Comparatifs

Les moteurs de ces hypersportives sont en effet de plus en plus « sous contrôle » via des systèmes de gestion électronique. Sur la nouvelle Kawasaki, c’est un module de régulation de l’accélération (KIMS) qui veille à ce que le pilote n’ouvre pas les gaz de façon inopinée. Chez Suzuki, c’est au conducteur qu’on laisse le libre choix du mode de gestion moteur (S-DMS), par le biais d’un sélecteur accessible au guidon actionnable à tout moment. Dans un cas comme dans l’autre, ces coquetteries montrent leur bien-fondé en version libre, surtout quand les 185 ch débarquent brutalement sur la roue arrière. Mais en 100 ch ?

Telle est la question à laquelle ce test routier doit répondre. Chez Honda, seul l’amortisseur de direction est finalement asservi électroniquement. Ce qui n’a pas empêché les sorciers du département moteur de rajouter une poignée de pur-sang dans les cylindres (13 chevaux en full) de leur dernière-née. Mais c’est surtout l’esthétique qui a évolué. Cette CBR arbore ainsi une nouvelle robe tout en rondeurs avec un bâti arrière ultra-fin et des logos en relief. La classe ! Kawasaki n’a pas échappé au remodelage du carénage : la version 2008 est nettement plus agressive que la précédente. Ultime constat : la mode des échappements hauts a vécu. Ces deux motos adoptent désormais un 4 en 1, très discret chez Honda, moins chez Kawa… Quant à la GSX-R, elle a troqué l’an passé son silencieux triangulaire unique pour deux sorties, comme sur les anciennes 1100 cm3.

Prise en main : Kawa première.

Nez au vent sur ce petit bout d’autoroute qui nous mène à Orange (Drôme), nous fuyons les nuages et leurs très probables déchaînements de grêle et de pluie. Au guidon de la Honda, la situation est du genre… exposée. Si la position de conduite est satisfaisante, sa petite bulle et ses flancs menus offrent un abri assez rudimentaire. Ajoutez à cela des rétros trop courts et d’énervantes vibrations dans les mains (autour des 5 000 tr/min, soit 130 km/h) et la voilà reléguée illico sur la troisième marche du podium sur ce type de trajet. Devant, la Suzuki offre un bon confort de selle et des suspensions relativement souples qui amortissent correctement les petites bosses. La protection des jambes est bonne et l’on prend presque plaisir à voir défiler les bornes kilométriques. Seuls des fourmillements dans les mains et les pieds viennent gâcher la fête.
La (bonne) surprise vient de la ZX-10R. D’entrée, on se sent bien à son guidon, la position basse des demi-guidons et la distance selle-repose-pieds honorable vous mettent à couvert derrière une bulle bombée. Des flancs latéraux assez protecteurs et des rétros géniaux (« pour caravane », dixit Stéphane) achèvent de transformer cette sportive… en une vraie routière. Enfin presque. Car loger ses bagages à l’arrière tient du casse-tête chinois. Heureusement, son réservoir (comme celui de la Suz’) est en acier et accepte des sacoches magnétiques.

Moteur : 100 ch = 117 ch ?

Par rapport à notre incursion sur circuit (voir par ailleurs notre encadré), l’essai routier remet, comme on dit, les pendules à l’heure. Si Mirval nous a permis d’exploiter pleinement la plage supérieure des compte-tours, dans ce deuxième acte, les bas et moyens régimes prennent un rôle prédominant. Et c’est la ZX-10R qui en fait les frais. Souffrant d’une injection un peu longue à la détente, provoquant un temps de retard à chaque accélération, l’affaire tourne au calvaire, et voilà que l’on se retrouve coincé derrière une camionnette fumante pendant cinq kilomètres pour cause de ligne blanche. Phénomène aggravant, son quatre-cylindres est peu expressif à bas régime. Il n’en faut pas plus pour prétexter une envie pressante et provoquer arrêt et donc changement de monture. Gagné ! Mes compagnons de route n’y ont vu que du feu et je me retrouve au guidon de la CBR 1000 RR. Une bonne pioche, assurément. Vif et plein à bas et moyen régime, ce quatre-cylindres est un bonheur de docilité aux régimes usuels, d’autant que sa sonorité rauque s’harmonise à merveille avec l’ambiance sportive qui règne au guidon. Bien installé, on se laisse ainsi bercer par les vocalises de la valve d’échappement qui s’ouvre et se ferme entre 3 000 et 4 000 tr/min, libérant à chaque fois une légère et plaisante poignée de décibels. On souhaiterait presque que ce train-train routier à basse vitesse s’éternise ! Sentiment partagé par le pilote de la Suzuki qui profite d’un quatre-cylindres très volontaire, et d’un agrément incomparable sur un parcours routier. Une fougue que l’on doit toutefois tempérer, eu égard à la puissance généreuse constatée au banc : 117 ch. Facile !

