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Fred Krugger : moto d’exeption Fred Krugger : freins d’excellence Fred Krugger : tableau de bord Fred Krugger : motorisation Buell Krugger, créateur pour motard : la Speedbowl

Sur le marbre, à l’état de « rolling chassis », ou « moto montée à blanc », comme il l’explique, une machine baptisée Overmile en référence au dirt-track. C’est une nouvelle « carte blanche » confiée par un client. Autrement dit, celui-ci fantasme et Fred donne corps – et âme – à son rêve. En parallèle, il travaille à un projet de moto réglable en partie-cycle, animée par un moteur de V-Rod. Là encore, il s’agit d’un exercice de style à sa façon, mais destiné cette fois à valoriser un brevet technique déposé par un autre client. Frédéric Bertrand pour l’état civil, Fred explique son nom d’artiste : « Un ingénieur Harley-Davidson des débuts s’appelait Krueger. J’ai repris ce nom en référence pour les initiés et parce qu’aux états-Unis, tout ce qui a une consonance germanique est synonyme de qualité mécanique. Or, comme je travaille sur des bases Harley… » Dont acte.

Artisan pilote. Double champion de Belgique d’enduro dans les années 80, puis pilote de rallye sur 4 roues et instructeur à Spa-Francorchamps, Fred sait ce que rouler veut dire. Après une formation de carrossier, il a créé son atelier en 2002. « Ma démarche consiste à réinterpréter le passé pour le commémorer, explique-t-il. Je ne conçois pas de rouler sur la même machine que les autres. Quand tu y mets ta sueur, ça change tout. Ce qui me plaît, c’est de faire une moto qui pourrait être sortie de l’usine telle quelle à l’époque. Je réalise deux motos complètes par an, avec un minimum de 800 heures de travail sur chacune. C’est comme ça que j’aime travailler, je ne changerai pas. Mes clients sont des gens “aisés”, mais qui bénéficient d’une bonne culture deux-roues. Sinon, ils iraient ailleurs. Ils veulent une œuvre mécanique à part, avec laquelle ils peuvent rouler. » Avec un père spécialisé dans les constructions métalliques et une mère dessinatrice industrielle, on pourrait voir en Fred un enfant de la balle. Mais il réfute l’explication : « J’aime bien le design en général – l’architecture, le mobilier. »

De fait, cet autodidacte a appris à tout faire par lui-même sur ses machines : « Il n’y a que le paint stripping et les jantes que je sous-traite », résume-t-il.
L’une de ses réalisations les plus emblématiques est cette splendide Goodwood, mélange de streamliner et de Norton Manx, animée par un moteur Buell. Spécialiste des créations motorisées par un V-twin Harley-Davidson ou S&S, Fred Krugger a cette fois choisi une mécanique proche, celle de la Buell XB9R Firebolt, pour équiper sa Goodwood : « Le concept – du nom d’un circuit anglais – est constitué de plusieurs idées. Au départ, je voulais construire un café racer, mais je n’avais pas trouvé l’idée esthétique. Je me suis dit alors que je “mixerais” avec un streamliner (Ndlr : un véhicule surbaissé à la ligne aérodynamique) pour ramener les masses sur les roues. J’ai donc imaginé un croisement entre une Norton Manx et un “stream”. Je voulais aussi montrer aux Ricains que l’on peut faire une moto esthétique et rapide, d’où l’idée de s’engager à Bonneville, sur le Lac Salé, avec un 220 km/h à la clef. » Pas mal pour un exercice de style à moteur culbuté ! C’était en septembre 2007. « Un mois après avoir piloté cette moto à Bonneville, j’ai d’ailleurs remporté l’Artistry in Iron à Las Vegas pour le design. »

Moderne centaure. Pour les besoins de la photo, nous partons faire rouler la Goodwood. La vision de Fred couché dans son engin sur les routes de sa région, entre fermes, poules et châteaux, a quelque chose de surréaliste. Une Goodwood dans les Ardennes, ça a de la gueule ! Quel doux dingue, ce Fred… Sur la photo prise au Lac Salé, on lui découvre un look à la Alien – en combinaison, intégré à sa moto, menton calé sur le réservoir. Création d’un moderne centaure, la Goodwood exalte l’union biomorphe de l’homme et de la machine. Fred commente cette expérience américaine : « Bonneville, c’est un chouette milieu où personne ne se prend la tête. La réflexion est d’ailleurs valable pour les Américains en général. Le Lac Salé, c’est quand même très particulier comme terrain de pilotage. Il faut 10 m de largeur pour aller à peu près droit. Si la roue plonge dans une ornière, on est immédiatement déporté. » Pas évident dans ces conditions de taper un 220 km/h couché sur un engin alors qu’on fonce sans visibilité, casque vissé dans la bulle. Comme quoi, ça sert d’être pilote ! Fred, peu fanfaron, reprend sur son travail : « J’essaie de produire 2 à 3 motos à partir d’une même base. La base Harley est plus médiatique dans mon milieu, mais je travaillerais bien sur un café racer à base de KTM LC8 ou d’une Ducati refroidie par air. Une base Ducati, ce serait facilement vendable en Italie, si j’avais le temps. »

Le temps... Une obsession pour cet artisan solitaire qui gère tout, tout seul : « Je travaille avec un an et demi d’avance. La moto réglable, par exemple, sera prête au milieu de l’année prochaine. Je m’occupe de deux machines en alternance, par phases complètes, pour me rafraîchir les idées et réfléchir aux évolutions. Et il y a beaucoup de détails à soigner. En fonction de son pays d’origine, l’homologation par exemple est à la charge du client, mais je lui prépare le kit. Et puis je prends aussi deux à trois semaines de fiabilisation pour rouler et tout vérifier. » Quand on lui demande quels sont les collègues qui rencontrent son approbation, Fred cite le Canadien William Goldammer, l’Américain Roland Sands et le Français Bertrand Dubet : « C’est le meilleur chez vous. J’aime bien Lazareth aussi. Et parmi les motos, la Wakan, un beau custom à tendance sportive. » Dans les machines actuelles, il évoque la Triumph Street Triple (« c’est pas cher et ça marche ! »), la Ducati 916 et la KTM RC8 : « C’est beau, c’est différent. Ils ont pris des risques, mais on s’en lassera peut-être vite. » S’il ne court plus en enduro et évite les sportives « qui font rouler trop fort » dans sa région – un haut lieu du rallye routier et donc des routes
à risques –, Fred s’est quand même monté un Sportster à boîte 4 de 1988 supermotardisé. « C’est une véritable étagère roulante, explique-t-il. Je suis pote avec le team Alstare à Liège, ils me passent des pièces ! » À son guidon, il a participé à l’édition belge du Dark Dog Tour, en avril. On ne se refait pas… « J’ai également une vieille Golf pour taxer les gars en Subaru », rigole-t-il. Sous l’humour chambreur, on sent l’assurance de l’ancien champion qui en a gardé sous la semelle.

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