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Hausse des émissions de CO2
On retiendra, parmi les interventions, celle de Bernard Beauzamy, président de la Société de calcul mathématique (SCM), qui démontrait qu’une réduction de la vitesse dans les agglomérations ne se traduirait pas par une diminution, mais au contraire par une augmentation des émissions de CO2 dans la zone considérée.

Là encore, le bruit médiatique s’est focalisé sur une « petite phrase », lâchée comme une boutade, par ce polytechnicien, co-auteur d’une « analyse critique des études sur les vitesses utilisées par la Sécurité routière ». Bernard Beauzamy expliquait que « réduire la vitesse de 10 km/h créerait 100.000 chômeurs de plus ». Phrase aussitôt reprise en boucle sur la Toile…

100.000 chômeurs, une « connerie »

Seul le Nouvelobs.com apportait un éclaircissement : « c’était une connerie », avouait Bernard Beauzamy durant l’après-midi du 22 avril. Le mathématicien cherchait en fait à démontrer le manque de consistance scientifique de la démonstration mathématique utilisée par les experts du CNSR favorables à la baisse des vitesses.

Pour démontrer l’économie de 450 vies par an, ces derniers s’appuient sur un calcul mathématique basique : ils partent du principe que baisser la vitesse de 1 km/h contribue à réduire de 4 % la mortalité routière annuelle. Et se contentent d’une règle de trois pour parvenir à l’économie de 450 vies en France.

Lors du colloque du 22 avril, Bernard Beauzamy a appliqué le même principe simpliste à une démonstration contraire : « réduire la vitesse de 10 km/h contribuerait à réduire le PIB de la France de 1 %. Donc, à créer 100.000 chômeurs de plus… »

Entretien des routes
Pierre Calvin, président de l’Association technique des routes et infrastructures, a insisté sur : « le rôle capital du dessin des routes, des marquages au sol, des glissières de sécurité et de l’adhérence des revêtements dans l’amélioration de la sécurité routière. Or, la route rapporte 37 milliards d’euros par an à l’Etat, notamment par les taxes sur les carburants, mais il ne dépense que 17 milliards pour la route ».

44 milliards d’euros
Selon les calculs de l’économiste Rémy Prud’homme, ancien professeur à l’Institut d’urbanisme de Paris, réduire la vitesse aura un coût considérable, celui de la perte de temps générée. Il calcule qu’une limitation généralisée à 30 km/h de la vitesse dans les agglomérations, où circulent plus de la moitié des véhicules, ferait certes économiser 300 millions d’euros sur le coût sanitaire des accidents, mais coûterait 44 milliards d’euros pour le temps perdu par les automobilistes.

Un argument que réfute le docteur Philippe Lauwick, président de la commission Alcool, vitesse, stupéfiants du CNSR et défenseur de la baisse à 80 : selon lui, aucun raisonnement mathématique ne s’oppose au fait que l’on économiserait 450 vies par an.

Paradoxe, ce docteur défend le calcul des experts du CNSR, mais réfute ceux de l’autre camp au prétexte que les opposants sont « les représentants d’un lobby anti-vie » dont le seul objectif est de rouler plus vite…

Ce que réfute Eric Thiollier, délégué général de la FFMC, intervenant au colloque du Sénat, mais aussi dans l’émission qui a suivi, sur Europe 1 : « Nous ne sommes pas membres d’un lobby du droit à rouler vite, nous défendons une meilleure sécurité routière, basée sur la responsabilisation des usagers.

Abaisser de façon autoritaire la vitesse maximale sur le réseau secondaire, cela revient à passer à côté des autres facteurs d’accidents que sont la vigilance, le respect des distances de sécurité, l’utilisation du téléphone en conduisant, l’alcool et la dégradation du réseau routier.

Un contrôle d’alcoolémie, le conducteur a la probabilité d’en subir un tous les 5 ans, alors qu’il passe devant plusieurs radars tous les jours. En ce qui concerne les motards, de 90 à 80 km/h, la probabilité d’être tué dans un accident reste la même. Il y a d’autres pistes à creuser pour protéger les usagers vulnérables. La formation au partage de la route en est une ».

Soutien inattendu

Sur Europe 1, les opposants aux 80 ont reçu un soutien inattendu, celui de Philippe Houillon, député UMP et rapporteur de la mission sur la sécurité routière de l’Assemblée nationale en 2011. A cette époque, il se posait en défenseur de la sanction automatique, et semble avoir changé d’avis : « La sécurité routière ne doit pas négliger l’acceptabilité sociale. Les 80 km/h, les Français ne l’accepteront pas. Et après, jusqu’où ira-t-on ? Ce sont des mesures qui vont toujours dans le même sens, punitives et coercitives. En Espagne, par exemple, on a créé des mesures positives, comme un bonus aux bons conducteurs ».

« Quand on veut faire une politique de santé publique efficace, il faut faire simple, répond Philippe Lauwick. Lutter contre les excès de vitesse c’est simple, avec le contrôle-sanction automatisé. Si on s’était arrêté au problème d’acceptabilité sociale, on n’aurait pas instauré 50 km/h en ville, ni le contrôle automatisé ; et on pratiquerait l’interruption volontaire de grossesse en cachette… » Comparaison radicale !

Quid du contexte politique ?
Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, et surtout le Premier Ministre, Manuel Valls, pourraient être sensibles à cette notion d’acceptabilité sociale, surtout dans le contexte politique actuel. L’exécutif, en France, cristallise un tel niveau de mécontentement, qu’il n’est pas nécessaire d’en rajouter.

Le 16 mai, le Conseil national de sécurité routière (CNSR) émettra son avis sur cette mesure. Il devrait se prononcer en faveur des 80 km/h, ses membres l’estimant utile étant majoritaires. Ensuite, un comité interministériel de sécurité routière (CISR) se réunira, vraisemblablement courant juin, pour l’entériner. Ou non.

Selon Auto Plus du 25 avril, la fin du 90 est entérinée. L’hebdomadaire estime que le gouvernement hésiterait entre les deux scénarii préconisés par les experts du CNSR : on annoncerait un test du passage à 80 km/h pendant un ou deux ans, soit dans les départements les plus accidentogènes, soit directement sur tout le territoire français.

Une période d’essai, manière de dire qu’on tient compte du haut niveau d’inacceptabilité sociale, tout en imposant la circulation à 80 petit à petit… Il reste peu de temps aux opposants pour imaginer une riposte.

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