Avec les années, la chute du Mur, etc., l’Amicale n’a cessé de croître, au point de devenir l’un des clubs dédiés aux motos de l’Est parmi les plus actifs en Europe. Plus de 250 adhérents participent aujourd’hui aux activités du club. Certains membres ont rédigé des ouvrages techniques d’excellente qualité sur bon nombre de modèles, retracé l’histoire des marques et cultivé les anecdotes… Grâce à leur engouement, un marché de pièces détachés a vu le jour, et « retaper » une vieille MZ, une Jawa ou une CZ ne pose aucun problème.
Certes, bien des choses ont changé depuis la création du club. Aujourd’hui, les « collectionneurs » sont un peu plus nombreux que les rouleurs, et bon nombre de ces machines utilitaires trouvent leur place dans les salons. On est toutefois loin du prix de certaines motos anglaises ou italiennes de ces années-là, dont la cote approche l’indécence.

Rencontre avec Éric Morand, le président de l’Amicale MZ et des motos de l’Est

motomag.com : Éric, rouler en MZ ou avec une moto des anciens pays de l’Est ce n’est pas un peu anachronique ?
Éric Morand : Oui, c’est sûr, mais c’est une différence qu’on assume et dont on est fier. Dans un monde où tout va trop vite, où tout est jetable, rouler aujourd’hui avec une moto de l’Est est une façon de rejeter une certaine société de consommation qui nous rend de plus en plus incapables de trouver la juste équation entre nos envies et nos besoins. Ces motos sont conçues pour être réparées dans le moindre détail, il n’y a pratiquement pas de plastique ni d’électronique, et tout est pensé pour être pratique… Sur une Jawa 350 par exemple, le deuxième point mort (entre la 3e et la 4e) sert à couper le moteur en descente pour économiser de l’essence. On est loin des usines à gaz actuelles qui vous obligent à passer par un logiciel hyper sophistiqué enfin de régler le mélange de votre alimentation ou diagnostiquer un tout petit dysfonctionnement. Presque tous les propriétaires de motos de l’Est ont des connaissances mécaniques de base, et souvent c’est eux-mêmes qui restaurent ou réparent leurs motos. C’est une autre approche de la pratique.

motomag.com : Restaurer une moto de l’Est coûte cher ?
É. M. : Non pas du tout. À l’achat, selon les modèles et l’état de la moto, cela coûte entre 200 et 1500 euros. Pour MZ par exemple, il existe des revendeurs de pièces partout en Europe, et les pièces coûtent trois fois rien. Un vilebrequin complet de MZ 250 TS coûte environ 190 euros, un rétroviseur 10 euros, une culasse complète moins de 80 euros et un roulement de direction SKF autour de 8 euros. Il faut juste faire attention à la qualité car selon le pays de fabrication (Allemagne, République tchèque, Turquie et Chine), il y a des grosses différences. Nous offrons à tous les membres de notre club une assistance technique, avec des conseils ou en mettant à disposition des ouvrages. Le forum de notre site est aussi un lieu d’échanges.

motomag.com : Parle-nous des gens de l’Amicale. Sont-ils des nostalgiques des régimes communistes ?
É. M. : Non, ce sont des gens qui viennent de tous horizons, qui aiment partager les valeurs liées à l’histoire de ces motos. Peu importe la tendance politique de chacun ou leur milieu socioprofessionnel, tous formulent, avec leur passion pour ces machines, un certain rejet de la société consumériste à tout-va. S’il fallait dégager une valeur essentielle au sein des membres de l’Amicale, c’est certainement l’humain qui l’emporterait, et de loin. Cela dit, tu sais, dans les rencontres, on parle aussi de ces anciens pays et du communisme. Beaucoup d’entre nous ont visité ces pays pour une raison ou une autre, et il s’en dégage parfois des discussions animées. Pour ma part, j’ai rencontré des gens nostalgiques des conditions de vie d’antan. Des ouvriers de l’usine MZ m’ont parlé de la parité entre hommes et femmes au travail…

motomag.com : À quoi peut se résumer la pratique des membres de l’Amicale ?
É. M. : Il y a de tout, de la compétition au voyage, en passant par la balade du dimanche sur des petites routes de campagne. Personnellement, j’ai une 125 CZ type 984 de 1969 achetée récemment en République tchèque, avec laquelle je m’amuse à participer à des manifestations d’anciennes sur circuit. Elle est animée par le moteur cross de la marque qui développe 25 ch à 9000 tr/min et elle est capable d’un bon 170 km/h. D’autres, souvent avec des MZ ETS, ont parcouru des pays comme la Turquie ou « affronté » l’Afrique. Mais la grande majorité se sert de ces motos pour de petits trajets de loisir et souvent en famille quand il s’agit d’un side-car.
Il ne faut pas oublier non plus tous ceux et celles qui aiment restaurer des machines et qui prennent leur pied à l’atelier.

motomag.com : Les MZ sont majoritaires ?
É. M. : Oui, avec les Jawa et les CZ. On a fait une petite enquête au sein de l’Amicale : en moyenne, chaque membre possède six machines ! Il y a des Simson, des Minsk, Pdes anonia, des AWO, des Csepel, des Dniepr, des WSK… Ceci tient au fait que lorsqu’on trouve une moto d’occasion, cela reste toujours accessible, autant à l’achat qu’à la reconstruction. En France, la cote de ces motos reste assez basse, et des collectionneurs allemands s’intéressent de plus en plus aux petites annonces françaises.

motomag.com : Une grande majorité de vos motos possèdent des moteurs deux-temps ; qu’en est-il de la conscience écologique à l’Amicale ?
É. M. : Je comprends et j’approuve la tendance actuelle à s’intéresser à un monde meilleur. Mais au fait, c’est quoi l’écologie ? Un truc pour les riches qui peuvent se payer des motos chères ? Faut-il effacer l’histoire pour acquérir une bonne conscience ? Notre démarche est très écologique en soi car chez nous on ne jette pas, mais on recycle, on répare… et l’on contribue à préserver un patrimoine ! L’ensemble des membres de l’Amicale ne parcourt pas plus de 20.000 km en une année. Alors, pourquoi personne ne pose cette question aux compagnies aériennes ?

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