Formation moto post-permis AFDM : savoir se remettre en question
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Formation moto post-permis AFDM : savoir se remettre en question
Des années de conduite, un Code de la route qui évolue, de nouveaux panneaux, des routes dégradées, une formation initiale de mauvaise qualité… bref, il est souvent utile de se remettre en question lorsque l’on conduit un deux-roues motorisé. Nous avons suivi un stage post-permis dispensé part l’Association pour la formation des motards pour nous en rendre compte. Portraits.
Ils sont huit motards à se présenter, en ce vendredi 27 novembre 2010, dans le hall de l’hôtel au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis (93). Frédéric, Clémence, Philippe, Éric(s), Michel, Rodolphe et Patrick ont décidé de suivre une formation post-permis dispensée par l’Association de formation des motards (AFDM), issue de la Fédération française des motards en colère (FFMC).
« On ne fera pas de folie sous la pluie, précise sous le ton de l’humour Martin Salvagnac, le président national de l’association. On restera sur des exercices où la moto reste debout… » Pendant deux jours (lire aussi Moto Magazine 276 – avril 2011 – page 112), ils vont enchaîner les exercices théoriques en salle et pratiques sur piste. Le week-end se terminera par une balade de près de 200 kilomètres, sur les routes de Seine-et-Marne (77). Tout un programme !
PORTRAITS DE STAGIAIRES
Frédéric roule en Kawasaki Versys 650. Il a passé son permis en 81. C’est l’achat d’une nouvelle moto, un peu plus moderne de ce qu’il a eu qu’il l’a décidé à venir.
« Je fais de la moto depuis longtemps, et avec les années les réflexes diminuent. J’ai choisi le stage en fonction de la réputation de l’AFDM. Je ne regrette pas. Les exercices sont un peu durs, il faut s’appliquer, je pense faire quelques progrès mais cela demande de la concentration, des efforts. Lors du stage j’ai découvert toutes les mauvaises habitudes qui se sont accumulées tout au long des années et qui sont très difficiles à oublier. Le plus dur pour moi, c’est d’utiliser le frein arrière parce que j’ai vraiment l’habitude d’utiliser que l’avant. C’est vraiment quelque chose qu’il faut que je travaille en dehors du stage. C’est peut-être le plus facile à faire, entre guillemets, mais lorsque l’on fait le contraire depuis des années, c’est très dur de changer. »
Éric est venu avec sa Ducati 848. Fan de moto, il fait aussi un peu de circuit en tant normal. Il avoue être venu sur le stage pour la réduction de prime de l’Assurance mutuelle des motards.
« Je suis venu chercher un peu plus de maîtrise et très honnêtement un peu de ristourne à l’AMDM. Cela a été le facteur décidant après je me suis dit qu’un stage, c’est toujours bon à prendre. Eh bien j’avais raison, parce que j’ai fait des trucs invraisemblables que je ne pensais pas pouvoir faire avec ma moto ! Je pensais la maîtriser, mais faire des acrobaties dessus, jamais je l’aurais imaginé. À chaque début d’exercice, notamment ceux les plus démonstratifs, on se dit que l’on va pas y arriver. On se dit : "mais ils sont fou !", mais finalement cela se fait très bien, l’encadrement est parfait. Et finalement c’est très positif. »
Patrick, 50 ans, mais jeune permis, roule en BMW 1150. Il aborde la moto avec philosophie.
« J’avais un rapport de force avec ma moto. J’avais un petit peu peur. Pour moi c’était un engin qu’il fallait maîtriser, presque au sens domination. Je prendrais l’image du jardin. Soit tu luttes contre et tu ne t’en sors jamais, les mauvaises herbes sont plus fortes que toi, soit tu arrives à le comprendre suffisamment pour jouer avec. C’est un peu cela que je ressens. Pour arriver à jouer avec, il faut faire tomber le stress. Je dirais qu’il faut un peu entrer en relation avec la machine. J’étais en opposition avec la machine et le stage me permet de rentrer en relation. J’ai moins d’angoisse. J’ai une pratique plus souple de la moto et une augmentation de mon périmètre moto. Il faut dire que je suis marié avec une femme qui est médecin et qui par le passé a fait du soin urgentiste. Et des personnes en deux-roues, elle en a vu un paquet. C’est elle qui ma fortement invité à faire le stage. Ce qui allait aussi de pair avec mon âge, car on devient sage à 50 piges. À une certaine époque je n’aurais pas pu avoir un engin de ce type. J’étais trop fougueux et, surtout, j’avais des bulles d’air dans la tête. »
Philippe est venu avec la Kawasaki ZX-12 R d’un ami, la sienne étant en panne. Mais pas de problème pour lui, grâce à longue expérience moto (TT et route), il se sortira haut-la-main des exercices. À noter que Philippe fait aussi partie des essayeurs conso de Moto Magazine.
