Intérêt politique

La perspective d’une baisse des vitesses a retenu l’intérêt du président du CNSR, le député socialiste Armand Jung. Comme elle avait retenu celle du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, durant l’été. Le rapport d’experts livré le 30 septembre explique que cette baisse de 10 km/h aurait pour incidence de sauver 450 vies chaque année. Ou alors, une économie de 200 vies si la vitesse était réduite seulement au niveau des zones dangereuses (là où un radar fixe est implanté). Mais le coût de la mesure devrait les en dissuader à l’entrée d’une année riche en échéances électorales.

Débat ouvert !

Alors, ils lancent le débat sans s’engager… Ce rapport devait rester confidentiel. Mais un des membres du CNSR a dû se charger de le faire « fuiter » dans la presse d’informations générales, qui a repris l’info en boucle le week-end du 5 octobre. Une manière de lancer le débat sur la place publique sans que l’idée ne soit émise par la voix d’un homme politique en vue… On imprègne les esprits, alors qu’aucune mesure n’est écrite, et on attend de voir les réactions.

Clivage

Sur un sujet aussi clivant, les avis sont tranchés. Les « pour », tenants d’une politique répressive en matière de sécurité routière, sont séduits par l’économie de vies. Économie qui, on le présume (nous n’avons pas lu un rapport qui n’a, étonnement, pas fuité jusqu’à Motomag !), est le résultat d’un calcul sur la base de statistiques ne prenant en compte que la « vitesse » comme déclencheur de l’accident de la route. Or, les chercheurs le savent, il n’est qu’un des multiples paramètres à l’origine de ces drames.

Pétition anti-réduction

Les « contre » se font également entendre : l’association 40 Millions d’Automobilistes a illico lancé un site web, www.nonalabaissedeslimitationsdevitesse.com, qui contient une pétition online pour les conducteurs mécontents désirant se faire entendre. « Les mesures visant à abaisser la vitesse maximale sur les routes obéissent à la pression des lobbies anti-voiture qui manquent de pragmatisme, souligne 40 MA. La vitesse, si elle est un facteur aggravant, n’est pas la principale responsable des accidents mortels. »

Contrainte et punition

La Fédération française des motards en colère (FFMC) dénonce l’inutilité répressive d’une telle mesure : « Les instances de la Sécurité routière continuent à imposer aux conducteurs une vision sécuritaire uniquement basée sur la contrainte et la punition », déplore la Fédé dans un communiqué de presse daté du 7 octobre.

Préparer les esprits

« La fuite de ce rapport ne sert qu’à préparer les esprits à l’acceptation d’une baisse des vitesses, en mettant le ministre de l’Intérieur et l’opinion publique devant le fait accompli, poursuit la FFMC. Ministre qui, in fine, prendra seul la décision, les experts et le CNSR ne faisant que des préconisations… De là à penser que cette fuite l’y aide… »

Poids-lourds

Et la FFMC de pointer du doigt les risques d’une telle option : « Ces experts en sécurité routière n’ont pas pris en compte les poids-lourds, déjà limités à 80 km/h sur le réseau secondaire. Si les véhicules légers roulent à la même vitesse, il n’y aura plus de différentiel avec les camions, sauf à réduire encore leur vitesse à eux aussi ? Pourquoi cela n’a t-il pas été pas pris en compte ? (…) Par cet oubli, ces "spécialistes" font fi des questions d’interdistances, de visibilité, d’anticipation… »

Chère répression…

Si le ministre de l’Intérieur en venait à prendre cette mesure, spectaculaire, il ne tiendrait pas compte de la dimension pédagogique que doit revêtir la sécurité routière. « En envisageant toujours plus de contraintes sur les usagers, on retarde l’adhésion de ceux-ci aux vrais enjeux (…) La contrainte appelle encore et toujours plus de contraintes », conclut la FFMC. Une contrainte au coût sociétal minimum de 51 M€. Exorbitant !

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