentation est cependant justifiée. Les 743 € pour les indispensables shifter et mode Track, beaucoup moins. Cette KTM se place en concurrence directe avec la Triumph Street Triple 765 RS, un modèle indétrônable depuis son lancement en 2009 ; mais qui va devoir remettre sa couronne en jeu très prochainement !
*Ya, genau : oui, bien sûr