« J’aurais préféré le faire avec ma moto mais ceci dit, cela m’apporte aussi beaucoup de chose. Ce que je retiendrai c’est la notion de contre-braquage sur les exercices à basse vitesse. Et c’est franchement efficace sur une moto avec des bracelets comme la ZZR. L’autre point, c’est au niveau du freinage. J’ai encore vachement de mal à fixer mon regard au loin, j’ai tendance à regarder devant ma fourche. Mais après avoir fait l’exercice 5 ou 6 fois, j’ai fini par m’améliorer grâce à cette notion de regard que j’ignorais complètement. Pour moi, le stage c’était de revoir les basiques de la moto. L’idée ce n’est pas la vitesse, ce n’est pas la performance mais vraiment la sécurité et la maîtrise. »
Frédéric roule en BMW 1150. Même s’il y estime avoir une pratique sûre au quotidien, il a estimé le besoin faire le stage pour se rassurer.
« Cela fait trente ans à peu près que je conduis. Il m’est arrivé de me faire peur sur la route et je me posais des questions sur ma façon de réagir face à l’imprévu. Le but de faire le stage était pour moi d’avoir un petit peu plus de marge de sécurité lorsque que je conduis. Je conduis avant tout pour le plaisir. Je ne voudrais pas que cela cesse en ayant un jour peur et plus envie de rouler. Je pense avoir acquis quelques réflexes me permettant vraiment d’expertiser une situation et d’avoir les bons gestes aux bons moments. »
Pierre Nicolas est animateur bénévole à l’AFDM Ile-de-France. Il a fait son stage AFDM en 2005. Celui-ci lui a donné envie d’intégrer, par la suite, la police nationale en tant que motard.
« Le stage AFDM m’a bien aidé à l’époque, car j’avais en projet d’entrer dans la police nationale en tant que motocycliste. Je me suis impliqué dans l’association et j’ai profité des entraînements jusqu’au moment où je me suis senti prêt, et j’ai fait une demande pour entrer dans la police. Les différents exercices de maniabilité m’ont aidé à dépasser mes craintes, et j’ai acquis beaucoup plus d’assurance. Mais attention, les techniques AFDM que nous proposons ne sont pas forcément les mêmes employées par la police nationale. Tout simplement parce que ce n’est pas le même but. À l’AFDM, on est dans un cadre où l’on recherche la sécurité, conduire avec plaisir, balade sérénité. Ce n’est pas du tout l’objectif de la police qui cherche à former des motocyclistes pour aller plus vite, avec certaines prises de risque et des missions bien particulières. À la limite, on oublie complètement la gestion de la moto au détriment de la concentration sur le travail à faire. On n’est pas du tout dans la même optique. »
Christophe est animateur bénévole à l’AFDM Ile-de-France depuis quatre ans. Il n’est pas venu par hasard. « Je suis venu à l’AFDM, il y a quatre ans, et cela m’a tellement plu que j’y suis resté. C’est un choix que j’ai fait après de longues années de pratique à moto. Je sentais bien qu’il y avait des choses qui n’allait pas. Cela s’est aggravé après une interruption d’à peu près 10 ans de moto. Je me suis dit, "je n’étais déjà pas bon avant et là je suis vraiment mauvais". Il y a donc quelque chose à faire et en regardant les offres de stages, j’ai vite compris que ce ne serait certainement pas en suivant un stage piste ou circuit que j’allais trouver ce que je cherchais. Pour devenir animateur, il faut déjà avoir suivi un stage AFDM. Ensuite on participe aux stages d’entraînement, on s’implique dans l’association. On progresse et l’on continue à progresser tous les jours. »
Le professionnel
Thierry Pesme assure le rôle du « pro » du stage. Moniteur en auto-école, il apporte la caution à la formation. Il fait partie de l’AFDM depuis l’année 2000. Il n’a pas hésité à se remettre en question.
« Cela fait 10 que je file un coup de main en tant que professionnel à l’AFDM. C’est toujours un bonheur de voir les gens motivés, aussi bien les bénévoles que les stagiaires, lorsque je viens sur un stage. C’est vraiment des moments intenses. Quand je vois les stagiaires arriver et et que je constate qu’ils ne maîtrisent pas trop la conduite, je suis content d’être là. En général, j’ai un langage sécurité qui passe bien et logiquement va leur apporter des trucs pour se sortir de situations délicates. À la fin du stage, chaque stagiaire repartira avec plein de choses qu’ils mettront en pratique par la suite ou pas. Cela dépendra de leur envie de continuer à évoluer. Dans tous les cas, et peu importe son niveau, il faut pratiquer ce genre d’exercice, il ne faut pas arrêter. Moi-même, lorsque j’ai suivi ce stage en 1999, pour être moto école reconnu AFDM, il a fallu que j’enlève quelques mauvaises habitudes, que je m’investisse à fond dans les techniques que j’allais par la suite enseigner à mes élèves. Il faut le pratiquer pour que cela devienne automatique. Mais même depuis 10 ans que je pratique ces exercices, je ne peux pas dire que demain, si j’ai à gérer une situation d’urgence, je vais bien réagir. Mais au moins j’aurais déjà les bonnes billes. La moto, c’est une remise en question en permanence. »