Ces instants de vie sont entrecoupés des contributions d’autres intervenants, classés selon une formule simpliste. D’un côté, les défenseurs de conducteurs brimés par la perte de leur permis (avocats, association 40 millions d’automobilistes et, durant quelques secondes, la FFMC) ; de l’autre, les partisans du système répressif (représentants de l’Etat, présidente de la Ligue contre la Violence Routière, professeur Claude Got…).
Ces deux protagonistes reviennent en permanence, égrainant leur sempiternel discours : haro sur la vitesse, les véhicules puissants… Le film conforte les adeptes du « tous coupables, tous délinquants » laissant de côté la carence en formation initiale des usagers de la route.
Nous avons demandé à Marc Bertrand, chargé de mission Sécurité routière à la FFMC, qui a visionné ce documentaire en avant-première, de partager son avis. Sollicitée par la réalisatrice, la FFMC lui avait consacré une après-midi d’entretien en novembre 2011. Par choix, Coline Serreau n’a conservé qu’un très court passage des prises de vue qu’elle avait réalisées lors de cet entretien.
30 ans de sécurité routière Ce qui fait dire à la FFMC : « durant une après-midi, tout en répondant à ses questions assez ouvertes, nous lui avons expliqué comment les motards de la FFMC apportaient leur propre vision de la sécurité routière depuis 30 ans, comment nous avions réfléchi à la formation, aux carences des pouvoirs publics sur l’approche des 2RM, bref, à tout ce qu’on fait à la fédé ».
Rien de tout cela n’apparaît à l’écran. On ne voit que deux fois les motards militants, brièvement : « Nous disons que la répression, ça commence à faire beaucoup, et que les femmes conduisent moins que les hommes dans l’organisation sociale des familles. Nos deux interventions n’apportent rien de significatif au propos général du film ».
Pensée dominante Mais ce n’est pas cela que critique Marc Bertrand : « Ce documentaire roule à fond pour la pensée dominante : la vitesse tue, la répression y’a que ça qui fonctionne et les gens évolués l’ont compris, les autres sont à éduquer. C’est pas forcément de leur faute, mais ils sont quand même à côté de la plaque. »
Formation initiale Marc est sorti de la salle de projection en éprouvant un sentiment mitigé : « Le grand absent de ce débat, c’est la formation et l’éducation routière initiales. Au cours des entretiens avec ces stagiaires venus sauver leurs derniers points, on en entend un qui dit : « comment ça se fait qu’on ne nous a pas dit tout ça quand nous avons passé le permis ? » Oui, comment ça se fait ? »
Le motard pointe un autre défaut : « Ce documentaire a quelques années de retard, il se situe dans l’alerte au risque routier tel qu’il apparaissait voici 15 ans. Ce n’est pas totalement négatif, d’ailleurs, certaines choses méritent d’être répétées. Mais la réflexion actuelle sur la théorie de l’homéostasie du risque, les pressions sociétales que subissent les gens (compétition à l’emploi, à la consommation, au toujours plus vite pour le moins cher, défiance des jeunes sur leur avenir et les institutions) n’est jamais mise en perspective ».
Quant au rôle des motards, il n’est tout simplement pas abordé : « Peut-être est-ce le résultat heureux de l’entretien que nous avons eu avec Coline Serreau ! Le film passe à côté de l’accidentalité des 2RM et, vu le ton général très culpabilisant, c’est pas plus mal ».
Conclusion Le Monsieur Sécurité Routière de la FFMC, qui planche sur le sujet depuis des années, confronte son point de vue à celui d’autres spécialistes lors de réunions de concertation, estime que le film manque d’une analyse globale sur la sécurité routière. En ce sens, « il conforte les bien pensants », mais n’apporte pas un regarde nouveau à cette cause.
Documentaire : « Tout est permis », par Coline Serreau ; distribution Bac Films ; 1h36 ; au cinéma le 9 avril.
La bande annonce :