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Deux philosophies.
Alors qu’il suffit d’une simple pression sur le bouton de démarreur pour lancer le bicylindre de la nouvelle V7, c’est avec un certain doigté qu’il faut entreprendre la mise en route du bon vieux gros mono. D’abord, mettre la moto sur sa béquille centrale, car la latérale est d’une instabilité menaçante. Après avoir cherché au kick le point de compression, il faut actionner le levier de décompression (à gauche) et kicker deux fois.
Avec cette « méthode à Michel », ça marche à tous les coups, à condition de ne jamais manœuvrer la poignée de gaz. Il y a certes un démarreur, mais celui-ci ne sert qu’en dépannage, et de toute façon, il n’est bon qu’à mettre la batterie à plat. Ce qui est fantastique ensuite, c’est le bruit du moteur au ralenti : il n’y a pas de compte-tours, mais on peut facilement compter les explosions.

À côté, le moteur de la V7 tourne non pas comme une horloge, mais comme un moulin à café. Sur route, c’est un peu la même chose : du haut de sa puissance maxi très modeste (26 ch), le Nuovo Falcone enroule tranquillement sans se soucier des limitations. On se demande même pourquoi tous ces gens roulent si vite… Comme toute bonne vieille Guzzi qui se respecte, la moto possède les quatre vitesses (inversées à l’ancienne) à droite. L’embrayage est vraiment doux, mais le passage des vitesses est très, très long.
Avec la V7 moderne, pas la peine d’avoir un diplôme universitaire d’es(sayeur) moto pour mesurer l’évolution entre les deux machines. Sur la Falcone, les verbes « décomposer » et « anticiper » prennent tout leur sens et l’on se surprend à rouler hors du temps. De nos jours, seules des machines comme la Royal Enfield, fabriquée en Inde, ou certaines motos de l’ex-bloc de l’Est procurent ces sensations.
Le sentiment de marginalité qui en découle, c’est extra et peut-être bien plus « écologique » que ce qui est préconisé par les prophètes en la matière !

Une certaine idée de la simplicité.
À mi-chemin entre le nord de l’Oise et Dieppe, le village de Gerberoy est une halte bienvenue. Bien conservé, sans trop d’artifices touristiques, ce village invite à la pause, surtout quand le temps vire au beau. Le cadre idéal pour un bref résumé historique du modèle. Au début des années 70, après avoir écoulé pas mal de Falcone en Italie et en Europe entre 1950 et 1968 (cette moto était un modèle dérivé des toutes premières Guzzi de l’après-guerre), l’usine de Mandello décide de renouveler son « traditionnel monocylindre » en concevant le Nuovo Falcone.
Commercialement il s’agissait de répondre à une demande de l’administration italienne (armée, police, gendarmerie, police municipale, pompiers…), qui voulait renouveler sa flotte de motos avec des véhicules simples et solides. Cela n’a pas empêché l’usine de proposer un modèle civil.

Une partie-cycle originale
Par rapport à l’ancien modèle, le Nuovo Falcone se distingue par plusieurs évolutions : un cadre tubulaire en acier au lieu du cadre mixte et tubes en tôle, un ensemble moteur/boîte monobloc, un allumage par dynamo, une première vitesse très courte, des suspensions plus modernes et en adéquation avec l’évolution de l’époque… Mais surtout, l’administration avait fixé des règles très strictes en matière de fiabilité, de consommation et de prix d’entretien.

Un vrai chameau
C’est pour cette raison que le Nuovo Falcone de Michel possède une autonomie de plus de 400 km, une quatrième vitesse presque bonne à tout faire, ne coûte presque rien à entretenir et se révèle d’une solidité à toute épreuve. Son faible taux de compression, par exemple, permet l’utilisation d’essence à très faible indice d’octanes, le filtrage de l’huile est assuré par une simple crépine, toute la carrosserie est en métal et donc réparable…
Pour la petite histoire, le fabricant de pots d’échappement Lafranconi produit encore aujourd’hui ce modèle à double sortie (mais on ne sait pas pour combien de temps encore), et on trouve en Italie beaucoup de spécialistes du Nuovo Falcone !
Construite en bleu pour les Carabinieri, en rouge pour les pompiers, en vert brillant pour la police, elle existe en beige sable en souvenir de l’époque colonialiste... Pas de quoi se vanter, mais c’est ce qui donne le petit zeste d’exotisme et d’unicité à la moto qui, comme vous pouvez le constater, est plutôt bien conservée par son propriétaire picard.

La plage, enfin.
Après une centaine de kilomètres, et entre deux averses, nous voici enfin à Dieppe. Ici, il y a la mer, les bateaux qui partent en Grande-Bretagne et, surtout, des restaurants proposant des moules frites. À l’apéro sur le port, les gens ne regardent que la vieille Guzzi, pas la V7. Allez savoir pourquoi, mais ça fait plaisir à toute la compagnie, y compris à Patrick et Jean-Pierre qui nous accompagnent avec leur Jeep. Tant d’années d’écart et une philosophie finalement pas si éloignée. Quarante ans plus tard, la V7 Classic reprend les codes visuels de ses illustres ancêtres pour offrir une machine propice à prendre les mêmes chemins de traverse que notre Nuovo Falcone.

Remerciements à Michel Herbert pour le prêt de sa Guzzi.

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