Annonce du contrôle technique à la revente d’un véhicule d’occasion, obligation du port des gants, permis A2 généralisé à tous les novices et autorisation de débridage à plus de 100 chevaux aux motos dotées de l’ABS… En France en ce mois d’octobre 2015, l’actualité est riche en annonces qui risquent d’avoir un impact économique sur la moto.

Éric de Seyne, président de la Chambre Syndicale Internationale de l’Automobile et du Motocycle (CSIAM) et directeur de Yamaha Europe, propose une lecture de ces mesures différente de celle de la FFMC : il continue de prôner le dialogue avec la Direction à la circulation et à la sécurité routières (DSCR) du ministère de l’Intérieur. Le débat est lancé !

Etes-vous favorable aux mesures annoncées par le gouvernement lors du comité interministériel de sécurité routière (CISR) du 2 octobre ?
Au préalable, je précise que notre objectif, à la CSIAM, depuis qu’on a su que la particularité française du bridage des motos à 100 chevaux disparaîtrait le 1er janvier 2016, était d’obtenir le retrofit (1) le plus large possible.

Mais nous avons vite compris que, s’appuyant sur la lecture détaillée du règlement européen, l’État français considérait que ce retrofit n’était pas une obligation. Le gouvernement s’est laissé la possibilité de décider qui pourrait le faire et qui pourrait ne pas le faire. Il a pris son temps pour le décider, et a conditionné l’autorisation du débridage à la détention du freinage ABS.

En ce qui concerne le CISR du 2 octobre, que pensez-vous des mesures annoncées ?
Je constate que la DSCR a une position responsable dans l’objectif d’améliorer la sécurité des conducteurs de deux-roues motorisé (2RM). Quand nous l’avons rencontré, Emmanuel Barbe, le délégué à la Sécurité routière du gouvernement, s’est montré à l’écoute. L’obligation du port des gants est une mesure aimable. Ce n’est pas aberrant.

L’obligation d’un contrôle technique limité aux véhicules d’occasion ne me dérange pas. Le gouvernement se donne deux ans pour le mettre en œuvre et la CSIAM souhaite être associée à sa mise en place. Je rappelle qu’au niveau européen, le débat sur le contrôle technique moto sera rouvert en 2022. Dans deux ans, nous serons en 2018.

Nous soulignerons au ministère que la vente de véhicules d’occasion de particulier à particulier est en baisse par rapport à la vente de véhicules d’occasion dans le réseau professionnel. On y procède déjà à une sorte de contrôle technique du véhicule. On peut donc imaginer que, si on intègre cette démarche, dans ce cadre précis il n’y aura pas de coût supplémentaire.

Peut-on résumer ainsi votre position : oui au contrôle technique, s’il est réalisé dans le réseau des motocistes ?
Je rappelle la position de la CSIAM : nous ne sommes pas favorables à un contrôle technique, mais à ce que nous appelons un contrôle de conformité, c’est-à-dire une visite régulière du deux-roues dans l’atelier d’une concession. Qui pourrait s’apparenter au rythme des révisions sur les véhicules neufs sous garantie.

L’obligation de conduire une moto de moins de 47 chevaux pour tout novice quel que soit son âge vous gêne-t-elle ?
On s’est bagarré contre cette contrainte, qui va rendre plus complexe l’accès direct à la moto. Cette mesure représente un frein supplémentaire à l’accès à la moto. Mais à partir de 2016, la plupart des motos pourront être vendues en puissance libre et dans ce contexte, il est difficile de se battre contre la logique sécuritaire du gouvernement.

L’accès aux motos de plus de 47 chevaux serait soumis, en plus, à une formation de 7 heures. N’est-ce pas préjudiciable pour le marché ?
Nous ne pouvons pas critiquer la mise en place d’une formation à la conduite postérieure au permis. Nombre d’intervenants, dans les réunions de concertation autour de la moto, sont favorables à cette idée. 7 heures supplémentaires, si le contenu est bien réfléchi, d’accord.

Un quinquagénaire qui souhaite passer son permis moto ne pourra pas ensuite acquérir n’importe quelle machine…
La Sécurité routière suit sa logique. On constate qu’il y a beaucoup d’accidents dans cette population. Je pense personnellement que l’avenir de la moto ne passe pas par le « premium » (la moto haut de gamme). Il passe par une facilité d’accès à tout âge.

Si on prend individuellement chaque mesure annoncée le 2 octobre, aucune ne va dans le sens du marché, d’une croissance du volume de ventes. Mais prises dans leur ensemble, elles répondent à une démarche pédagogique.

L’enjeu est que la moto ne soit plus le vilain petit canard de la sécurité routière, et qu’on arrête de vous prendre pour un barge quand on arrive à un rendez-vous avec un casque.

Nous souhaitons discuter du contenu de ces mesures avec la DSCR. Ce ne sont pas des annonces indolores mais il faut accompagner les autorités. De même que, nous importateurs, incitons les concessionnaires à accompagner les clients en leur conseillant un modèle adapté à leur expérience, leur besoin, leurs envies et leur pouvoir d’achat.

Vous êtes donc favorable aux mesures du CISR, et au retrofit conditionné à l’ABS ?
Nous étions favorables à un retrofit généralisé sans conditions. Toute scission du retrofit va perturber le marché. J’ai expliqué à Emmanuel Barbe que cette solution allait engendrer deux clivages.

Quels sont ces clivages ?
Le premier clivage sera celui du portefeuille : nombre de nos clients ne prennent pas l’option ABS sur une moto neuve pour des raisons économiques. Le second sera un clivage nord-sud : 80 % des motos vendues avec ABS le sont au nord de la Loire.

Je lui ai expliqué que cette décision serait contraire à l’objectif de sécurité routière. Aujourd’hui, plus de la moitié du parc de motos supérieures à 100 chevaux en circulation est équipée d’ABS. Les motos sans ABS vont subir une décote par rapport aux motos dotées d’ABS.

La mesure va avoir pour conséquence de mettre sur le marché, à bas prix, des motos d’occasion ayant un potentiel de puissance supérieur à 100 chevaux, bridées certes mais qu’il sera, après l’achat, facile de faire débrider. Des sportives ou des roadsters sportifs à même de séduire une clientèle jeune, peu fortunée. Elle va trouver la possibilité d’acquérir ces motos à moindre coût.

Le retrofit conditionné à l’ABS va dénaturer l’équilibre du marché, et accentuer une dangerosité non acceptable. Nous avons défendu cette position jusqu’au bout. Le gouvernement a pris cette décision, et je la respecte. Je retiens qu’il n’a pas eu une approche fermée, qui aurait freiné la totalité du marché. Il aurait aussi pu tout simplement interdire le retrofit.

* Retrofit : autorisation de débrider une moto qui a été vendue en puissance nominale à 100 chevaux sur la carte grise, pour atteindre sa puissance d’origine.

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