Comparatifs

Ces machines sont donc les initiatrices d’une nouvelle famille de motos ludiques, mi-roadsters à la conduite, mi-routières et trails dans leur conception ; mais 100 % agréables à conduire sur le réseau secondaire. La nouveauté de ce comparatif, la Buell XB12STT, en est d’ailleurs un exemple frappant : elle se place pile entre le roadster XB et le trail voyageur Ulysses. Fruit d’une intelligente compilation de la compacité de l’une et des grands débattements de suspension de l’autre.

Prise en main : ne chevauche pas ces étalons qui veut !

Pour en prendre les commandes, il faut déjà répondre à un critère assez discriminant : mesurer au moins 1,75 m… ou avoir des talents de gymnaste. Les hauteurs de selle s’élèvent en effet à 800, 835 et 880 mm pour la KTM. Une fois juché dessus, Axel se laisse aller à quelques commentaires fleuris mais diablement vrais : « La KTM est parfaite pour les grands avec ses repose-pieds bas, mais tu as l’impression d’être assis sur un IPN. » Un constat surprenant eu égard aux efforts consentis en matière de confort par Buell et Triumph, dont les selles sont vraiment moelleuses. Pas de jaloux cependant, l’XB12STT n’est guère plus docile à dompter avec ses leviers placés loin du guidon (surtout l’embrayage), ses repose-pieds hauts et une position de conduite physique basculée sur un guidon collé au té de fourche supérieur. À leurs côtés, la Triumph frise le sans-faute avec une position droite, un guidon large et une tête de fourche protectrice. Seul son gabarit imposant (228 kg avec les pleins) vient pénaliser le demi-tour approximatif.

Moteur : nervosité, souplesse ou linéarité

La première à se distinguer porte un patronyme un brin prétentieux : Supermoto. Son habillage orange plutôt voyant cache un compact bicylindre de 950 cm3 diablement nerveux. De la bande, c’est celui qui marque immédiatement les esprits avec un fonctionnement sans inertie et des montées en régime explosives (difficiles à suivre en raison de l’absence de compte-tours). Le tout est bien secondé par une boîte de vitesses au fonctionnement proche de la perfection. Mais cet entrain n’aide curieusement pas à maintenir une vitesse stabilisée, notamment sur nationale. Un « bougé » d’un millimètre de la poignée des gaz se traduit immédiatement par une variation de plusieurs kilomètres heures. Pénible.

À l’inverse, l’américaine XB12STT est mue par un gros twin « longue course » assez placide au premier abord. Avec sa 5e longue, on retrouve le comportement d’une grosse américaine mue par un V8 sonore mais paresseux géré par une boîte automatique. Amateurs de conduite « sur le couple », cette machine est faite pour vous. Paradoxe en conduite sportive, on doit du coup la pousser dans les tours (7 000 tr/min maxi) pour rallier une courbe à l’autre à cause d’un étagement de boîte inadéquat pour cet exercice. Heureusement, la sonorité enchanteresse et la souplesse exemplaire de ce gros bicylindre parviennent à lui faire pardonner ce désagrément.

Le bouilleur de la Tiger 1050 est une demi-déception. Si le trois-cylindres britannique a toujours été apprécié pour son caractère affirmé, voire trop présent, il dévoile ici un comportement lisse peu en phase avec la nouvelle plastique agressive de l’engin. Pourtant, le trois-pattes marche fort à l’accélération (voire tableau de reprises), une impression gommée par sa linéarité qui nous laisse sur notre faim. Avec cette nouvelle mouture, on se surprend à interpréter la route différemment, avec plus de calme et de sérénité. Son onctuosité et son agréable souplesse (on peut reprendre facilement à 1000 tr/min sur le dernier rapport) lui donnent aussi un avantage certain en milieu urbain.

Comportement : homogénéité, physique ou facilité.

