De rares teams ont pu s’en procurer et les quantités livrées laissent rêveur. « Pour ma part, je n’ai réussi à obtenir que 10 litres en le commandant chez Shell en Allemagne », indique Dominique Méliand, le patron du team Suzuki en endurance.
« Avec cette quantité infime, on a simplement pu tester nos tuyaux de ravitaillement des derricks, et on s’est aperçu qu’ils fondaient ! » Panique à bord de l ‘ACO, qui a fini par trouver un fournisseur local capable de produire des tuyaux de ravitaillement suffisamment résistants.
On se veut rassurant chez « Stäubli », le fabricant français de mono vanne de remplissage de réservoirs, qui équipe environ une dizaine d’équipages en endurance, « l’essence E-10 avait tendance à gonfler les joints sur nos vannes de remplissage » mais, assure Marc Champange, responsable de compétition en France, Suisse et en Belgique, « ce problème a été résolu dès 2007, grâce à l’expérience acquise aux Etats-Unis. Donc on ne devrait pas rencontrer de problèmes sur nos systèmes de ravitaillement. »
Par contre on ne sait pas comment vont se comporter les joints des vannes classiques de marque « Zenith » qui équipent la majorité des « petits » teams, a fortiori si ces joints ont plus de deux ans… vu que ce biocarburant est nettement plus corrosif que le « LM-24 » utilisé jusqu’à présent.
Tous les responsables des équipes sportives rencontrés sont unanimes :« On ne sait pas comment vont se comporter les joints internes dans les moteurs et en particuliers les joints des rampes d’injection et des coupleurs de réservoir. » Car tout le problème est là : le carburant E-10 procurant une « combustion plus sèche est plus performant », selon Eric, technicien chez Renault. Conséquence « il y a un échauffement plus important des pièces en mouvement dans le moteur ».
C’est une des raisons qui ont fait que l’Allemagne, qui avait introduit un taux de 5% d’éthanol dans ses carburants, renonce vendredi 4 avril 2008 à porter ce taux d’alcool à 10% à partir de 2009. Parmi l’une des raisons évoquées, « le mélange (essence-éthanol), plus corrosif que le carburant classique, risque d’user trop vite certaines pièces moteur ». (Sources la Tribune.fr)
Cap vers l’inconnu
« Les motos modernes tolèrent un taux de 5% d’éthanol dans l’essence, mais personne ne peut affirmer que le taux de 10% ne sera pas (ou non) sans conséquence sur le comportement des machines, surtout au bout de 24h. », affirme Dominique Méliand.
Enfin, Christian Bourgeois de Kawasaki France, interrogé par nos soins, se fait un malin plaisir à souligner que « l’essence adoptée par l’ASM-ACO n’est pas conforme aux règlements FIM, puisque dans la charte publiée par l’instance internationale, il est seulement stipulé que le carburant doit être oxygéné à hauteur de 4%, ce qui bien le cas de l’E-10 ».
Mais il est nulle part fait mention de carburant additivé et encore moins de présence d’éthanol ! Et, finaud, il rajoute : « Comment la FIM, qui est organisateur du championnat mondial d’Endurance, va homologuer des résultats d’une course qui ne respecte pas les spécifications de l’instance internationale ? »
Cerise sur le gâteau, à 15 jours de l’événement, personne ne sait à combien sera facturé le litre d’essence « bio ». Le seul qui ait tenté de s’en procurer auprès de la Shell française, Fabrice Montoya de team MV Agusta, c’est vu proposer un tarif de 4,72 € HT le litre, soit 5,64€ TTC. Sachant qu’une moto d’Endurance consomme grosso modo 600 litres pour le w.e. (essais compris), on arrive à une facture de 3.384€ rien qu’en consommation d’essence !
Cela explique sans doute pourquoi depuis 2006, les tarifs et la caution d’engagement qui étaient de 2.500 € augmentent tous les ans de 500 € et atteignent désormais 3.550€ en 2008.
L’impression générale qui se dégage de tout cela est que l’organisateur prend des décisions unilatérales sans réelle concertation. « On ne nous a jamais demandé notre avis » s’exclame, très remonté et hors camera, Dominique Méliand, le patron du SERT.
Il est vrai que la liste des questions, sans réponse, s’allonge à mesure que l’on s’approche de l’événement :
- Combien sera facturé le litre d’essence « bio » ?
- Quelles répercussions aura l’essence « bio » sur le fonctionnement des moteurs durant 24H ?
- A-t-on envisagé une alternative en cas de disfonctionnement ?
- Pourquoi n’a-t-on pas profité des essais officiels pré Mans (2 et 3 avril) pour fournir cette essence aux équipes, afin qu’elles puissent tester ce carburant en conditions réelles ?
Rendez-vous du 17 au 20 avril 2008 pour suivre l’événement des 24H moto.