Le trafic s’éclaircit. Épingles à cheveux et courbes plus prononcées prennent maintenant le relais, obligeant à jouer du sélecteur. Les aiguilles des compte-tours jouent les métronomes en mode presto. Dans ces conditions, la Kawa et la Suzuki imposent leur tempo avec des bouilleurs très expressifs sur ces régimes plus élevés, la Honda marquant légèrement le pas à partir de 7 000 tr/min du fait d’un bridage un peu moins réussi. Malgré une sévère réduction de la puissance, les relances offertes par nos trois bolides sont quand même stupéfiantes et ont tôt fait de vous faire franchir les bornes réglementaires. Il apparaît dès lors que les systèmes KIMS et S-DMS perdent nettement de leur intérêt. Ainsi, on n’utilise jamais les modes de gestion moteur proposés par la Suz’ ; quant au modérateur électronique de la Kawa, il n’est guère plus sollicité. Difficile, donc, de trouver une justification à ces évolutions coûteuses, du moins dans le cadre de la loi « 100 ch ».

Comportement : du passé faisons table rase.

Il y a encore deux ans, on aurait juré sans rougir que les châssis des hypersportives avaient atteint la perfection ou presque. Il faut croire que non. En témoignent la Honda et la Kawasaki. La démonstration s’en trouvera faite via une grosse saignée placée en travers d’un long virage à droite, sur la départementale 94 entre Nyons et Serres. Une formalité pour les deux nouveautés qui avalent la difficulté plus sereinement, grâce à un accord parfait du duo suspensions-amortisseurs de direction (électronique sur la Honda, mécanique sur la Kawa). Au guidon de la Suzuki, il n’en est pas de même. Le pilote se trouve confronté à un guidonnage certes bref mais violent. Malgré le frein de direction électronique, la moto hésite un moment avant de conserver la trajectoire.

Virages après virages, la CBR se montre finalement la plus homogène et la plus facile. Fidèle à ses habitudes, Honda a misé sur une prise en main aisée et investi dans des suspensions de qualité qui absorbent bien les déformations tout en offrant une parfaite tenue de cap. Derrière, la Kawa joue la carte de la radicalité avec des suspensions très fermes et une position très basculée sur l’avant. Une option qui demande beaucoup plus de bras dans les enchaînements de courbes. En revanche, la « verte » tient son cap sans jamais se désunir. Rassurant. On l’aura compris : la GSX-R ferme la marche, surtout quand le rythme s’accélère. En cause, un poids plus important que ses rivales (210 kg contre 198 pour la CBR) et les réglages d’origine des amortisseurs qui privilégient le confort. La moto bouge donc davantage que ses concurrentes sur les plis ou dans les longues courbes. Heureusement, elle se laisse facilement mener par les demi-guidons, un atout quand la balade privilégie relief et petites départementales. Quant au freinage, celui de la CBR se distingue encore avec un système simple d’emploi, précis et diablement puissant. Derrière, la Kawa et la Suz’ font aussi dans le sérieux, mais le confort à la prise du levier est en retrait.

Verdict

Eu égard aux prestations typées de chacune de nos protagonistes, il apparaîtrait plus juste de distribuer des « prix spéciaux du jury » plutôt qu’une seule et unique palme. La Kawasaki excelle en effet sur circuit avec une radicalité affirmée, quand la Honda étonne sur route avec une partie-cycle qui allie sérieux et facilité, la Suzuki faisant de son côté le break avec un 4-cylindres plein et rageur. Côté tarif, en outre, 300 euros seulement séparent la plus chère (Honda) de la plus « économique » (Suzuki) ; quant aux fréquences des révisions, elles sont identiques : tous les 6 000 km. En y regardant de plus près pourtant, difficile de passer outre la finition médiocre dont hérite la ZX-10R. À l’issue de notre périple de 1 800 km, les plastiques de la coque arrière se chevauchent et la selle passager ballote dans son logement. Et si on ajoute à cela une radicalité peu amène sur route, la place de la « verte » est plutôt troisième. La Suzuki la devance, pour sa finition et ses aspects pratiques bien plus nombreux que ses rivales (crochets d’arrimage, place sous la selle pour emporter un U) et bien sûr, son moteur en dépit d’un comportement routier moins rigoureux que ses petits camarades.

And the winner is… la CBR. Fine, légère et facile d’emploi, elle offre en sus une excellente finition, un atout non négligeable considérant qu’une sportive est aussi un objet d’exception. Et tant pis si le bridage est encore perfectible et si son moteur est un peu moins démonstratif que celui de ses camarades de jeu. Son nouveau look, lui, nous a fait craquer.

Avec la participation de Cyril Guillemin et Stéphane Fratti.

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