Si la Triumph a été brièvement mise à l’index sur le chapitre moteur, elle reprend ici du poil de la bête. Normal, vu son appellation ! Des trois protagonistes, elle est sans aucun doute la plus homogène et la plus facile à solliciter sur route. Avec une position confortable, droite, et un large guidon au cintre bien dessiné, il suffit d’une légère poussée sur celui-ci pour que la moto s’incline. À cela s’ajoute un excellent travail des suspensions qui gomme toutes les imperfections et l’on obtient une moto agile, sûre, même quand le rythme monte d’un cran.

À l’inverse, la Buell commence toujours par décontenancer son conducteur avec un train avant raide comme la justice. Au premier arrêt, après une belle enfilade, David lâche d’ailleurs un cri de détresse : « J’arrive pas à tourner avec cette meule ! » Comme pour un match de boxe, le conducteur doit s’engager physiquement pour donner à sa monture le bon cap à suivre. Une fois l’effort fourni, l’XB12 suit les consignes avec respect, et pour ne rien gâcher, ses suspensions à grand débattement (143 mm) préservent un très bon confort. Pas de relâche pour autant, un coup de frein lancé à la sauvette à l’intérieur d’une courbe suffit à figer la direction et à rendre la manœuvre délicate. Vous l’aurez compris, la Buell n’aime pas l’improvisation.

L’improvisation, la KTM la permet volontiers. Hyperfacile à mettre sur l’angle, c’est celle qui a gardé le plus de gènes tout-terrain. D’ailleurs, il suffirait de lui mettre des pneus à crampons pour qu’elle crapahute sur les chemins. Ainsi cette Supermoto pardonne-t-elle le freinage tardif ou la mauvaise appréciation avec sa direction toujours instinctive. En revanche, ses suspensions à grand débattement induisent un flou pénalisant dans le train avant dans les courbes au revêtement imparfait avalées promptement. Le deuxième bémol concerne son système de freinage, plutôt destiné à une sportive. Un simple regard porté sur le maître-cylindre à pompe radiale suffit à ralentir l’engin… Alors on imagine l’effet produit à l’attaque du levier ! Le mélange des genres appelle ici à la prudence. Sur ce chapitre, la Buell et Triumph développent une meilleure progressivité au moment de délivrer la puissance. Un atout quand la pluie s’invite sur les départementales piégeuses. Notons enfin que la Tiger est aussi disponible avec ABS, moyennant une rallonge de 900 euros.

Verdict

En ouvrant la voie à une nouvelle famille de motos, nos trois montures s’exposaient à une éventuelle incompréhension quant à leur usage. Mais au fil des kilomètres, elles ont su dévoiler leurs atouts pour nous séduire, avec notamment des parties-cycle réactives, des moteurs au fonctionnement aussi différents qu’intéressants et des habillages flatteurs.

La Triumph se distingue avec un comportement super-homogène, un confort exemplaire – même si son usage s’est éloigné de celui d’une Suzuki V-Strom ou d’une Honda Varadero – et un prix contenu. À 10 290 E, elle se détache nettement d’une concurrence plus onéreuse et moins polyvalente.

L’américaine et l’autrichienne sont, elles, parfaitement atypiques. Des roadsters sportifs étonnamment suspendus mais plus exclusifs. La Buell XB12STT (11 295 E en version monoplace) fait accepter en partie son prix en conjuguant harmonieusement la force de son 1200 cm3 avec une partie-cycle certes physique, mais diablement efficace sur petite route. Une prestation brillante. Quant à la KTM (11 462 €), elle met en avant son bouillant bicylindre en V et un équipement de qualité. Une façon d’escamoter des points faibles comme la hauteur de selle imprenable et une direction floue à allure soutenue. Soulignons pour finir que nos montures se distinguent toutes les trois par le plaisir de conduire qu’elles procurent. Une notion essentielle qui encourage au bout du compte l’emprunt des itinéraires bis, aussi nombreux que méconnus.

Avec la participation de David Stempfel et Axel Mellerin.

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