Comparatifs

Malgré un « relookage » cette année, le poids des ans se fait sentir, surtout face à ses concurrentes du jour. Sa ligne générale est un peu lourde et certains éléments, comme le silencieux d’échappement, semblent avoir été piochés dans un vieux stock oublié. Quant au coloris de notre modèle d’essai, il laisse Sylvie dubitative : « C’est d’origine ou c’est une peinture tuning ? » Vous jugerez.

Celle qui attire les regards, c’est incontestablement la Yamaha. Son style frappe juste et tout le monde tourne autour, la touche du bout des doigts. Les commentaires vont bon train. Elle fait très moderne avec son cadre en aluminium coulé, sa fourche inversée couleur or surmontée d’un « drag bar » en guise de guidon et son échappement court « piqué sur un scooter Majesty », dixit Éric… Mais rien qu’en la détaillant, on se rend vite compte que le côté polyvalent de la Fazer originelle en a pris un coup… Selle sport, énorme pneu arrière (190-50-17) lové dans un bras oscillant digne du service course Yamaha, coque affinée sur l’arrière et réservoir ventru à la contenance réduite… À voir sur route.
« Hé, il y a aussi une Honda garée à côté ! » C’est vrai qu’elle est discrète, la CBF, surtout dans sa livrée noire qui lui donne une certaine classe. Le centre de design Honda ne s’est manifestement pas lâché sur ce coup mais la clientèle de cette moto saura apprécier sa sobriété.

Prise en main : adaptation bilatérale

La Suzuki et la Honda proposent, en série, une selle réglable en hauteur, sur trois positions pour la CBF et deux pour la Bandit (voir Fiche technique). La Honda y ajoute un réglage du guidon et de la bulle, un réel plus pour adapter la moto à sa morphologie et aux conditions météo. Rien de réglable sur la Yam’, c’est à vous de vous adapter à la belle mais sa hauteur de selle est raisonnable. C’est la Honda qui est la plus conviviale au milieu de la circulation grâce à une position naturelle, un rayon de braquage correct et une souplesse moteur-transmission agréable. La Suzuki suit le mouvement, bien aidée par un moteur capable de rouler au ralenti sans hoqueter ni caler, même s’il « vibrouille » dans les repose-pieds et le guidon, sans que cela gêne vraiment, toutefois. Malgré son poids tous pleins faits moins important que celui de la Honda, elle donne l’impression d’être plus lourde lors des slaloms entre les voitures au pas. Il y a bien longtemps que la Yamaha est partie devant… Malgré une position radicale style roadster, jambes pliées et écartées par le réservoir large, buste en avant pour agripper le beau guidon, rouler en ville est un plaisir. Cette Fazer n’est pas la plus pratique, mais sa légèreté et sa maniabilité servent un moteur vif, sans inertie, qui jappe à la moindre rotation du caoutchouc droit. On se met à déboîter juste pour le plaisir. Attention à ne pas se laisser griser par son côté canaille…

Sortis de la tentaculaire circulation francilienne, 250 kilomètres d’autoroute sous une pluie drue nous ont apporté de riches enseignements… À chaque arrêt, tout le monde reluque la Honda et trouve une excuse (souvent fantaisiste…) pour prendre son guidon. C’est celle qui offre la meilleure protection, son carénage assez large et la bulle en position haute limite les projections d’eau sur le haut du corps et sur la visière. Pratique pour la visibilité, et donc pour la sécurité. Son moteur ne vibre pas aux régimes usuels de croisière, ce qui ajoute au confort général. La Bandit n’est pas terrible sur ce terrain (humide…), la largeur du carénage est correcte mais la bulle bien trop basse pour espérer dévier les éléments ; avec une bulle haute, tout devrait s’arranger. Toutefois, les tibias et les pieds sont moins exposés que sur la Honda, en partie grâce à la largeur du bloc et à la forme des carters moteur. Finalement, on en vient presque à oublier la pluie tant le moteur distille de désagréables vibrations entre 4 000 et 5 000 tr/min, soit de 115 à 135 km/h. Il faut donc rouler « un peu » au-dessus des limitations de vitesse pour y échapper.

Pauvre Fazer, sur ce coup, elle écope du bonnet d’âne… Sa bulle « au carré » n’est plus très efficace au-delà de 130 km, les jambes écartées par la forme du réservoir ne bénéficient d’aucune protection et la roue arrière vous repeint le dos à cause d’une bavette arrière aussi belle qu’inefficace. Des vêtements de pluie haut de gamme sont à prévoir !

