Ballet motorisé
Pendant 45 minutes environ, les 3200 spectateurs du « Stunt Show Spectacular » assistent à un ballet motorisé reproduisant scène après scène le tournage d’une poursuite de film digne d’un James Bond. « Et cela fait 7 ans que ça dure, 3 fois par jour, sans jamais aucune interruption… », soupire Michaël Kavaliauskas, l’un des fondateurs du show. Kavaliauskas, oui, ce même personnage qui s’est rendu célèbre en signant le hole shot à l’Enduropale du Touquet 2008 sur une… Honda CBR 900 ! Pilote dans le show au début, ce géant qui frôle le double mètre est devenu le « lead » de l’équipe moto. Il « top » les pilotes et synchronise leur ballet par radio embarquée. Il est les yeux et la voix de chaque machine.

Mickaël, dit Mika, ancien responsable d’équipe de relais téléphonique fana d’enduro, a tout lâché en 2001 pour créer le spectacle avec le trialiste Patrick Bernard, alors que Rémi Julienne et Christophe Roblin s’occupaient de la partie voiture. « Ça n’a pas été facile à mettre en place car on partait vraiment de rien, se rappelle ce trentenaire venu du Nord. Le but était de limiter au maximum les risques de chutes. » Cela explique des réglages parfaits et, pour les pilotes, un travail qui loin de toute improvisation devient finalement routinier. « Côté motos, nous avons tout de suite choisi des supermotards, poursuit Mika. Ce sont les plus agiles. Une fois les véhicules mis au point et testés, 6 mois avant la première, on a commencé les répétitions sur un parking désaffecté. C’était ric-rac ! Mais la première dans le vrai décor fut un véritable succès. Même Roger Moore, qui avait atterri sur le set en hélicoptère juste avant, nous a applaudis. »

Évolutions dans les chorégraphies
Même sept ans après, le spectacle n’a eu de cesse d’évoluer. « Au début on partait en vainqueurs, mais en poussant un peu plus loin nos cascades et nos chorégraphies, nous sommes devenus des dingues de la sécurité. » Pompiers toujours prêts à intervenir, nettoyage régulier de la piste, couvertures chauffantes et véritable service de concession pour les motos et les autos, entraîneur sportif et activité physique quotidienne pour les pilotes… Les 5 cascadeurs moto qui s’exécutent chaque jour sont choyés. Ils passeront 3 shows dans la journée et se relaieront pour chuter et s’enflammer lors de la cascade finale, « la plus dure et la plus valorisante à exécuter », rappelle Michaël. Un véritable rite chez les cascadeurs de Disney, qui s’apprend pas à pas.

« On commence par la préparation du costume, décrit le patron. Cela prend 25 minutes pour 12 secondes de torche humaine. Celui qui apprend commence toujours par préparer ses collègues. Ensuite, on lui enflamme un bras pour tester sa phobie du feu et on observe ses réactions. Si tout se passe bien, on continue avec le torse. » Mais avant de s’enflammer, il faut parvenir à coucher la moto et se diriger en glissade vers le mur de flamme. Mika explique : « Tu bloques la roue arrière, poses la moto au sol, mets le garde-boue arrière dans l’axe de tes pieds et zip, tu maîtrises la glisse. Une bonne chute doit pouvoir s’exécuter les yeux fermés et le pilote doit savoir où s’arrêter. Il faut une bonne semaine d’entraînement pour maîtriser ce genre d’action. Les pilotes adorent car c’est de la vraie cascade ! »

Crossmen plutôt que stunters
Mathieu est le premier à exécuter la figure dans la journée. « Il n’y a pas d’ordre de passage, explique-t-il. Les rôles sont distribués au briefing et l’on s’y tient pour la journée, ça nous évite la routine. » Alcootest (eh oui, sécurité oblige…), préparation de la torche… Dans 30 minutes, il entrera en scène sur l’une des 2 Sherco 250 spécialement préparées pour la chute. « Avant chaque show, je fais le vide et j’essaie d’ignorer le public, poursuit Mathieu. 3200 paires d’yeux dirigés vers vous, ça peut refroidir… » À 24 ans à peine, ce champion de France junior de trial bénéficie d’un self-control étonnant. « C’est comme ça qu’on les choisit », rappelle Michaël, qui organise chaque année le recrutement.

« Tous les ans, 90 personnes viennent passer les essais. Seules 4 sont retenues pour être formées et 2 pourront peut-être rejoindre la troupe des 30 cascadeurs. » Stunters, pistards, apprentis cascadeurs, tous viennent s’essayer, mais l’équipe actuelle est essentiellement constituée de crossmen. « Ça n’a jamais vraiment marché avec les stunters, raconte Mika. Nous privilégions les compétiteurs. Ils savent gérer le stress et ont déjà connu la grosse chute. Les têtes brûlées n’ont pas leur place parmi nous, il en va de la sécurité de tous. Nous ne sommes pas non plus une école de cascade, le but est d’assurer le show au quotidien, sans aucune improvisation ! »

Sylvain, dit « Le Baron », ne savait même pas faire de wheeling lorsqu’il a été recruté, mais celui que toute l’équipe considère comme le meilleur a su mettre à profit ses nombreuses années passées en ligue d’Ile-de-France de motocross, où Mika est venu le chercher. Ex-conducteur de pelleteuse, il est aujourd’hui acclamé tous les jours par une foule en délire. « Sur les terrains de cross, les gens me jetaient des pierres parce que je faisais trop de bruit. Maintenant, ils m’applaudissent ! » Malgré le côté répétitif du spectacle, l’ennui ne vient jamais. « Chaque spectacle est différent, il y a toujours un petit détail, une amélioration à apporter à sa conduite. »

À chaque « trick », de gentils animateurs Disney déguisés en équipe de tournage expliquent aux spectateurs comment réaliser et filmer ces scènes, grand écran et caméra l’appui. Une manière très américaine d’inclure le public dans l’aventure et de rendre le show plus interactif. Et ça plaît : depuis son lancement, le spectacle fait partie des attractions les plus visitées du site de Marne-la-Vallée.

Un succès 100 % français que les studios américains n’ont pas tardé à récupérer. Grâce aux conseils de Michaël et de sa bande, un spectacle identique est désormais en place Outre-Atlantique, avec exactement le même décor et les mêmes chorégraphies ! Mais pour une fois, les Ricains ne rivalisent pas encore avec les Français, selon Michaël. Motif ? « Ils ne font que des torchettes, alors que nos cascadeurs parviennent à faire des flammes de plus de 2 mètres »… Pas de quoi s’enflammer !

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