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La visite du nouveau « centre de commandement » de la vidéo-verbalisation, situé caserne Napoléon à Paris, laisse songeur. Assemblés dans une petite salle, une dizaine d’ASVP (Agents de surveillance de la voie publique), qui comme le rappelle Michel Delpuech, préfet de police de Paris, gardent la même « aptitude juridique » que la police municipale sont bien équipés. Face à deux, voire trois écrans, jonglant de l’un à l’autre, ils zappent sur les différentes caméras installées dans Paris. A l’aide d’un joystick, ils peuvent orienter la visée et zoomer sur les zones ciblées, puis, d’un simple clic, prendre une photo qui sera ensuite utilisée pour dresser le PV. Le dispositif en place est d’une efficacité redoutable.

Fin de l’impunité
En l’espace de quelques minutes, nous voyons sur leurs écrans de nombreux véhicules s’insérer sans complexe sur une voie de bus, dont une bonne moitié de scooters, inconscients d’être sous l’œil d’une caméra et donc des agents verbalisateurs (voir la vidéo ci dessus). Chaque agent établit en moyenne et chaque jour une quarantaine de PVs. Ils concernent principalement la circulation dans les voies de bus, et le stationnement gênant le long des « axes rouges ». « Pour l’instant, nous ne faisons pas encore les sas vélo » témoigne une employée. À 135 € et 4 points l’infraction, nul doute que, le jour où ils s’y mettront, ce sera l’hécatombe des points chez certains deux-roues motorisés (pour mémoire, les sas vélo sont ces espaces placés au niveau de certains feux tricolores qui permettent aux cyclistes d’attendre le passage au vert devant les véhicules motorisés).

La visite de la salle de vidéo-verbalisation ne nous a pas montré d’acharnement particulier vis-à-vis d’infortunés contrevenants qui auraient malencontreusement posé leurs pneus sur 2 mètres de voie de bus pour contourner un obstacle. Il y a en effet déjà largement de quoi faire avec ceux qui grillent allègrement les feux ou remontent « plein gaz » les voies de bus.

Les infractions à verbaliser en priorité sont fixées par la hiérarchie qui peut, elle-même, s’appuyer sur les remontées d’information des « signalements citoyens » transmis via le 3975 ou par l’application « dansmarue ». Les nouvelles technologies ne sont pas en effet réservées à ceux qui veulent signaler les contrôles de police. Elles sont aussi utilisées par des citoyens portés sur la dénonciation de « problèmes » sur la voirie. Et certains ne s’en privent pas. « Nous avons des habitués » témoigne une employée du Centre de Régulation des Enlèvements (voir encadré ci dessous).

Tout cela est rendu possible par la loi du 28 février 2017 qui restaure une partie des pouvoirs de police de la mairie de Paris et par l’extension de la liste des infractions « vidéo-verbalisables » désormais au nombre de 16. La politique à l’encontre du trafic motorisé individuel menée par la mairie de Paris ne faiblit pas.

« La première des libertés c’est la sécurité » martèle Anne Hidalgo qui assume clairement son combat contre les « incivilités routières ». Ses priorités : lutter contre les encombrements routiers, favoriser le recours aux transports collectifs et réduire l’exposition au risque des piétons et cyclistes. Et les deux-roues motorisés - scooters en tête - sont clairement visés. Sur les 24 décès constatés dans la circulation à Paris cette année, il y avait 11 piétons - dont une majorité de personnes âgées - 10 utilisateurs de deux roues motorisés et deux cyclistes.

De nombreux contrevenants qui échappaient jusqu’alors aux contrôles, car « c’est compliqué d’arrêter un scooter » selon le témoignage d’une employée, deviennent très facilement verbalisables. Expérimentée par la police depuis 2013 (10 000 infractions avaient été constatées dès cette année-là), la verbalisation par vidéo atteint 88 000 PVs en 2018 à fin septembre, avec un rythme de croisière de 400 PV par jour.
Plutôt que de se répartir les infractions, Mairie et Préfecture se sont réparties les axes de circulation.

Infractions « vidéo verbalisables »
La liste des infractions désormais dans le viseur des caméras s’allonge : circulation dans les voies de bus ou pistes cyclables, empiètement sur le sas vélo, non respect de la priorité du piéton, encombrement d’un carrefour, stationnement gênant, téléphone au volant, lignes blanches, non port du casque… Sur les grands axes équipés de ces caméras, il va falloir se tenir à carreau.

À la FFMC, loin de cautionner les infractions qui mettent en danger la vie d’autrui et notamment des plus vulnérables (circulation sur trottoir, feux rouge, …), on alerte toutefois sur les dérives d’un tel système. « En laissant de côté formation et sensibilisation, la répression automatisée a mené à un certain « chacun pour soi » mêlé de « je m’enfoutisme » qui laisse l’usager de la voirie condamné à subir des verbalisations qui n’ont pas de vertu pédagogique : quel enseignement tirer d’un PV reçu par la poste, quinze jours après avoir commis une infraction ? Et comment plaider sa cause ou tenter de contester un PV pour une faute qu’on n’a même pas conscience d’avoir commise ? » s’interroge la fédération.

Troisième étage de la fusée
Pour l’instant on ne peut qu’espérer que les agents verbalisateurs fassent preuve de discernement. Mais au-delà de ces systèmes de vidéo-verbalisation, désormais pleinement opérationnels, on peut s’inquiéter de l’évolution d’un système qui ne va aucunement vers davantage de mansuétude vis-à-vis des infractions routières. En effet, comme nous l’avions relevé dans le dernier motomag (N°351 octobre 2018), l’État s’est entretemps doté de nouveaux moyens de verbalisation en rendant possible la verbalisation automatique d’infractions relatives au défaut d’assurance, ou de vignette crit’air. Et là, plus besoin d’agent verbalisateur, exit le discernement ! Un système LAPI (Lecture Automatique des Plaques d’Immatriculation) permet de « mâcher » le travail et d’envoyer le PV en limitant au maximum l’intervention humaine. Big brother a encore de beaux jours devant lui.

Centre de dispatch des véhicules de fourrière
Le CRE, c’est le Centre de Régulation des Enlèvements. Également hébergée dans la caserne Napoléon, elle dépend de la Direction de la Voirie et des Déplacements. On y est accueilli par un immense plan de Paris sur écran géant (voir photos en tête d’article) sur lequel se déplacent en temps réel des bulles de différentes couleurs. Il ne s’agit pas ici de vidéo verbalisation, mais plutôt d’un centre de dispatch des véhicules de fourrière, mené d’après les infractions relevées par les agents sur le terrain.
Les carrés noirs, ce sont les agents verbalisateurs, les bulles vertes, ce sont les véhicules de fourrière chargés d’enlever les véhicules gênants. Les petites étoiles en dessous indiquent la capacité d’enlèvement du véhicule, et le type de véhicule (tous les grutiers ne sont pas habilités à enlever les deux-roues).
Les bulles bleues figurent des véhicules gênants pour lesquels un enlèvement est demandé. Quand la bulle devient blanche, un grutier a été affecté à l’enlèvement. Les triangles, ce sont les régulateurs chargés d’arbitrer les « chargés restitués », lorsque le propriétaire du véhicule revient à son véhicule au moment où il est en train d’être enlevé. Il peut alors récupérer son véhicule, sous réserve du paiement de l’amende, mais sans passer par la case fourrière. Plus que jamais bon à savoir.

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