Moteur : le pire côtoie le meilleur

Malgré son architecture comparable, chaque mécanique offre une personnalité bien marquée où le pire côtoie le meilleur… Amateurs de moteurs « à l’ancienne », jetez-vous sur la Bandit. Ce n’est pas le meilleur côté reprises (voir mesures en dernières pages) mais c’est celui qui donne le plus l’impression de vous tirer sur les bras à bas régimes, accompagné de vibrations (pour le coup agréables) et de bruits mécaniques divers. Il délivre son couple maxi à 4 000 tr/min et le garde jusqu’à 7 000 tr/min. Une belle réserve sur une grande plage de régime. Passé la zone de couple, il reste 1 500 tours pour accrocher la (coquette) puissance maxi de 112 chevaux (au vilebrequin). C’est le genre de moteur qui plaira aux aficionados de la première moitié du compte-tours…

Pour les autres, les accros des montées en régimes rapides, des moteurs sans inertie à la réponse instantanée à la mise de gaz, le bloc Yamaha devrait être parfait… jusqu’à 8 500 tr/min ! Oubliez la zone rouge placée 4 000 tours plus haut. Elle est faite pour nos voisins européens à la législation moins rétrograde… Le bridage est un véritable frein (une fois de plus) au plaisir que peut procurer ce type de moteur, dont la raison d’être est d’offrir des montées en régime rapides (bloc issu de la R1 oblige). Heureusement, il se défend plutôt bien à partir de 3 000 tr/min et offre une courbe de puissance linéaire, sans aucun « trou » et ce jusqu’à 8 500 tr/min. C’est aussi le plus plaisant par le son de son échappement, sec, rageur, bref, bien sportif.

Mais le moteur le plus efficace, c’est la CBF qui en hérite. Conçu dès le départ en 100 chevaux par les ingénieurs, il offre un couple équivalent au moteur Suzuki à 6 500 tr/min malgré sa cylindrée inférieure et « colle » à la Yamaha 1 m.kg de couple 1 500 tr/min plus bas ! Lors des reprises de 50 à 90 km/h, il met tout le monde d’accord et cela se ressent à la conduite dès la moindre ouverture des gaz. C’est bien du Honda, efficace mais pas assez démonstratif. Une sonorité un peu plus virile n’aurait pas non plus nui…

Comportement : de bien à très très bien.

Sur la départementale D520 aux courbes parfaites reliant Montsauche-Les Settons à Château-Chinon dans le Morvan, la Yamaha excelle en précision. Elle se place là où l’on pose le regard, sans forcer, garde sa trajectoire sur l’angle et donne de l’assurance à son pilote. « Je n’irais pas plus vite avec une supersport », lâche François. Les suspensions fermes sont de précieuses alliées, tant que la route est lisse. La moindre imperfection de la route remonte en effet directement dans les reins. Mais on lui pardonne, tant le plaisir distillé dans ces conditions de roulage est grand. La Honda suit avec quelques longueurs de retard. Mais son comportement neutre et précis, associé à un accord de suspensions performant, permet d’enrouler à bonne allure avec fluidité tout en ayant l’impression de ne pas forcer… Bien agréable, au final.

La Suzuki est un peu à la peine, à cause surtout d’une direction peu précise en entrée de courbe qui donne l’impression de « chercher » la trajectoire un court instant. Ce manque de rigueur gâche le plaisir en conduite rapide mais n’a rien de dangereux. Une fois posée sur l’angle, la Bandit est stable et les suspensions officient avec rigueur. C’est le raclement des repose-pieds qui vous rappelle à l’ordre.
Les freinages n’ont soulevé aucune critique sur les trois motos. La Honda possède un plus en la matière avec l’ABS-CBS, une sécurité active accrue (ABS) et une stabilité (CBS, freinage couplé avant-arrière à la pédale) bien agréable au quotidien.

Verdict

« La Fazer est ma préférée mais j’achèterai une CBF » : ce paradoxe lâché par Éric résume bien l’état d’esprit de celui qui cherche une routière. Malgré la passion, c’est la raison qui dicte l’achat. Il faut dire qu’au sujet de la Yamaha, il y a comme une erreur de casting : c’est plutôt dans la catégorie roadster qu’elle fera valoir ses qualités de sportive ! Pour qui est soucieux de son budget, la Suzuki est incontestablement l’affaire du moment avec un prix canon pour des prestations d’ensemble correctes. L’acheteur le plus réfléchi se penchera sur la Honda CBF. Moderne, confortable, homogène, avec un atout sécurité indéniable (ABS-CBS), c’est la routière du moment. Elle ne décevra pas.

Avec la participation de Sylvie Morin, Éric Lacoste et François Moutou.

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