Légalement, la NordSchleiffe (littéralement « boucle nord ») est une « route à sens unique et à péage, dont la vitesse n’est pas limitée ». Un cas ! Le tracé initialement destiné en 1927 à la mise au point des voitures (et toujours utilisé par les constructeurs allemands) regroupe tous les profils rencontrés sur nos routes.
Particularité : on y roule en même temps que les autres usagers , voitures, bus, camions, quads et bien sûr motos venues de toute l’Europe. Il n’existe pratiquement aucun dégagement ; pas question d’aller taquiner le dernier dixième de seconde.
Compte tenu des différences de vitesse entre les véhicules, les règles sont strictes (nous sommes en Allemagne) et la prudence est de mise. D’autant qu’on a rarement le tracé en visuel sur plus de 150 mètres, y compris dans les parties les plus rapides, avalées à plus de 260 km/h.

GUIDE OBLIGATOIRE

Hors de question de se lancer directement sur un tel rythme. Pour un néophyte, le premier tour tourne généralement au calvaire : les bras douloureux à force d’être contractés, un œil en permanence sur le rétro pour surveiller ses arrières, l’impression d’être toujours à contretemps…
Après deux tours plutôt laborieux, le retour sur le parking est plutôt mitigé. L’idéal est de se trouver un guide.

Lors de notre passage, cet homme providentiel eut pour nom Simon Byrne ; un Anglais qui a monté une sorte de Tour Operator des circuits d’Europe, et qui connaît le « Ring » comme sa poche.
Après les présentations d’usage, il me propose de suivre son Aprilia sur un tour pour repérer les bonnes trajectoires. Il me guide en adaptant son rythme au mien, ni trop rapide, ni trop lent et ce faisant, je découvre mes erreurs des premiers tours : rester en milieu de piste à la sortie de la chicane de Eschbach, ne pas aller chercher la première corde de Adenauer Forst, etc.
Un tour ainsi guidé permet d’en éviter bien d’autres inutiles (le temps, c’est de l’argent…) et de prendre des risques inconsidérés. Quand on est sur la bonne trajectoire, le reste vient tout seul au fur et à mesure que l’on mémorise le tracé.

Le reste est affaire de fluidité pour rouler vite et en sécurité. Vouloir forcer le rythme, c’est l’assurance, au mieux, de se faire une grosse frayeur – j’en ferai bientôt l’expérience plus tard en me prenant au jeu avec une autre CBR plus aguerrie aux finesses du circuit –, et au pire se « sortir » avec toutes les conséquences imaginables.
C’est en fait au bout de 6 ou 7 tours que l’on commence à prendre la mesure de ce tracé complexe et des 73 virages qu’il compte et qui peuvent défiler (enfin !) à un bon rythme.

Autre intérêt d’une initiation en bonne et due forme : les conseils d’usage entre pratiquants : s’assurer que le véhicule qu’on suit vous a vu, observer une pause avant de la dépasser si elle ne s’est pas décalée sur la droite, reconnaître les habitués de ceux, nombreux, qui ne le sont pas.
Mais ne jamais forcer le passage, quitte à mettre son ego dans sa poche. Outre le circuit lui-même, le grand attrait du Nürburgring, c’est sa population, les « Ringers ». Le parking d’accueil en témoigne.
C’est un lieu de rassemblement international, une concentration hétéroclite de ce qui se fait de mieux en voitures et motos de sport : Porsche 911 et BMW M3 à profusion, Lotus, Caterham, Ferrari, TVR 500, MV Agusta, Ducati et hypersports en tous genres.

On vient se montrer, partager sa passion de la belle mécanique, mais aussi découvrir le potentiel de ces engins inadaptés pour la plupart aux conditions de circulation standard.
La langue la plus courante est l’anglais. Les citoyens britanniques représentent en effet plus d’un tiers des Ringers. Belle motivation sachant qu’il leur faut traverser le Channel pour venir ! Le reste est composé d’Allemands, de Hollandais, de Belges, de Suisses et d’Italiens.

UN GOÛT DE MAD SUNDAY

Il n’y avait aucun autre Français ce jour-là. Étonnant, étant donné la proximité géographique. En parallèle, on trouve aussi une ambiance nettement plus racing avec des voitures intégralement préparées (arceau, moteur et châssis) et des motos en carénage de course, éclairage simplifié, pneus tendres type Promosport, qui font ressembler le parking secondaire d’Adenau à un paddock.

Ceux-là connaissent le Ring sur le bout de leurs pneus tendres, sont très rapides et pas toujours patients quand il s’agit de vous doubler… alors méfiance.
Ce sont aussi de redoutables pilotes qu’il ne fait pas toujours bon d’aller chercher. Il s’en sera fallu de peu, pour avoir tenté le bras de fer avec une autre CBR, que l’affaire ne se termine au tapis au terme d’une glissade d’anthologie ! Après tout, Nicky Lauda himself y perdit le contrôle de sa F1 !

Sur la route du retour, une comparaison me vient naturellement à l’esprit : la Nordschleiffe est vraiment ce qui se rapproche le plus du Mad Sunday au Tourist Trophy, la course mythique sur l’île de Man.
Même route rapide et étroite en sens unique, mixité auto/moto, absence de droit à l’erreur et nécessité absolue de trouver ses limites progressivement, sans les dépasser.
Les mêmes sentiments ambivalents aussi : un équilibre précaire entre sensations fortes et peur de l’accident. Et une fois qu’on a goûté à ça…

l’AVIS DE…



Liz, roule en Fazer 600
« Parce que ça existe ! »
Liz n’a pas hésité à faire la route depuis sa lointaine Écosse au guidon de sa moto pour découvrir le Nürburgring. Et quand on lui demande pourquoi, elle répond dans un style typiquement anglo-saxon : « Parce que ça existe ! » Pourtant, même entre les mains de Simon (voir encadré ci-contre), elle est tendue avant de prendre la piste.
Elle y va parce qu’elle a fait tout le chemin pour ça, mais on voit bien qu’elle préférerait être ailleurs… Après une boucle complète, le sourire est de retour.

« Vraiment impressionnant, inimaginable avant de l’avoir vécu, je suis vraiment contente d’être venue ! » Mais de tempérer immédiatement : « Par contre, je ne le sens pas d’y aller seule, je ne vais pas assez vite. Je referais un deuxième tour ce soir juste avant la fermeture, quand ça sera plus calme. »
2 500 km aller-retour, 4 jours de congés pour 2 tours du Nürburgring, la passion ça doit ressembler à ça !

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